Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service survenus le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et d'enjoindre à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de reconnaître l'imputabilité de cette rechute, de lui verser les salaires retenus, de lui rembourser les frais subis et de revoir le taux de son incapacité permanente partielle.
Par un jugement n° 2101582 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et enjoint à cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2022 et le 17 avril 2023, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Kaczmarczyk, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 2101582 du 4 juillet 2022 ;
2°) d'ordonner à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé et spécialement à une pathologie affectant son genou, permettant d'éclairer la juridiction sur l'existence d'un état antérieur ;
3°) de rejeter la requête de M. C... ;
4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il n'est pas revêtu de la signature des magistrats qui l'ont rendu ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et en ne statuant pas sur la question d'une rechute d'un accident imputable au service mais sur celle d'une maladie professionnelle ;
- les premiers juges ont retenu un moyen non soulevé par les parties, qui n'a pas été débattu, relatif à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une pathologie et non seulement d'une rechute ;
- les premiers juges ne pouvaient estimer ne pas connaître la cause exclusive de l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017 à savoir l'état intrinsèque à l'agent ;
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dès lors qu'il n'appartenait qu'à M. C... de démontrer le lien entre son état antérieur et le service ;
- il aurait été utile que M. C... produise les conclusions d'expertises du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 dans leur intégralité.
Par des mémoires, enregistrés le 3 novembre 2022 et le 15 mars 2023, M. C..., représenté par la SELARL Lextone avocats, agissant par Me Bertelle, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la minute du jugement attaqué comporte bien les signatures des magistrats, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les dispositions du 2e de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dont les premiers juges ont fait application sont celles applicables dans le présent litige ;
- sa déclaration de rechute n'était pas tardive ;
- le tribunal administratif n'a pas commis de dénaturation des pièces ni d'erreur d'appréciation ;
- sa rechute est imputable au service.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bertelle, représentant M. C....
Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 22 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur interjette appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 17 janvier 2019 par laquelle le président de la collectivité a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la rechute déclarée le 11 mai 2018 de précédents accidents de service dont M. C... a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... et ayant nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "
3. Il ressort du dossier de première instance communiqué à la cour par le greffe du tribunal administratif de Toulon que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté comme manquant en fait.
4. En jugeant que la pathologie du genou gauche de M. C..., qui a nécessité l'intervention chirurgicale du 20 octobre 2017, était imputable aux accidents dont ce dernier a été victime, dont celui, reconnu imputable au service, du 12 avril 2013, le tribunal administratif, qui a répondu à l'argumentation qui lui était soumise par les parties, n'a pas relevé d'office un moyen et s'est borné à exercer son office.
Sur la demande de la région PACA tendant à ce qu'il soit ordonné à M. C... de produire certaines pièces :
5. Il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à une personne privée de communiquer des documents médicaux dont elle n'a pas entendu se prévaloir à l'instance. Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à ce titre doivent dès lors être rejetées.
Sur le bienfondé du jugement :
6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été victime le 12 avril 2013, alors qu'il était employé par la commune de Jouques, d'un accident au genou gauche dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du maire de cette commune du 23 novembre 2015, puis d'un nouvel accident au genou gauche, le 20 mai 2015, alors qu'il avait rejoint les effectifs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont l'imputabilité au service a été reconnue par arrêté du président de cet établissement du 8 décembre 2017. Le 11 mai 2018, M. C... a transmis aux services de la région une demande de prise en charge d'une rechute de son état imputable au service à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 20 octobre 2017. Dans ces conditions, la situation de M. C... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non celles énoncées aux II et IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui ne sont pas applicables aux situations constituées avant l'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale pris pour son application.
8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a subi une intervention chirurgicale le 20 octobre 2017, programmée au mois de septembre précédent, réalisée au sein de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et consistant en une ostéotomie tibiale gauche de valgisation. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette intervention chirurgicale et de ses suites, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu l'absence de lien direct et certain entre ces dernières et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 18 octobre 2018. Par cet avis, la commission de réforme a retenu que la rechute déclarée par M. C... était une aggravation " due uniquement à l'existence d'un état pathologique antérieur " en se fondant sur le rapport d'expertise établi par le Dr F..., médecin agréé, en date du 21 juin 2018 qui conclut à l'absence de justification d'une imputabilité au service de la rechute déclarée par M. C... en estimant que les critères n'en sont pas réunis et qu'il existe un état antérieur. Les certificats médicaux et comptes-rendus d'examens médicaux produits par M. C... et réalisés après l'accident de service du 20 mai 2015, et notamment le certificat établi par le Dr E..., médecin rhumatologue, le 16 juin 2015, et celui établi par le Dr B... le 18 janvier 2017, le compte-rendu d'hospitalisation de M. C... du 20 décembre 2017, le certificat établi le 27 juin 2018 par le Dr D..., chirurgien orthopédiste de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon, et le certificat établi par le Dr E... le 23 novembre 2018, montrent que M. C... était atteint d'un genu varum aux deux membres inférieurs, de 6e au membre gauche, favorisant l'usure de ses articulations des genoux et qu'il présentait une gonarthrose interne du genou gauche et des douleurs associées qui se sont aggravées en raison des deux accidents reconnus imputables au service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015.
10. Dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer si l'état de santé de M. C... qui a justifié l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les deux accidents de services dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur d'ordonner une expertise sur ce point dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur tendant à ce que la cour ordonne à M. C... de produire les conclusions d'expertise du Dr F... du 4 novembre 2016 et du 21 juin 2018 ainsi que toutes pièces, rapports ou éléments médicaux ayant trait à son état de santé sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, procédé par un expert, désigné par le président de la cour, à une expertise au contradictoire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de M. C..., avec mission de :
1°) de prendre connaissance des pièces du dossier médical de M. C..., des pièces qui ont été soumises à la commission départementale de réforme de la fonction publique territoriale du Var ainsi que des différentes expertises déjà réalisées ;
2°) d'examiner l'intéressé ;
3°) de décrire son état ;
4°) de fournir à la cour tous éléments permettant de déterminer si l'intervention chirurgicale dont M. C... a bénéficié le 20 octobre 2017 présente un lien direct avec les accidents de service dont il a été victime le 12 avril 2013 et le 20 mai 2015.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre,
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure,
- M. N. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
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N° 22MA02423