Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 35 561 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa chute sur la voie publique survenue le 9 novembre 2016, assortie des intérêts à taux légal à partir du 9 novembre 2016 et de leur capitalisation.
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, mise en cause, a demandé à ce même tribunal de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 31 685,79 euros en remboursement des frais exposés pour Mme B..., assortie des intérêts à taux légal à compter de la décision à intervenir ainsi que la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 2008165 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B..., mis à la charge de celle-ci les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal et rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2022 et le 2 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Reina, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui payer la somme de 35 561 euros, assortie des intérêts à taux légal à partir du 9 novembre 2016 et de leur capitalisation ;
3°) de rejeter les conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a chuté le 9 novembre 2016, aux alentours de 11 heures 30, au niveau du n° 13 de la rue Paradis à Marseille, en raison d'une plaque en bois non fixée au sol destinée à couvrir une tranchée et mise en place dans le cadre de la réalisation de travaux pour le compte d'ERDF, rendue glissante par la pluie ;
- la matérialité du dommage subi ainsi que le lien de causalité entre celui-ci et la défectuosité de l'ouvrage public sont établis par deux témoins des faits ;
- le danger n'ayant pas été signalé, il ne peut lui être reproché une quelconque faute ;
- une expertise a évalué l'étendue de ses préjudices ;
- elle a droit à une indemnisation de ses préjudices comme suit : 600 euros au titre des frais d'assistance à expertise, 720 euros au titre des frais d'expertise, 486 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 2 255 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Par un mémoire, enregistré le 1er février 2023, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, représentée par la SCP BBLM Avocats, agissant par Me Martha, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la métropole d'Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 31 685,79 euros en remboursement des frais exposés pour Mme B..., assortie des intérêts à taux légal à compter de la décision à intervenir ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que sa créance s'élève à la somme de 31 685,79 euros et qu'elle en démontre l'imputabilité à l'accident subi par Mme B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Pontier, de la SELARL Abeille et associés, demande à la cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter la requête de Mme B... ;
2°) à titre subsidiaire, en cas de condamnation, de ramener les sommes demandées par Mme B... à de plus justes proportions ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal : le jugement attaqué devra être confirmé dès lors que, comme l'a jugé le tribunal, les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies et qu'elle n'a commis aucun manquement à son devoir d'entretien normal de la voie publique ;
- à titre subsidiaire : aucun défaut d'entretien normal ne peut lui être reproché, la requérante ne démontre pas le lien de causalité entre son dommage et l'état de l'ouvrage public, la victime a commis une faute d'inattention qui est de nature à l'exonérer de sa responsabilité, la zone de travaux n'était pas placée sous sa responsabilité ;
- à titre infiniment subsidiaire : les sommes éventuellement accordées à la requérante devront être ramenées à de plus justes proportions.
Par un courrier du 14 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en l'absence de communication par le tribunal de la demande présentée par Mme B... à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), son employeur, et à la Caisse des dépôts et consignations, gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, et ce en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 7 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, aujourd'hui codifiées aux articles L. 825-1 et suivants du code général de la fonction publique.
L'AP-HM a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 21 octobre 2024.
La procédure a été communiquée à la Caisse des dépôts et consignations et à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me André-Cianfarani, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à lui payer une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa chute sur la voie publique survenue le 9 novembre 2016 à Marseille.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 825-1 du code général de la fonction publique : " L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. ". Aux termes de l'article L. 825-6 de ce même code : " L'agent public victime ou ses ayants droit engageant une action contre le tiers responsable doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité du jugement fixant l'indemnité. / A défaut de cette indication, la nullité du jugement sur le fond peut être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ce jugement est devenu définitif. ".
3. Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit.
4. Alors que la qualité d'agent du service public de l'AP-HM de Mme B... ressortait des pièces du dossier de première instance, cet établissement, employeur public, n'a pas été appelé à la cause. En ne communiquant pas la demande de Mme B... à l'AP-HM, qui l'employait, et à la Caisse des dépôts et consignations, en sa qualité de gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'irrégularité. Ce jugement doit par suite être annulé.
5. L'AP-HM et la Caisse des dépôts et consignations ayant été mises en cause par la Cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme B... et sur l'intervention de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône présentées devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la demande de Mme B... :
6. Il résulte de l'instruction, notamment les attestations précises et circonstanciées rédigées par deux témoins visuels, que l'accident a pour origine une plaque de couleur marron située au 13 de la rue Paradis à Marseille. A cet égard, si l'une des deux témoins évoque dans son attestation une " plaque d'égout " et l'autre une " planche de couleur marron ", cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause les circonstances exactes de cet accident, compte tenu des photographies produites ainsi que de l'attestation d'intervention des marins-pompiers de Marseille mais aussi de l'attestation de la fille de Mme B....
7. Cependant, il résulte également de l'instruction que l'accident s'est produit le matin, à 11h30, alors que la plaque en cause, de couleur marron, était visible. D'ailleurs, la requérante, habituée des lieux, reconnait avoir vu le caractère luisant de cette plaque du fait de la pluie. Par conséquent, Mme B... aurait dû raisonnablement s'attendre à ce que celle-ci ne garantisse pas une adhérence totale et faire preuve d'une prudence accrue au moment de la traverser. Ainsi, la chute de la requérante doit être regardée comme trouvant son origine exclusive dans son imprudence et son inattention.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Marseille doit être rejetée.
Sur les droits de la caisse :
9. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux fins de remboursement de ses débours et de mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence d'une indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.
Sur la charge des frais d'expertise :
10. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 720 euros, à la charge définitive de Mme B....
Sur la déclaration d'arrêt commun :
11. Appelées à la cause, l'AP-HM, la Caisse des dépôts et consignations et la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) n'ont formulé aucune prétention. Par suite, il y a lieu de leur déclarer le présent arrêt commun.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite métropole la somme demandée à ce même titre par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2008165 du 30 septembre 2022 rendu par le tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 720 euros sont mis à la charge définitive de Mme B....
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt est déclaré commun à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la Caisse des dépôts et consignations et à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B..., à la métropole Aix-Marseille-Provence, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la Caisse des dépôts et consignations et à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
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N° 22MA02944