Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal, de condamner la société Électricité de France (EDF) à lui payer la somme de 832,79 euros au titre de la production d'électricité livrée au réseau public pour la période du 13 septembre 2018 au 13 septembre 2019 ; à titre subsidiaire, de condamner la société Enedis à lui payer la somme de 832,79 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de paiement de sa facture par la société EDF ; à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Enedis à le relever et garantir du remboursement à la société EDF des sommes perçues au titre des factures émises pour la période du 13 septembre 2016 au 13 septembre 2018 ; de condamner la société EDF à lui verser la somme de 1 000 euros du fait de sa résistance abusive ; de condamner solidairement la société EDF et la société Enedis à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 2101272 du 8 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2024, M. B..., représenté par Me Reynaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de la société EDF portant rejet de sa demande indemnitaire préalable ;
3°) à titre principal, de condamner la société EDF à lui payer la somme de 832,79 euros au titre de la production d'électricité livrée au réseau public pour la période du 13 septembre 2018 au 13 septembre 2019 ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la société Enedis à lui payer la somme de 832,79 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de paiement de sa facture par la société EDF ;
5°) en tout état de cause, de condamner la société Enedis à le relever et garantir du remboursement à la société EDF des sommes perçues au titre des factures émises pour la période du 13 septembre 2016 au 13 septembre 2018 ;
6°) à titre subsidiaire, de condamner la société EDF à lui verser la somme de 1 000 euros du fait de sa résistance abusive ;
7°) de condamner solidairement la société EDF et la société Enedis à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
8°) de mettre à la charge de la société EDF et de la société Enedis, solidairement la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le présent litige relève de la compétence de la juridiction administrative ;
- la responsabilité de la société Enedis ne peut qu'être engagée puisqu'elle indique elle-même dans son mémoire (page 9) qu'EDF s'est opposée au règlement de la facture litigieuse " en raison de vérification par la société ENEDIS des index fournis par le producteur " ;
- il n'a nullement méconnu les stipulations du contrat ;
- la responsabilité des sociétés EDF et Enedis est incontestable ;
- la société EDF savait que les données de production ne pouvaient pas être les mêmes entre le 15 décembre 2016 et le 29 octobre 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2024, et un mémoire non communiqué enregistré le 31 décembre 2024, la société EDF, représentée par la SELARL Europa Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre liminaire, la requête d'appel est irrecevable dès lors que le tribunal s'est prononcé en premier et dernier ressort et que seul un pourvoi devant le Conseil d'Etat pouvait être formé ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2024, la société Enedis, représentée par Me Rubin, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions de la requête dirigées contre elle relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Bordon pour la société EDF.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et la société EDF ont conclu, le 30 mars 2012, un contrat d'achat d'énergie électrique. Le 22 septembre 2019, M. B... a établi une facture d'un montant de 832,79 euros pour l'électricité produite par son installation photovoltaïque entre le 13 septembre 2018 et le 13 septembre 2019. La société EDF a refusé le paiement de cette facture en raison de l'absence de relevé des index de production émanant de la société Enedis. Le 3 décembre 2020, M. B... a adressé à la société EDF une mise en demeure de lui régler la facture en cause. En l'absence de réponse à sa réclamation, il a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à titre principal, à la condamnation de la société EDF à lui régler le montant de cette facture, à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Enedis à l'indemniser du préjudice subi et à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Enedis " à le relever et garantir des éventuelles sommes qu'il devrait rembourser à la société EDF ". Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la compétence de la juridiction administrative s'agissant des demandes indemnitaires dirigées contre la société Enedis :
2. Sauf si la loi en dispose autrement, les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public.
3. D'une part, l'article 5 du décret du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat alors applicable dispose que " (...) la prise d'effet du contrat d'achat pour les installations nouvelles est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau (...) ".
4. D'autre part, par le contrat de raccordement d'une installation de production d'électricité d'origine photovoltaïque au réseau de transport et de distribution de l'électricité en vue de l'achat par la société EDF de l'énergie produite, conclu entre un producteur indépendant et la société Enedis, cette dernière n'exerce aucune mission pour le compte d'une personne publique. Si ce raccordement constitue un préalable technique à la délivrance de l'électricité à EDF et si l'article 5 du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 dispose que " la prise d'effet du contrat d'achat est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau ", il n'en résulte pas que le contrat de raccordement soit l'accessoire du contrat d'achat de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier par l'article L. 314-7 du code de l'énergie tel qu'il résulte de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ne s'étend pas au premier.
5. Il résulte de l'instruction que M. B... et la société EDF ont conclu le 30 mars 2012 un contrat d'achat de l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques installés par M. B... aux dispositions tarifaires de l'arrêté du 4 mars 2011 et qu'au préalable, l'intéressé a déposé et obtenu de la société Enedis le raccordement de son installation de panneaux photovoltaïques.
6. Le contrat de raccordement d'une installation de production d'électricité d'origine photovoltaïque au réseau de transport et de distribution de l'électricité, en vue de l'achat par la société EDF de l'énergie produite, conclu entre un producteur indépendant et la société Enedis a trait à la relation des usagers avec la personne privée chargée d'une mission de service public industriel et commercial et relève de la compétence des juridictions judiciaires. La circonstance que le contrat entre un producteur indépendant et la société EDF soit un contrat administratif par détermination de la loi est sans incidence sur ces considérations dès lors que le contrat de raccordement de l'installation au réseau ainsi qu'il a été dit au point 4 ne constitue pas un accessoire de ce contrat de nature administrative. Il s'en déduit que seules les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître des conclusions de M. B... dirigées contre la société Enedis et tendant à sa condamnation à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait des problèmes de relevés et de raccordement de son installation.
Sur la compétence de la cour administrative d'appel de Marseille :
7. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) /8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; ". Sont ici visées les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas un montant fixé par l'article R. 222-14 à 10 000 euros.
8. La demande présentée par M. B... au tribunal administratif de Marseille tendait à ce que la société EDF soit " condamnée " à lui verser les sommes dues au titre du contrat d'achat de l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques qu'il avait installés. De telles conclusions, qui ne mettent pas en cause la responsabilité de la société mais tendent au règlement de sommes impayées relatives à l'exécution d'un contrat, si elles ne portent pas sur un contrat relevant du droit de la commande publique, ne revêtent pas non plus un caractère indemnitaire, au sens du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Ainsi, ces conclusions ne soulèvent pas un litige pour lequel le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 811-1 de ce code. Par suite, la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2024, en tant qu'il a rejeté ses conclusions, présente le caractère d'un appel qui ressortit bien à la compétence de la cour administrative d'appel de Marseille. La société EDF n'est dès lors pas fondée à soutenir que seul un pourvoi devant le Conseil d'Etat pouvait être formé contre ce jugement.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'exécution du contrat :
9. Il résulte de l'instruction que, pour établir sa facture d'un montant de 832,79 euros pour la période comprise entre le 13 septembre 2018 et le 13 septembre 2019, M. B... s'est fondé sur l'index de 1 770 kWh relevé le 13 septembre 2019 sur l'onduleur de son installation photovoltaïque en raison du caractère défectueux de son compteur. Toutefois, d'une part, en application des stipulations de l'article 5 des conditions générales " PHOTO2011_V1 " du contrat conclu avec la société EDF prévoyant que " la puissance et l'énergie électrique fournie à l'acheteur au point de livraison, au titre du présent contrat, sont mesurées par un dispositif de comptage décrit dans une convention ou un contrat conclu avec le gestionnaire de réseau, et dont les caractéristiques permettent l'application du présent contrat ", M. B... ne pouvait se fonder sur le relevé fourni par son onduleur au lieu du dispositif de comptage prévu par ces dispositions. Ensuite, en application des stipulations de l'article 10 de ces mêmes conditions générales, il appartenait à M. B... de tenir l'acheteur informé de la production, du fonctionnement de son installation et de ses modifications éventuelles.
10. Par ailleurs, l'article 9 de ces conditions générales dispose que : " Le producteur établit, en accord avec l'acheteur le décompte de l'énergie livrée et mesurée au cours de chaque période de facturation définie à l'article 5 des conditions particulières. (...) Dès lors qu'une erreur ou omission est décelée sur la facture du producteur, celle-ci lui est immédiatement retournée ". Par suite, M. B... n'ayant pas respecté les termes du contrat, il n'est pas fondé à se plaindre de ce que la société EDF en aurait méconnu les stipulations et commis une faute en refusant de payer la facture établie sur un relevé sur un autre dispositif de comptage que celui prévu et qui ne respectait pas les dispositions du contrat, sans que n'ait d'incidence la circonstance que pour ladite période, mesurée à partir de son onduleur, la production correspondrait à celle des deux années précédentes. Dans ces conditions, l'appelant ne saurait utilement, afin de s'exonérer de sa responsabilité, invoquer le fait du tiers en alléguant que la société Enedis était tenue de relever, de valider et de fournir les données de comptage de la production électrique à la société EDF.
11. Il s'ensuit que M. B... ne saurait solliciter le paiement de sa facture par la société EDF.
En ce qui concerne la responsabilité quasi délictuelle :
12. Si l'appelant se plaint de ce qu'il aurait été victime de la part de la société EDF de tracasseries administratives et aurait subi un préjudice moral, il ne résulte pas de l'instruction qu'une quelconque faute soit imputable à la société EDF. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la société EDF soit condamnée à l'indemniser de son préjudice moral ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'appel en garantie à l'encontre de la société Enedis :
13. M. B... présente un " appel en garantie " sans l'assortir de précisions suffisantes de nature à mettre la Cour à même d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, son " appel en garantie " ne peut qu'être rejeté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la société EDF.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés EDF et Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société anonyme à conseil d'administration EDF et à la société anonyme à directoire Enedis.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2025.
N° 24MA01015 2