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20/12/2024 | FRANCE | N°23MA02442

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 20 décembre 2024, 23MA02442


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 15 juillet 2020, notifiée le 28 juillet 2020, par laquelle le directeur du centre ministériel de gestion de Lyon lui a signifié que sa candidature au titre de l'année 2020 pour le poste de dessinateur en bâtiment au profit de la direction d'infrastructure de la défense de Djibouti (DID) n'avait pas été retenue et de lui octroyer un poste de dessinateur sur le territoire de Djibouti ou tout au

tre dédommagement à la hauteur du préjudice moral et financier.



Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 15 juillet 2020, notifiée le 28 juillet 2020, par laquelle le directeur du centre ministériel de gestion de Lyon lui a signifié que sa candidature au titre de l'année 2020 pour le poste de dessinateur en bâtiment au profit de la direction d'infrastructure de la défense de Djibouti (DID) n'avait pas été retenue et de lui octroyer un poste de dessinateur sur le territoire de Djibouti ou tout autre dédommagement à la hauteur du préjudice moral et financier.

Par un jugement n° 2002654 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé cette décision du 15 juillet 2020 et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 septembre 2023 et 25 septembre 2024, sous le n° 23MA02442, le ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 juillet 2023 ;

2°) et de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Toulon.

Il soutient que :

- le tribunal a retenu à tort l'erreur de fait relative à l'avis défavorable du directeur de la DID de Djibouti, laquelle est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

- le motif de cette décision doit être substitué à celui tiré de ce que la candidature de Mme B... n'était pas la meilleure dans l'intérêt du service du fait de sa surqualification ;

- le tribunal a retenu à tort l'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le comité de sélection a retenu sa candidature au choix n° 1 ;

- il a estimé à tort que la distorsion de poste n'avait pas été évoquée lors du processus de sélection des candidatures ;

- la situation familiale de Mme B... ne justifiait pas qu'elle soit prise en compte.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 août, 4 septembre et 11 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Bonnevialle-Haller, conclut au rejet de la requête du ministre des armées et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu,

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Lazaud, substituant Me Bonnevialle-Haller, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ouvrier de l'Etat, est employée en qualité de dessinatrice bâtiment spécialiste au pôle de maîtrise d'œuvre de Draguignan à l'établissement du service d'infrastructure de la défense (ESID) de Lyon. Le 28 janvier 2020, elle a fait une demande de mobilité pour convenance personnelle sur un poste de dessinatrice au pôle maîtrise d'œuvre de la direction d'infrastructure de la défense (DID) de Djibouti. Par une décision du 15 juillet 2020, notifiée le 28 juillet 2020, le directeur du centre ministériel de gestion de Lyon lui a signifié que sa candidature au titre de l'année 2020 pour le poste de dessinateur en bâtiment au profit de la direction d'infrastructure de la défense de Djibouti (DID) n'avait pas été retenue. Le ministre des armées relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision du 15 juillet 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'instruction n° 353653/DEF/SGA/DRH-MD du 26 novembre 2015 relative à l'emploi, à la mobilité et aux parcours professionnels du personnel civil : " " 1.1.3. L'adéquation entre corps, grade et fonctions exercées. / Par principe, les agents sont affectés sur des postes dont les missions sont en adéquation avec leur corps d'appartenance et le grade détenu ".

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Par la décision contestée du 15 juillet 2020, la demande de mutation de Mme B... sur le poste de dessinateur en bâtiment au sein de la DID de Djibouti a été rejetée au motif que : " Après un examen attentif de votre demande, j'ai le regret de vous informer qu'un avis défavorable a été émis par le directeur de la direction d'infrastructure de la défense (DID) de Djibouti pour la raison suivante : votre candidature a été examinée en commission d'arbitrage par le directeur du centre ministériel de gestion de Saint-Germain en Laye (CMG-SGL) et n'a pas été retenue ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un avis du 2 mars 2020, le comité de sélection de la DID de Djibouti a émis un avis favorable à la mutation de Mme B... et a classé sa candidature en première place. Par ailleurs, par un courriel du 29 juillet 2020, le directeur de l'infrastructure de la défense de Djibouti a confirmé ne jamais avoir donné d'avis défavorable. Ainsi la décision en litige est entachée d'une erreur de fait.

5. Le ministre des armées sollicite la substitution du motif erroné mentionné au point 4 par celui tiré de ce que la candidature de Mme B... n'était pas la meilleure dans l'intérêt du service du fait de la surqualification de l'intéressée. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., ouvrier de l'Etat, dessinatrice au grade HCA, équivalent de la catégorie B a sollicité une demande de mutation sur un poste de dessinateur en bâtiment à la direction d'infrastructure de la Défense (DID) de Djibouti pour convenance personnelle. La fiche n° 27-02655 correspondant à ce poste précise qu'il s'agit d'un emploi de dessinateur bâtiment de catégorie C ou niveau III / ouvrier de l'Etat / ouvrier hors groupe, correspondant à un emploi type de " dessinateur en infra conf ". Par ailleurs, selon le procès-verbal du comité de sélection du 2 mars 2020, l'autorité centrale d'emploi (ACE) a estimé que cinq candidatures, dont celle de Mme B... et de M. D... n'étaient pas recevables et les a ajournées au motif qu'il s'agissait d'agents de catégorie B, ce qui démontre que le motif de la distorsion a bien été relevé lors du processus de sélection. Finalement, la candidature de Mme A..., ouvrier de l'Etat VI, correspondant à une catégorie C a été retenue. Par suite, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision de rejet si elle s'était fondée initialement sur ce motif tiré de la surqualification de Mme B... pour occuper ce poste correspondant à une catégorie C à supposer même que la fiche de poste précitée présente des différences minimes avec la fiche de poste n° 27-02703 correspondant à une catégorie B, de dessinateur en bâtiment. Cette substitution de motif ne privant pas l'intimée d'une garantie procédurale liée au motif substitué, il y a lieu dès lors de procéder à cette substitution. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision du 15 juillet 2020.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon et devant la Cour.

7. La mutation n'étant pas un avantage dont l'attribution constitue un droit pour le fonctionnaire qui l'a demandée, le refus de mutation n'est pas au nombre des décisions administratives défavorables dont l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose la motivation. Ainsi, la décision rejetant la demande de mutation de Mme B... n'avait, en tout état de cause, pas à être motivée.

8. Mme B... soutient qu'en application de l'instruction ministérielle n° 353563/DEF/SGA/DRH-MD du 26 novembre 2015 et de la note n° 19-0646/ARM/SGA/DRH-MD/CMG-SGL du 21 octobre 2019 relative à la mise en place du PAM OME 2020, elle aurait dû recevoir une réponse à sa demande de mutation dans un délai de deux semaines. Toutefois, ces textes sont dépourvus de toute valeur réglementaire. En outre, les conditions de notification de la décision en litige sont sans incidence sur sa légalité, alors qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que cette décision prise le 15 juillet 2020 lui a été notifiée le 28 juillet suivant. Il en va de même du fait que Mme B... aurait reçu une première notification du 15 juillet 2020 mentionnant une demande de mutation sur un poste de chargé de prévention.

9. Mme B... ne peut utilement se prévaloir des avis consultatifs favorables à sa demande de mutation, donnés le 31 janvier 2020, par le directeur adjoint de l'ESID de Lyon, le 3 février 2020, par le secrétariat général pour l'administration en sa qualité d'autorité territoriale d'emploi de Lyon et le 2 mars 2020 par le comité de sélection de la DID de Djibouti dès lors que ces avis ne lient pas le ministre des armées pour prendre la décision en litige.

10. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés : / 1° De leur conjoint ; 2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu' ils produisent la preuve qu' ils se soumettent à l' obligation d' imposition commune prévue par le code général des impôts ;La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. (...) ".

11. Il appartient à l'autorité militaire compétente d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels et leur affectation et définir les missions à leur confier.

12. Mme B... soutient qu'elle est unie par un pacte civil de solidarité (PACS) à M. C... lequel a été affecté à Djibouti à compter du 19 mars 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que dans sa demande de mutation, elle a coché la case " convenance personnelle " et non celle de " rapprochement de conjoint partenaire de PACS ". Dès lors, elle ne saurait reprocher à l'administration de ne pas avoir pris en compte sa situation familiale. En tout état de cause, le bon fonctionnement du service exigeait que la demande de mutation de Mme B... soit rejetée dès lors qu'appartenant au grade HCA, équivalent de la catégorie B, elle ne pouvait candidater à un poste d'ouvrier de l'Etat équivalent à la catégorie C. Ainsi, le ministre des armées n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 15 juillet 2020.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à Mme E... B....

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024 où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02442
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Positions.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BONNEVIALLE-HALLER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;23ma02442 ?
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