Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 mars 2022 par lequel le maire de la commune d'Arles a prononcé sa révocation avec radiation des cadres à compter de sa notification, et d'enjoindre à la commune d'Arles de procéder à sa réintégration juridique et matérielle ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière à compter du 9 mars 2022, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2203627 du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juin et 10 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Februnet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203627 du 18 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille ainsi que l'arrêté du maire de la commune d'Arles du 8 mars 2022 ;
2°) d'enjoindre à la commune d'Arles de procéder à sa réintégration juridique et matérielle ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière d'un point de vue administratif et financier à compter du 9 mars 2022, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Arles la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit quant au prétendu fait de vol de carburant en date du 24 juin 2021 ; au surplus, les premiers juges auraient dû écarter des débats le procès-verbal de police à l'origine de la sanction dès lors que cette pièce, irrégulière, porte une atteinte manifeste au principe de loyauté dans l'administration de la preuve et méconnaît l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 9 du code de procédure civile ;
- les premiers juges ont également commis une erreur de fait quant aux prétendus faits de vols réguliers de carburant entre août 2020 et août 2021 ;
- l'arrêté du 8 mars 2022 est entaché d'une inexactitude matérielle des faits ; il a d'ailleurs été relaxé par la juridiction répressive ;
- outre que les faits ne sont pas établis, la sanction de la révocation est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 septembre et 23 octobre 2024, la commune d'Arles, représentée par Me de Faÿ, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Un courrier du 2 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lesure, substituant Me de Faÿ, représentant la commune d'Arles.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 8 mars 2022, le maire de la commune d'Arles, après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline, a prononcé la révocation de M. B..., qui était jusqu'alors agent titulaire de la commune, affecté au service nettoiement depuis le 1er juin 2002. Par un jugement du 18 avril 2024, dont M. B... relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit résultant de la prise en compte d'une pièce irrégulière en méconnaissance des articles 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile. Pour le même motif, il ne peut davantage utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de fait.
3. En deuxième lieu, et d'une part, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
4. Par suite, M. B... ne peut se prévaloir, pour justifier de l'absence de matérialité des faits qui lui sont reprochés, du jugement du 20 février 2024 par lequel le tribunal judiciaire de Tarascon, après avoir fait droit à l'exception de nullité résultant de l'irrégularité du rapport établi par les services de police municipale de la commune d'Arles sur le fondement duquel la sanction en litige est intervenue, l'a relaxé du chef d'abus de confiance faute de caractérisation des faits reprochés.
5. D'autre part, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.
6. Il ressort des pièces du dossier que la sanction en litige est notamment fondée sur les conclusions du rapport évoqué au point 4, établi le 27 juin 2021 par les services de police municipale de la commune d'Arles, aux termes duquel M. B... a été formellement identifié comme ayant procédé à des faits de vol de carburant commis le 24 juin précédent.
La circonstance que le tribunal judiciaire de Tarascon a considéré que ce rapport était entaché d'irrégularités ne saurait suffire, par elle-même, en raison de l'indépendance des procédures administrative et pénale, à regarder l'administration comme ayant méconnu son obligation de loyauté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article L. 530-1 du même code : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de son article L. 533- 1 : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / 4° quatrième groupe : / (...) ;
/ b) La révocation ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M. B..., et s'agissant, d'abord, des faits de vols de carburant commis le 24 juin 2021, il ressort du rapport précédemment cité établi le 27 juin 2021 qu'au cours de constatations effectuées les 21 et 24 juin précédent, trois agents assermentés de police municipale ont constaté que M. B... s'était livré à des faits de vols de carburant sur le véhicule de nettoyage mis à sa disposition par la commune aux fins d'exercice de ses missions, au moyen d'une pompe manuelle et de bidons dont certains ont ensuite été dissimulés dans un sac plastique contenant une poche de couleur verte provenant du service des cantonniers de la commune d'Arles. Alors que ce rapport est assorti de plusieurs photographies d'un individu identifié comme étant M. B..., ce que ce dernier ne conteste au demeurant pas, la seule circonstance qu'il aurait été établi de manière irrégulière et que les photographies ne sont pas datées ne sauraient, par elle-même, remettre en cause la matérialité des faits ainsi établis. En outre, si l'appelant soutient que les photographies ne le font pas apparaitre en train de siphonner du carburant, il n'apporte toutefois aucune explication sur les raisons de sa présence à deux reprises avec ce véhicule et le matériel précédemment décrit, dans un lieu dont il est constant qu'il n'est pas concerné par ses fonctions de nettoyage. Par conséquent, la matérialité des faits de vol de carburant commis le 24 juin 2021 est établie.
10. Pour établir, ensuite, la matérialité des faits de vols régulier de carburant entre les mois d'août 2020 et d'août 2021, la commune d'Arles a, dans un premier temps, procédé à la comparaison de la consommation d'essence des deux laveuses à disposition de son service de nettoyage, dont l'une, selon la note de service circonstanciée établie le 12 mai 2022 par le chef du service nettoiement et espaces verts, était exclusivement affectée à M. B... sauf pendant ses congés. Cette comparaison a fait apparaitre qu'au cours de cette période, la laveuse utilisée par M. B... a consommé 6 937,19 litres d'essence quand le second véhicule, pourtant moins récent et plus lourd selon l'attestation du chef de garage par intérim du 1er mars 2022, n'en a consommé que 3 061,85 litres. Une telle évaluation, réalisée sur le fondement des factures d'achats mentionnant les cartes de paiement affectées à chacun des véhicules, n'est pas sérieusement contredite par M. B..., qui n'établit ni que les cartes de paiement pouvaient être interchangées d'un véhicule à un autre, ni que d'autres employés auraient régulièrement utilisé le véhicule qui lui était affecté. M. B... ne contredit pas davantage l'affirmation de la commune selon laquelle le rapprochement entre le récapitulatif de ses absences, généré par le logiciel à disposition du service des ressources humaines, et les dates des ravitaillements qui figurent sur les factures, permet d'établir que tous les achats de carburant de la laveuse qui lui était affectée ont été effectués par lui-même, à l'exception de celui du 6 mai 2020. Il ne conteste pas davantage qu'un nombre significatif d'entre eux a été réalisés en week-end alors qu'il n'était pas en service. S'il est néanmoins exact que la différence de consommation ainsi révélée doit être relativisée au motif qu'au cours du mois de juillet 2021, le second véhicule, en panne, n'a pas consommé de carburant, de sorte que l'écart de 529,75 litres entre les deux véhicules a été surestimé, et que ce même véhicule présente une consommation anormalement basse au cours des mois d'avril et juin 2021, une telle circonstance ne suffit pas à remettre en cause le constat global d'une substantielle surconsommation de la laveuse de M. B... sur l'ensemble de l'année analysée. Ensuite, et dans un second temps, la commune a comparé l'évolution de la consommation de carburant de ladite laveuse à partir du premier semestre 2020 et ce jusqu'en fin d'année 2021. De cette comparaison, il est apparu que la consommation du véhicule en cause a augmenté de 20,24 % entre le premier et le second semestre 2020, et de 39,69 % entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, sans qu'aucune modification des conditions d'utilisation du véhicule soit de nature à expliquer une telle augmentation. Inversement, il est apparu qu'à compter du mois d'août 2021, au cours duquel l'appelant a été affecté dans de nouvelles fonctions, la consommation de son ancienne laveuse a retrouvé un niveau mensuel comparable à celui de l'autre véhicule. Au regard de ces éléments, et à la lumière des constations effectuées les 21 et 24 juin 2021 par les services de police municipale, la commune était fondée à considérer que M. B... s'est livré de manière récurrente à des faits de vol de carburant entre les mois d'août 2020 et août 2021.
11. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits évoqués aux points 9 et 10 est établie, ce que le requérant a, au demeurant, reconnu dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, par laquelle il a indiqué que, si le manquement au devoir de probité justifie l'application d'une sanction, les faits reprochés ont été commis à une période au cours de laquelle il connaissait des difficultés sérieuses. De plus, de tels faits constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à leur réitération et leur gravité, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en infligeant au requérant la sanction de la révocation, et ce en dépit de la circonstance qu'il n'avait jamais été sanctionné auparavant, qu'il aurait eu des difficultés relationnelles avec ses collègues, et que la commune avait initialement soumis au conseil de discipline une proposition de sanction du troisième groupe.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 mars 2022 du maire de la commune d'Arles. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
13. Enfin, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros à la commune d'Arles au titre des frais liés au litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Arles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Arles.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 21 janvier 2025.
N° 24MA01554 2