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18/12/2024 | FRANCE | N°23MA00384

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 18 décembre 2024, 23MA00384


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, à raison de locaux à usage d'hypermarché situés 9001, chemin de Saint-Claude à Antibes (Alpes-Maritimes).



Par un jugement n° 2000607 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2023, 5 juillet 2024 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, à raison de locaux à usage d'hypermarché situés 9001, chemin de Saint-Claude à Antibes (Alpes-Maritimes).

Par un jugement n° 2000607 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2023, 5 juillet 2024 et 4 septembre 2024, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Me Fasseu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000607 du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- le local-type n° 9 du procès-verbal de la commune de Saint-Laurent-du-Var n'est pas comparable aux immeubles à évaluer ; le local-type n° 108 du procès-verbal de la commune de Nice avec application d'un abattement de 10 % doit être retenu ;

- à titre subsidiaire, un abattement de 30 % sur la valeur du local-type n° 9 doit être appliqué.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 juillet 2023, 5 août 2024 et 12 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Carrefour Hypermarchés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Carrefour Hypermarchés, qui exploite des locaux à usage d'hypermarché situés 9001, chemin de Saint-Claude à Antibes (Alpes-Maritimes), a demandé la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 à raison de cet établissement. Elle relève appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à cette réduction pour irrecevabilité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 (...) ".

3. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.

4. La société Carrefour Hypermarchés fait valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, sa demande, datée du 31 janvier 2020 et faisant suite au rejet de sa réclamation préalable par une décision du 19 novembre 2019 mentionnant les voies et délai de recours qui a été notifiée le 3 décembre suivant, n'était pas tardive, dès lors qu'elle a été enregistrée le même jour. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la preuve du dépôt d'un envoi recommandé adressé au tribunal portant un tampon dateur au 31 janvier 2020 ainsi que de l'accusé de réception d'une télécopie du même jour attestant de l'envoi de sa demande au tribunal le même jour, que la société Carrefour Hypermarchés a non seulement expédié son recours dans le délai de recours contentieux mais l'a également adressé par télécopie à la juridiction dans ce délai. Ainsi, la société Carrefour Hypermarchés est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité, au motif qu'elle était tardive.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Carrefour Hypermarchés devant le tribunal administratif de Nice.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes de l'article 1467 du même code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) ". Aux termes de l'article 1498 de ce code, dans sa rédaction applicable : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts, dans sa version applicable : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation de la situation de la nature de la construction de son importance de son état d'entretien et de son aménagement. Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision ". Aux termes de l'article 324 AA de la même annexe, alors en vigueur : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance ".

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les locaux exploités par la société Carrefour Hypermarchés à usage d'hypermarché, situés au 9001 chemin de Saint Claude à Antibes possèdent une surface pondérée de 19 215 m², une surface de parkings découverts de 23 724 m² et une surface de parkings couverts de 2 676 m². Ces locaux, insérés dans un centre commercial qui comptait 35 boutiques au titre des années en litige, sont situés à proximité immédiate de l'autoroute A8 dans la ville d'Antibes, d'une population estimée à 74 875 habitants en 2015, au cœur d'une zone commerçante comportant toutes les grandes enseignes de la distribution. Il est constant que la construction est de bonne qualité et que l'aménagement intérieur est constitué d'un hall en très bon état, de grandes allées bien éclairées et de boutiques bien agencées, le centre commercial possédant par ailleurs une station-service favorable à la fréquentation. Ces locaux ont été évalués par comparaison avec le local-type n° 9 du procès-verbal des maisons exceptionnelles de la commune de Saint-Laurent-du-Var dans les Alpes Maritimes, correspondant à des locaux initialement exploités sous l'enseigne " Nouvelles Galeries " puis " Galeries Lafayette " et " Lafayette Gourmet ", l'affectation et l'activité étant ainsi identiques, d'une surface pondérée de 43 043 m², incluant un parking, au sein du centre commercial " Cap 3000 ", regroupant 130 boutiques réunissant toutes les grandes enseignes de distribution, situé à Saint-Laurent-du-Var, commune d'une population estimée à 28 919 habitants en 2015 mais à proximité immédiate de la ville de Nice et à une dizaine de kilomètres du local à évaluer, également accessible par l'autoroute A8, la qualité des constructions, auxquelles était annexée un parking de 70 000 m², avant ses améliorations postérieures aux années en litige, ne présentant pas de différence notable.

8. La société Carrefour Hypermarchés, qui n'apporte en tout état de cause aucun élément précis à l'appui de ses allégations selon lesquelles le local-type n° 9 n'aurait pas été correctement évalué lors de son inscription au procès-verbal et à l'occasion des procédures de révision foncière, fait valoir que ce local-type ne peut être retenu, compte tenu des restructurations dont il a fait l'objet depuis sa construction. Elle se borne toutefois à produire, outre divers documents très postérieurs aux années en litige insusceptibles de caractériser une restructuration complète déjà effectuée au cours de ces années, un communiqué de presse du 7 mai 2010, ainsi qu'un document intitulé " actualisation du document de référence 2010 " daté du 22 septembre 2011, qui, s'ils font état d'une restructuration lourde à intervenir et de modifications de surface qui seraient déjà intervenues avant les années en litige, ne contiennent aucun élément permettant de supposer que le local-type n'aurait plus présenté de caractéristiques similaires à celles du bien à évaluer, notamment en ce que les surfaces réelles et pondérées auraient été sans comparaison ou que la surface réelle du local-type aurait été divisée par plus de deux. Il résulte ainsi de l'instruction que, compte tenu des caractéristiques rappelées au point 7, le local-type n° 9 du procès-verbal des maisons exceptionnelles de la commune de Saint-Laurent-du-Var, qui existait toujours à la date d'imposition et n'avait ni changé de destination ni été détruit ou entièrement restructuré, alors même qu'il aurait déjà fait l'objet de travaux d'aménagement et d'amélioration, pouvait être retenu comme terme de comparaison au titre des années 2015 et 2016, du fait de ses caractéristiques similaires à celles des locaux à évaluer, pour l'application de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts. A cet égard, la circonstance que le tarif au m² appliqué aux locaux en litige serait supérieur à celui pratiqué pour des hypermarchés situés à Montpellier, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Marseille est sans incidence sur la pertinence du local-type retenu.

9. Par ailleurs, dès lors que le local-type n° 9 du procès-verbal de la commune de Saint-Laurent-du-Var a été valablement retenu par l'administration, la société Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que, ce local-type étant invalide, il conviendrait de retenir le local-type n° 108 C du procès-verbal de la commune de Nice. En tout état de cause, ce local-type correspond à un supermarché sous l'enseigne " Monoprix " en centre-ville de Nice, d'une superficie de 3 326 m², dans une zone d'attraction commerciale différente, avec des modalités d'accès sans comparaison et sans parking attenant gratuit. Compte tenu de sa situation, de sa superficie et de la clientèle visée, ce local, sans aucune similarité avec le bien à évaluer, ne peut être retenu comme local de référence.

10. En second lieu, la société Carrefour Hypermarchés soutient à titre subsidiaire qu'un abattement de 30 % sur le tarif pratiqué doit être appliqué, pour tenir compte des différences entre les locaux à évaluer et le local-type n° 9. Toutefois, outre les éléments précédemment mentionnés, qui ne justifient pas l'application d'un abattement, la société Carrefour Hypermarchés se borne à se prévaloir de la différence de situation commerciale en exposant des données relatives au centre commercial " Cap 3000 " après 2021, dépourvues de pertinence au titre des années en litige. Par ailleurs, compte tenu de la comparabilité intrinsèque des locaux, notamment au regard de leur situation et de leur attractivité commerciale, il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que les centres commerciaux au sein desquels sont insérés le local-type et le local à évaluer ne disposent pas du même nombre de boutiques et de lignes de transports en commun les desservant, alors que le local à évaluer est d'ailleurs également accessible en transports en commun, aurait une incidence de nature à justifier un ajustement de valeur pour l'application de l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts. Enfin, en se bornant à produire des photographies actuelles du centre commercial " Cap 3000 ", la société Carrefour Hypermarchés n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles une différence de nature de construction aurait existé au titre des années en litige susceptible de justifier un ajustement sur le même fondement.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de documents détenus par l'administration fiscale, que la société Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à demander la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, à raison de locaux à usage d'hypermarché situés 9001, chemin de Saint-Claude à Antibes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Carrefour Hypermarchés demande au titre des frais qu'elle a exposés en première instance et en appel.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2000607 du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande de la société Carrefour Hypermarchés devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés et au ministre chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2024.

2

N° 23MA00384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00384
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SELARL ALEXIA FASSEU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;23ma00384 ?
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