Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et, à titre subsidiaire, de désigner un expert qui aura pour mission de décrire son état physique et de préciser les soins qui lui sont nécessaires.
Par un jugement n° 2310827 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2024, Mme B..., représenté par Me Keïta, demande à la Cour, à titre principal, d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2023 et, à titre subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission de décrire son état physique et de préciser les soins à lui apporter afin d'éviter qu'elle ne devienne aveugle.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le rapport médical sur lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) s'est fondé pour émettre son avis du 19 septembre 2023 ne lui a pas été communiqué ;
- le nom des médecins qui ont siégé dans ce collège n'est pas connu ;
- ces médecins ne l'ont pas auscultée ;
- le système de santé de son pays est défaillant et sa pathologie ne peut y être traitée.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 24 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2024, à 12 heures.
Par une décision du 28 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Née le 31 août 2001 et de nationalité algérienne, Mme B... a sollicité, le 28 avril 2023, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 9 octobre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi. Compte tenu de son argumentation devant la Cour, Mme B... doit être regardée comme relevant appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 19 septembre 2023 comporte l'identité et la signature des trois médecins composant ce collège. Le moyen tiré du défaut d'indication du nom de ces médecins doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'avis du 19 septembre 2023 serait irrégulier au motif qu'elle n'a pas été examinée par les médecins de l'OFII, la convocation à une consultation médicale ne constituant qu'une simple faculté. Il suit de là que ce moyen doit être écarté comme inopérant.
4. En troisième lieu, aucune stipulation de l'accord franco-algérien, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de communiquer au ressortissant étranger l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, ni davantage le rapport médical établi préalablement à l'émission de cet avis et qui a pour objet d'éclairer ce collège sur l'état de santé du demandeur. Par suite, et alors qu'il était au demeurant loisible à Mme B... de solliciter la communication de ce rapport médical directement auprès des services de l'OFII, le moyen tenant à la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
5. En dernier lieu, selon l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus de titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en donnant toute mesure d'instruction utile.
8. Mme B... expose être atteinte d'un kératocône bilatéral stade IV pour lequel
elle a été opérée en 2015 d'une kératoplastie transfixiante à l'œil droit et présente une décompensation cornéenne avec rejet du greffon qui nécessite, éventuellement, une nouvelle kératoplastie transfixiante. Elle ajoute également souffrir d'un glaucome depuis 2019. Toutefois, par son avis en date du 19 septembre 2023, dont le préfet des Bouches-du-Rhône s'est approprié les termes, le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences
d'une gravité exceptionnelle mais que, d'une part, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement
d'un traitement approprié, et, d'autre part, au vu des éléments du dossier, et à la date de
cet avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
A l'appui de sa requête, Mme B... se borne à affirmer, comme elle le faisait devant les premiers juges et sans davantage de précision, que, compte tenu de la défaillance du système de santé dans son pays d'origine, ses pathologies, qui risquent, selon elle, d'entraîner une cécité, ne pourront y être traitées, et à produire les mêmes pièces que celles versées aux débats de première instance alors que celles-ci, si elles décrivent les soins déjà prodigués à Mme B... et les actes médicaux, notamment chirurgicaux, à pratiquer, ne se prononcent pas sur la disponibilité de ces soins et sur la faisabilité de ces actes chirurgicaux en Algérie. Ainsi, ces pièces, y compris les deux certificats qui indiquent, sans autre précision, que l'intéressée devrait être prise en charge et obtenir une consultation dans un " service spécialisé à l'étranger ", ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII sur l'existence d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, et sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral contesté aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2023. Sa requête d'appel doit donc être rejetée en son entier.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
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No 24MA00517