Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... doivent être regardés comme ayant demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils demeurent assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2010296 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2023 et le 14 décembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Foudil, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2023 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions et pénalités en litige correspondant aux revenus distribués excédant les bases de 25 794 euros au titre de l'année 2013, 26 730 euros au titre de l'année 2014, et 37 432 euros au titre de l'année 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que la comptabilité de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) 2G a été rejetée ;
- l'administration ne pouvait rejeter cette comptabilité sans méconnaître la doctrine administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40, n°s 170 et 180 ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL 2G est excessivement sommaire ;
- ils proposent une méthode de reconstitution alternative, qui conduit à déterminer des résultats inférieurs à ceux retenus par l'administration.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 novembre 2023 et le 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL 2G, qui exerçait une activité de boulangerie-pâtisserie à Marseille, et dont M. A... est le gérant et l'unique associé, l'administration fiscale a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison des recettes omises par l'EURL 2G, regardées comme des revenus réputés distribués au bénéfice de M. A..., en tant que maître de l'affaire. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt auxquels ils demeurent assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 à l'issue de l'admission partielle de leur réclamation préalable, et des pénalités correspondantes.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'administration en première instance :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".
3. En premier lieu, si M. et Mme A... ont indiqué dans leur demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille qu'elle tendait à la suspension des mesures de recouvrement des suppléments d'impôt et des pénalités auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 à l'issue de la vérification de comptabilité de l'EURL 2G, ils devaient être regardés comme demandant la décharge de ces impositions et pénalités, dès lors que la demande, présentée dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision d'acceptation partielle de leur réclamation, et à laquelle cette décision était jointe, précisait en préambule qu'ils soumettaient la décision au tribunal. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'objet de la demande présentée par M. et Mme A... doit être écartée.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que l'administration a fait valoir, la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif contenait l'exposé de moyens, tirés de ce qu'ils ne pouvaient être imposés à raison de revenus réputés distribués alors que les rectifications proposées à l'EURL 2G avaient été abandonnées, et de ce que l'application de la majoration pour manquement délibéré n'était pas fondée. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'exposé des moyens de la demande présentée par M. et Mme A... doit être écartée.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
6. L'administration fiscale a estimé que les résultats rehaussés de l'EURL 2G, à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet et de la reconstitution de son chiffre d'affaires, ont été intégralement distribués à M. A..., qu'elle a regardé comme le maître de l'affaire. Les requérants n'ont pas accepté les rectifications découlant du rattachement à leurs revenus des bénéfices ainsi regardés comme distribués entre les mains de M. A.... Dans ces conditions, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués, leur appréhension étant présumée dès lors qu'il n'est pas contesté que M. A..., gérant et unique associé de l'EURL 2G, disposait sans contrôle des fonds sociaux et devait donc être regardé comme le maître de l'affaire.
7. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 12 décembre 2016 adressée à l'EURL 2G, qui a été annexée à celle adressée personnellement à M. et Mme A..., que les recettes de celle-ci étaient enregistrées en comptabilité chaque mois à partir des états récapitulatifs édités par la caisse enregistreuse et remis au comptable. La société n'a pas été en mesure de produire les données correspondantes en l'absence de sauvegarde, le logiciel utilisé fonctionnant selon une mémoire flash, avec remise à zéro après chaque tirage de ticket Z. En outre, elle n'a pas été en mesure de justifier, en l'absence de fichiers informatiques, du détail de ses recettes en produisant les bandes de caisse papier, dès lors que certains tickets étaient manquants, d'autres totalement ou partiellement illisibles, que ces tickets ne comportaient aucun détail des articles vendus sous les postes " pain ", " viennoiserie " et " salé ", et n'a pas présenté d'inventaire détaillé des stocks au titre des exercices clos en 2014 et 2015. Par suite, et sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40, qui, relative à la procédure d'imposition, ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité qui lui a été présentée au titre des exercices vérifiés. Elle était donc fondée à procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société.
8. Toutefois, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires correspondant aux ventes de pains, viennoiseries et " salé " fabriqués par la société d'après les quantités de farine utilisées et les prix de vente pratiqués, en retenant une proportion d'utilisation de farine destinée à la fabrication du pain s'élevant à 35 %. Les requérants, qui indiquent que M. A... a précisé au vérificateur que 85 % de la farine achetée était destinée à la fabrication du pain, ainsi qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification, critiquent cette reconstitution en faisant notamment valoir que les résultats en sont infirmés par la répartition du chiffre d'affaires ressortant des tickets Z dépouillés par l'administration, dont il ressort que les ventes de pain représentaient environ 40 % du chiffre d'affaires total, alors que le chiffre d'affaires des ventes de pain reconstitué ne représente que 15 % du chiffre d'affaires total reconstitué, et que la proportion dans le chiffre d'affaires des ventes de viennoiseries est invraisemblable, les achats de bâtons de chocolat comptabilisés ne permettant d'ailleurs pas la fabrication des quantités de pains au chocolat reconstituées. Il résulte effectivement de la proposition de rectification notifiée à l'EURL 2G que les pourcentages d'utilisation de la farine appliqués génèrent une contradiction entre la part retenue pour la fabrication du pain, et la part de chiffre d'affaires générée par les ventes de pains mentionnées sur les tickets Z. La méthode utilisée présentait ainsi un caractère trop sommaire pour permettre au vérificateur d'apprécier le montant réel des recettes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, alors que la méthode de reconstitution de l'administration ne tient pas compte de la répartition de la farine réellement pratiquée par l'entreprise, d'évaluer les revenus réputés distribués à M. A... par l'EURL 2G aux montants respectifs de 25 794 euros, 26 730 euros et 37 432 euros au titre des années 2013, 2014 et 2015, déterminés par les requérants par l'application d'une méthode fondée sur une répartition cohérente de l'utilisation de la farine et de la part du chiffre d'affaires du pain dans le chiffre d'affaires total qui, alors même que les calculs ne sont pas assortis de justifications, peut être retenue. Par conséquent, M. et Mme A... sont fondés à obtenir la réduction des bases imposables à l'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015 de la différence entre les bases respectivement évaluées à 25 794 euros, 26 730 euros et 37 432 euros, et les bases imposées, avant application, en ce qui concerne les revenus retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu, du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par l'article 158-7-1° du code général des impôts, s'élevant respectivement à 100 381 euros, 103 880 euros et 96 646 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions mises à leur charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 à concurrence des réductions en base de 74 587 euros, 77 150 euros et 59 214 euros avant application, en ce qui concerne les revenus retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu, du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par l'article 158-7-1° du code général des impôts.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition assignées à M. et Mme A... au titre des années 2013, 2014 et 2015 sont réduites des sommes de 74 587 euros, 77 150 euros et 59 214 euros avant application, en ce qui concerne les revenus retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu, du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par l'article 158-7-1° du code général des impôts.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison de la réduction des bases d'imposition définies à l'article 1er, et des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2010296 du 17 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.
2
N° 23MA01237