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24/01/2025 | FRANCE | N°22MA02555

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 24 janvier 2025, 22MA02555


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Union régime obligatoire en prévention santé (UROPS), anciennement Mutualité fonction publique services (MFPS), a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cinquante-deux titres exécutoires émis à l'encontre de la MFPS par l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 6 novembre 2019, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 5 920,33 euros, d'enjoindre à l'AP-HM de lu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union régime obligatoire en prévention santé (UROPS), anciennement Mutualité fonction publique services (MFPS), a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cinquante-deux titres exécutoires émis à l'encontre de la MFPS par l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 6 novembre 2019, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 5 920,33 euros, d'enjoindre à l'AP-HM de lui restituer la somme de 5 920,33 euros et de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2207416 du 26 septembre 2022 la présidente de la 9e chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes sur le fondement du 2e de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 octobre 2022 et le 11 janvier 2023, l'Union régime obligatoire en prévention santé (UROPS), anciennement Mutualité fonction publique services (MFPS), représentée par la SELARL Cheysson Marchadier et associés, agissant par Me Simonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 9e chambre du tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler cinquante-deux titres exécutoires émis à l'encontre de la MFPS par l'AP-HM, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 6 novembre 2019 ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 5 920,33 euros ;

4°) en conséquence, d'enjoindre à l'AP-HM de lui restituer la somme de 5 920,33 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses demandes de première instance n'étaient pas tardives ;

- la juridiction administrative est compétente pour connaître de sa contestation des titres de recettes en litige ;

- elle n'est pas redevable de la somme dont le recouvrement est recherché par les titres exécutoires en litige.

Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2022, l'AP-HM, représentée par Me Laillet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'UROPS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande de l'UROPS ;

- cette demande est au demeurant tardive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'Union régime obligatoire en prévention santé (UROPS) est une union de mutuelles qui a succédé à la Mutualité fonction publique services (MFPS) et qui a assuré, jusqu'au 31 décembre 2016, la gestion des frais de santé du régime complémentaire de la couverture santé des fonctionnaires et agents publics et, jusqu'au 1er mars 2019, celle du régime obligatoire desdits fonctionnaires et agents publics. Le 24 septembre 2019, elle a fait l'objet d'un avis de saisie administrative à tiers détenteur portant sur un montant total de 5 920,33 euros, émis par le comptable public à destination de son établissement bancaire pour le recouvrement de cinquante-deux titres de recettes émis par l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM). L'UROPS a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une requête tendant à l'annulation de ces cinquante-deux titres de perception et de celle de la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 6 novembre 2019, à la décharge de l'obligation de payer et à la restitution des sommes appréhendées. Par une ordonnance du 26 septembre 2022, la présidente de la 9e chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes. Par sa requête l'UROPS relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / [...] / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

4. Il résulte de ces dispositions que les contestations relatives au recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé relèvent, lorsqu'elles portent sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite, de la compétence du juge de l'exécution et,

lorsqu'elles portent sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée, de la compétence du juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance, c'est-à-dire du juge compétent pour connaître d'une contestation de la régularité ou du bien-fondé de cette créance elle-même.

5. Une contestation tirée de ce que la personne visée par la saisie administrative à tiers détenteur n'a pas la qualité de débiteur des sommes dont le recouvrement est poursuivi est relative à l'obligation au paiement. Il appartient en conséquence au juge de droit commun compte tenu de la nature de la créance d'en connaître.

6. La personne hospitalisée dans un établissement public de santé est un usager d'un service public administratif et le rapport né de cette situation est un rapport de droit public. Par suite, les litiges susceptibles de s'élever entre l'établissement et la personne hospitalisée au sujet du paiement des frais de son hospitalisation relèvent de la juridiction administrative. Il en est de même, sauf si la loi en dispose autrement, des litiges relatifs au paiement des frais d'hospitalisation opposant l'établissement public de santé aux personnes et organismes tenus à ce paiement pour le compte de la personne hospitalisée.

7. A l'appui de ses demandes tendant à l'annulation des titres exécutoires en litige et à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres, l'UROPS soutient, en première instance comme en appel, qu'elle n'est pas redevable de la somme en cause dès lors que, si les titres exécutoires portent sur des soins dont la prise en charge relève du régime obligatoire de la couverture de santé des fonctionnaires et agents publics, la gestion de ce régime a été transférée le 1er mars 2019 à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), laquelle en serait donc débitrice.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7 du présent arrêt que l'ordonnance de la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Marseille est irrégulière en tant qu'elle décline la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis à l'encontre de l'UROPS, à la décharge de l'obligation de payer et à la restitution des sommes appréhendées par l'AP-HM, les conclusions correspondantes ayant trait à la contestation du bien-fondé de créances de nature administrative. Cette ordonnance doit être annulée et il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire.

Sur la demande de l'UROPS tendant à l'annulation des titres de recette émis à son encontre par l'AP-HM, à la décharge de l'obligation de payer et à la restitution des sommes appréhendées par l'AP-HM :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code prévoit : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

10. Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ". Aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; / (...) Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ".

11. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

12. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai découlant de la règle énoncée au point 11. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai découlant de la règle énoncée au point 11 pour saisir le juge. En cas de silence gardé par l'administration sur le recours administratif, le délai de recours contentieux de droit commun contre la décision administrative contestée recommence à courir dès la naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif lorsque l'autorité administrative a accusé réception de ce dernier recours et que l'accusé de réception comporte les indications prévues à l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. A défaut, l'intéressé dispose, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu'il conteste, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 11.

13. Il résulte de l'instruction que, par demande du 2 septembre 2022, l'UROPS a contesté devant le tribunal administratif cinquante-deux titres de perception émis les 13, 14 et 18 février 2019 par l'AP-HM, qui avaient été portés à sa connaissance par courriel de cette dernière du 23 octobre 2019. Si par un courriel du 6 novembre 2019, la MFPS a sollicité de l'AP-HM la main levée de la saisie administrative, elle n'a cependant pas sollicité l'annulation ou le retrait des titres exécutoires en cause. Par suite, les délais de recours n'ayant pas été prorogés, la demande d'annulation des titres introduite par l'UROPS devant le tribunal administratif de Marseille le 2 septembre 2022, soit plus d'une année après que les titres de perception ont été portés à sa connaissance, était tardive.

14. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HM s'agissant des demandes introduites par l'UROPS doit être accueillie et ces demandes doivent être rejetées en raison de leur irrecevabilité.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'AP-HM dirigées contre l'UROPS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme demandée par l'UROPS en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 9e chambre du tribunal administratif de Marseille n° 2207416 du 26 septembre 2022 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union régime obligatoire en prévention santé et à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme C. Fedi, présidente de chambre,

- Mme L. Rigaud, présidente assesseure,

- M. N. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.

2

N° 22MA02555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02555
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL CHEYSSON MARCHADIER & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;22ma02555 ?
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