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22/01/2025 | FRANCE | N°23MA02901

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 22 janvier 2025, 23MA02901


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 par lequel le maire de Ventabren a délivré au GFA L'Arche de Mone un permis de construire un bâtiment agricole sur une parcelle cadastrée BK80 située 362 chemin du Puit des Vences à Ventabren ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 5 novembre 2019.



Par un jugement n° 2000058 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseill

e a annulé l'arrêté du 3 juin 2019.





Procédure devant la Cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 juin 2019 par lequel le maire de Ventabren a délivré au GFA L'Arche de Mone un permis de construire un bâtiment agricole sur une parcelle cadastrée BK80 située 362 chemin du Puit des Vences à Ventabren ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 5 novembre 2019.

Par un jugement n° 2000058 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 3 juin 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2023, le groupement foncier agricole (GFA) L'Arche de Mone, représenté par Me Plantard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la requête de M. A... ;

3°) de condamner M. A... à lui verser la somme de 854 300 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté litigieux ;

- le projet objet de l'arrêté litigieux ne méconnaît pas l'article 9.3 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Ventabren, ni l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le recours de M. A... à l'encontre de l'arrêté du 3 juin 2019 présente un caractère abusif et justifie qu'il soit condamné à lui verser une somme de 854 300 euros en réparation de ses préjudices sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Susini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du GFA L'Arche de Mone en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le projet méconnaît l'article A.3 du règlement du PLU de Ventabren relatif aux accès et voirie et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le chemin du puits des Vences a une largeur insuffisante pour le passage et le croisement des engins de secours comme des véhicules attelés de remorques à chevaux ;

- le projet méconnaît l'article A.4 du règlement du PLU de Ventabren relatif aux réseaux alors que le projet ne prévoit aucun raccordement aux réseaux d'eau potable et d'assainissement ;

- le projet méconnaît l'annexe B de ce règlement relatif aux matériaux de construction en zone d'aléa incendie ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme faute d'une prescription suffisamment précise quant à l'écoulement des eaux pluviales ;

- il méconnaît également les articles A 2 du règlement du PLU et R. 151-23 du code de l'urbanisme dès lors que l'activité de prise en pension de chevaux du pétitionnaire ne peut être qualifiée d'exploitation agricole au sens de cet article.

Par courrier du 18 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le maire de Ventabren pour refuser la demande de permis de construire du GFA L'Arche de Mone compte tenu de l'interdiction, résultant de l'article 9.3 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, de toute construction nouvelle, à vocation d'habitation ou non, dans les zones à indice F1.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Tramier, représentant le GFA L'Arche de Mone, et celles de Me Susini, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 juin 2019, le maire de Ventabren a délivré au GFA L'Arche de Mone un permis de construire un bâtiment agricole sur une parcelle cadastrée BK80 située 362 chemin du Puit des Vences. Le GFA L'Arche de Mone relève appel du jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'intérêt à agir de M. A... :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section BK n° 21 appartenant à M. A... et sur laquelle il réside est séparée de la parcelle d'assiette du projet en litige, désormais cadastrée section BK n° 163, par une parcelle cadastrée section BK n° 0009, au sud de laquelle est exploitée l'activité de pension de chevaux exercée par le GFA L'Arche de Mone, d'une largeur de plus de 230 mètres, et que la parcelle cadastrée section BL n° 113, dont il est propriétaire indivis avec son fils M. C... A..., qui y réside, n'est riveraine que de la parcelle cadastrée section BK n° 162 issue, avec la parcelle cadastrée section BK n° 163, de la division de la parcelle cadastrée section BK n° 80. M. A... ne peut dès lors être regardé comme un voisin immédiat pour justifier de son intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté litigieux. Cependant, la parcelle cadastrée section BK n° 0009 est plate et en nature de pré, dépourvue de tout aménagement et ne comportant aucune végétation, en sorte qu'une vue directe existe entre la parcelle cadastrée section BK n° 21 et la parcelle cadastrée section BK n° 163 sur laquelle va s'édifier le projet litigieux, qui consiste en la construction d'un bâtiment agricole culminant à plus de 10 mètres et d'une dimension de 71 mètres de longueur par 58 mètres de largeur. En outre, l'accès au projet se fait par le chemin du puits des Vences, qui longe la parcelle sur laquelle réside M. A... et il ressort des pièces du dossier que le bâtiment agricole va en partie abriter une vingtaine de box à chevaux, pour lesquelles des propriétaires de chevaux ont déjà manifesté leur intérêt selon les attestations produites à l'instance par le pétitionnaire, induisant nécessairement une circulation supplémentaire sur le chemin du puits des Vences, qui sera encore aggravée par le passage des véhicules bennes destinés, comme il le fait valoir, à évacuer le fumier. Ces atteintes aux conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de son bien suffisent à justifier de la qualité de M. A... pour agir à l'encontre de l'arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux :

4. Aux termes de l'article 9.3 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Ventabren : " Le territoire communal est soumis au risque feu de forêt. / L'aléa subi feu de forêt sur l'ensemble du territoire communal a été porté à la connaissance de la commune par le préfet du département, en date du 4 janvier 2017. / Le porté à connaissance du préfet (PAC) sur le risque feu de forêt est assorti de prescriptions à prendre en compte suivant le niveau d'aléa. / Ces prescriptions s'imposent à tout occupation du sol sur le territoire communal. Le PAC est annexé au plan local d'urbanisme./ Une cartographie traduisant le niveau d'aléa du PAC est reportée au règlement graphique du plan local d'urbanisme. Toutes les zones du PLU sont concernées par ce zonage. / 3 indices sont définis : / - F 1 : secteurs particulièrement exposés au risque / F2 : secteurs exposés au risque / F1p : secteurs à projet particulièrement exposés au risque. / Dans les zones indicées F1, F2 ou F1p, l'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol est soumise à une réglementation spécifique. / Dispositions techniques réglementaires en zones indicées F1 (zone rouge) : / Dans les zones à indice F1, la protection réside en une interdiction générale pour toute occupation du sol nouvelles et tout particulièrement les travaux augmentant le nombre de personnes exposées au risque ou le niveau de risque, notamment : / Les constructions nouvelles à usage ou non d'habitation et notamment les établissements recevant du public, les installations classées pour la protection de l'environnement , les bâtiments des services de secours et de gestion de crise. ".

5. Il est constant que la parcelle d'implantation du projet litigieux est située dans une zone à indice F1 du PLU de Ventabren au sein de laquelle, selon les dispositions du règlement dudit PLU rappelées au point 4, toute construction nouvelle, qu'elle soit ou non à usage d'habitation, est interdite, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, le projet porte sur la construction d'un bâtiment agricole culminant à plus de 10 mètres et pour une dimension de 71 mètres de longueur par 58 mètres de largeur. A cet égard, le GFA L'Arche de Mone ne saurait sérieusement soutenir que ce projet n'emporte pas d'occupation nouvelle du sol, alors au demeurant qu'aucune construction ne préexiste sur cette parcelle. Compte tenu de ces dispositions impératives du règlement du PLU de la commune et de la consistance du projet litigieux, le maire de Ventabren était tenu de refuser la demande du GFA L'Arche de Mone. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait l'autorité administrative, le moyen tiré de l'absence de violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté comme étant sans influence sur le bien-fondé du jugement.

6. Il résulte de ce qui précède que le GFA L'Arche de Mone n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 3 juin 2019.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation du GFA L'Arche de Mone :

7. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. "

8. L'article L. 600-7 du code de l'urbanisme permet au juge administratif d'accorder des dommages et intérêts au bénéficiaire d'un permis de construire lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre cet acte est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Toutefois, l'annulation de l'arrêté attaqué s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par le GFA L'Arche de Mone sur le fondement de ces dispositions. Ses conclusions doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le GFA L'Arche de Mone sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GFA L'Arche de Mone une somme de 2 000 euros à verser à M. A... en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du GFA L'Arche de Mone est rejetée.

.

Article 2 : Le GFA L'Arche de Mone versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GFA L'Arche de Mone et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

2

N° 23MA02901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02901
Date de la décision : 22/01/2025

Analyses

68-03-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;23ma02901 ?
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