Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Judy et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision adressée le 7 août 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a mis en demeure M. A..., en sa qualité de président de la société Judy, d'évaluer les risques auxquels est confronté son personnel, en application des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et d'élaborer et mettre en œuvre un plan d'action prenant en compte les résultats de l'évaluation des risques et de la charge de travail ainsi que le respect des principes généraux de prévention en application des dispositions de l'article L. 4121-2 du même code, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000600 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête comme étant irrecevable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, la société Judy et M. A..., représentés par Me Sanseverino, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la mise en demeure concernant les risques psychosociaux adressée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur le 7 août 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête de première instance était recevable dès lors que le recours prévu par les dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail n'est pas obligatoire et que la mention de l'exercice de cette voie de recours n'a pas été notifiée ;
- l'auteur de la décision attaquée était incompétent ;
- la décision ne comporte aucune date ; de plus, seul l'employeur et non le dirigeant à titre personnel peut être mis en demeure ;
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- les visas de la décision sont erronés ;
- l'employeur n'a aucune obligation de mettre en œuvre un plan d'action concernant les risques psychosociaux ; l'accord interprofessionnel de 2008 relatif au stress n'est pas un texte normatif ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête de première instance était irrecevable faute d'avoir été précédée du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Judy exploite un fonds de commerce à l'enseigne Carrefour Market à Valbonne. Elle est présidée par M. A.... Par une décision adressée le 7 août 2019, prise à la suite de contrôles effectués les 2 et 14 mai 2019 par l'inspecteur du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a mis en demeure M. A... d'évaluer les risques auxquels est confronté son personnel, en application des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et d'élaborer et mettre en œuvre un plan d'action prenant en compte les résultats de l'évaluation des risques et de la charge de travail ainsi que le respect des principes généraux de prévention en application des dispositions de l'article L. 4121-2 du même code, dans un délai de six mois. Par un jugement en date du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête présentée par la société Judy et M. A... tendant à l'annulation de cette décision comme étant irrecevable. La société Judy et M. A... interjettent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés./ L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4121-2 : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ". L'article L. 4721-1 dispose que : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, sur le rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l'employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte : 1° D'un non-respect par l'employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 ; 2° D'une infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l'article L. 4221-1. " L'article L. 4723-1 dispose quant à lui que : " S'il entend contester la mise en demeure prévue à l'article L. 4721-1, l'employeur exerce un recours devant le ministre chargé du travail (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse d'une mise en demeure édictée, comme en l'espèce, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, notamment, sur le fondement des dispositions des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail, l'employeur doit, préalablement à tout recours contentieux contre cette décision, saisir le ministre chargé du travail. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. En outre, la circonstance que l'existence et le caractère obligatoire d'un recours administratif préalable n'ont pas été indiqués dans la notification d'une décision administrative empêche que cette notification fasse courir le délai du recours au ministre à l'égard du destinataire de la décision, mais est sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande directement présentée contre cette décision au tribunal. Par suite, si, ainsi que le font valoir les requérants, la mise en demeure litigieuse ne faisait pas mention de la nécessité d'exercer le recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail, cette circonstance est sans incidence sur l'irrecevabilité de leur requête présentée directement contre ladite mise en demeure au tribunal administratif de Nice.
4. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur requête comme étant irrecevable.
Sur les frais d'instance :
5. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par les requérants doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Judy et de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Judy, à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2025.
N° 23MA01930 2
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