Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 mars 2024 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2400914 du 25 mars 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2024, M. B..., représenté par Me Laurens, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 mars 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous la même astreinte, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- un retour en Algérie l'expose au risque de perdre la vie et à des traitements inhumains ou dégradants ;
- cette décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de son enfant ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif le 21 octobre 2022 s'oppose à toute autre analyse ;
- le préfet ne pouvait lui faire interdiction de retour pour une durée de trois ans.
Par une lettre en date du 17 avril 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 1er juillet 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance ou d'un avis d'audience à compter du 20 mai 2024.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat par l'émission d'un avis d'audience le 20 décembre 2024.
Par une décision en date du 26 juillet 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 juin 2022, le préfet du Var a prononcé l'expulsion du territoire français de M. B..., ressortissant algérien né le 14 août 1973 entré en France à une date indéterminée et titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un jugement du 21 octobre 2022, confirmé en appel par la cour administrative d'appel de Marseille, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté. Par un nouvel arrêté du 14 mars 2024, le préfet du Var a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
3. L'arrêté préfectoral attaqué, qui vise les 3° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise, d'une part, que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, et, d'autre part, que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, en précisant les nombreux faits qui lui sont reprochés, est suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi ". Et aux termes de son article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
5. Si M. B... soutient qu'ayant été victime de deux accidents cérébraux et souffrant d'hémiparésie et d'épilepsie, sa vie serait en danger en cas de retour en Algérie, il ne fournit pas d'éléments permettant d'établir l'indisponibilité d'un traitement approprié. Il n'établit donc pas, en tout état de cause, la violation des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'il invoque.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
7. Il ressort des motifs, non contestés, de l'arrêté préfectoral, que M. B... a été condamné le 6 décembre 2004 pour des faits de détention et cession de stupéfiants et port prohibé d'arme de catégorie 6, le 15 mars 2005 pour des faits de vol, le 18 septembre 2006 pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, le 17 décembre 2008 pour des faits de détention et cession de stupéfiants. En outre, il a fait l'objet de signalements pour coups et blessures volontaires le 8 juin 2016, pour menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique le 27 septembre 2018, et pour viol sur conjoint, violences volontaires et menaces de mort réitérées le 11 mars 2024. M. B..., qui se borne à relever que ces signalements n'ont pas donné lieu à des poursuites judiciaires, ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont imputés. Compte tenu de leur nature et de leur caractère réitéré, ces comportements permettent d'établir que M. B... constitue une menace pour l'ordre public. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement du 21 octobre 2022 annulant l'arrêté d'expulsion ne fait pas obstacle à cette analyse, dès lors que les seuls faits alors soumis au tribunal administratif portaient sur les condamnations prononcées entre 2005 et 2008. Le préfet n'a donc pas fait une inexacte application du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Toutefois, aucune disposition de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. B... constitue une menace pour l'ordre public. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir du droit au séjour qu'il retirerait du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Le préfet du Var ne conteste pas le fait que l'enfant de M. B..., Kenzo, né d'une ressortissante française, qui réside à son domicile et sur lequel il exerce conjointement l'autorité parentale, est lui-même français. En outre, sa mère et ses deux frères sont également de nationalité française. Enfin, M. B... soutient sans être contesté qu'il réside en France depuis l'âge de douze ans. Toutefois, compte tenu de la gravité de la menace que représente M. B... pour l'ordre public, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ni à l'intérêt supérieur de l'enfant, dont il n'est pas établi que sa mère ne pourrait s'occuper de lui.
12. En sixième lieu, compte tenu de la menace que M. B... représente pour l'ordre public, et en dépit de ses attaches familiales en France, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant interdiction de retour pour une durée de trois ans à M. B.... Il n'a pas non plus porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Rikabi et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2025.
N° 24MA00734 2