Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de la protection internationale, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2401475/2-1 du 28 février 2024, le greffier du tribunal administratif de Paris a transmis la requête de Mme A... au tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-3-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2401181 du 30 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2024, sous le n° 24MA01364, Mme A..., représentée par Me Da Costa Cruz, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2024 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Da Costa Cruz en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative laquelle renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet qui a estimé qu'elle n'a été reconnue ni réfugiée, ni apatride, ni protégée subsidiaire alors qu'elle justifie d'une carte de séjour délivrée par les autorités grecques en qualité de bénéficiaire d'une protection internationale ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle ne respecte pas le principe du contradictoire en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'est plus admissible en Grèce selon l'article 6 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République Hellénique relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ;
- le préfet n'a pas respecté le délai de trois mois mentionné à l'article 5 de cet accord pour la transmission d'une telle demande de réadmission ;
- le préfet ne justifie avoir examiné si des motifs humanitaires pouvaient lui conférer un droit au séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle ne respecte pas le principe du contradictoire en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors que le tribunal a reconnu qu'elle ne peut retourner en République démocratique du Congo en raison de sa protection internationale et elle n'est admissible dans aucun pays, à l'exception de la Grèce, membre de l'Union européenne ;
- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'article 33 de la convention de Genève ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2024.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les observations de Me Da Costa Cruz, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité congolaise (RDC), née le 10 juillet 1987, est entrée en France le 8 mars 2023, avec sa fille née le 21 mars 2019. Elle a déposé, le 12 avril 2023, une demande d'asile qui a été rejetée pour irrecevabilité par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 août 2023, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 21 novembre 2023. Par un arrêté du 5 janvier 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement attaqué par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 28 juin 2024, Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". L'article L. 541-1 du code précité prévoit que : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Selon l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ".
5. En l'espèce, si la demande d'asile de Mme A... déposée en France, le 12 avril 2023, a été rejetée par une décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 août 2023, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 21 novembre 2023 qui lui a été notifiée le 27 novembre 2023, selon la fiche Telemofpra versée au débat, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté du 5 janvier 2024, la requérante bénéficiait de la protection internationale accordée par les autorités grecques, ainsi qu'il ressort d'un titre de séjour grec valable jusqu'au 26 juin 2024. Par suite, en estimant que Mme A... " n'a pas été reconnue ni réfugiée, ni apatride, ni protégée subsidiaire " alors qu'elle bénéficie de ce titre de séjour en Grèce, le préfet des Alpes-Maritimes, qui a notamment fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination, a entaché l'arrêté en litige d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
6. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 5 janvier 2024.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé par le préfet de police de Paris au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui soit délivrée, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Da Costa Cruz avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Da Costa Cruz de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de Mme A....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2024 et l'arrêté du 5 janvier 2024 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Da Costa Cruz une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Da Costa Cruz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Da Costa Cruz et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes, au préfet de police de Paris et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
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N° 24MA01364
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