Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires, d'une part, d'impôt sur le revenu et, d'autre part, de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement nos 2100444, 2100445 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023 sous le numéro 23MA01408, et un mémoire, enregistré le 11 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Georges, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il concerne l'impôt sur le revenu ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité de la SARL Jenni n'a pas été précédée d'un avis de vérification en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos en 2014 ;
- la société n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée ;
- le service " a retenu ce qu'il appelle la méthode des vins alors qu'il ne s'agit pas de la méthode des vins " ;
- le vin ne représente pas une constante pour la vente de pizzas à consommer sur place ;
- la proportion des ventes de vins dans le chiffre d'affaires ne correspond pas aux données habituelles de la restauration traditionnelle ;
- une catégorie de bouteilles de vins affectée essentiellement aux ventes à emporter ne peut être incluse dans la reconstitution du chiffre d'affaires de la restauration sur place ;
- la société a évoqué la consommation de farine dans sa réclamation ;
- le vérificateur n'a pas dépouillé les opérations durant les périodes d'hiver ou d'été.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 décembre 2023 et le 23 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
II.- Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023 sous le numéro 23MA01412, et un mémoire, enregistré le 11 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Georges, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il concerne les prélèvements sociaux ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.
Elle expose les mêmes moyens que dans la requête n° 23MA01408.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 décembre 2023 et le 23 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Jenni, qui exploite un établissement de restauration et de ventes à emporter à la Seyne-sur-Mer et dont Mme B... est la gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a rehaussé le résultat de la société et, par une proposition de rectification du 20 octobre 2015, a procédé à l'imposition des revenus distribués entre les mains de Mme B..., qui a ainsi été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012, 2013 et 2014. Mme B... fait appel du jugement du 3 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations qui en ont résulté. Les deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Le tribunal a écarté les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la SARL Jenni par des motifs appropriés, figurant au point 3 du jugement attaqué, qui ne sont pas utilement contestés et qu'il convient d'adopter en appel.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". L'article 111 ajoute que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
4. Le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité de la SARL Jenni comme non probante, a reconstitué les recettes de la société en distinguant l'activité de restauration sur place de l'activité de vente à emporter. Pour reconstituer les recettes de l'activité de restauration sur place, il s'est référé à deux méthodes, celle des vins et celle des liquides, pour finalement choisir la première, plus cohérente avec les caractéristiques de l'exploitation et plus favorable à la société. Pour reconstituer les recettes de l'activité de vente à emporter, qui porte essentiellement sur des pizzas, il s'est fondé sur les achats des boîtes de pizzas. En l'absence de justificatifs de recettes détaillées au titre des exercices vérifiés, le vérificateur a demandé à la gérante de conserver les doubles des notes clients et des carnets de commandes des ventes à emporter pour la période du 7 mai au 30 juin 2015 afin de procéder à leur dépouillement. S'agissant de l'activité de restauration sur place, le vérificateur a retenu que les recettes de vins représentaient 9,08 % des recettes totales, et a reconstitué le chiffre d'affaires correspondant à cette activité à partir des achats de vins.
5. En premier lieu, Mme B... fait valoir que la période d'échantillonnage serait insuffisante, au motif qu'elle ne représente que 15 % de l'exercice annuel. Toutefois, cette période résulte du fait que la société n'a pas été en mesure de présenter des pièces justificatives de recettes sur une période plus étendue. En outre, la requérante n'apporte aucun élément permettant de supposer que la proportion des recettes de vins par rapport au chiffre d'affaires de la restauration sur place varierait en fonction de la période de l'année.
6. En deuxième lieu, Mme B... fait valoir qu'il appartenait à l'administration fiscale de déterminer la proportion des recettes de vins dans les recettes totales, dès lors que cette proportion reste la même à partir d'un certain nombre d'opérations dépouillées. Ce moyen manque en fait, dès lors que c'est précisément ce à quoi le vérificateur a procédé, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus.
7. En troisième lieu, Mme B... fait valoir que la méthode employée par le vérificateur permet d'évaluer les ventes de vins et non les ventes d'autres aliments. Toutefois, la méthode des vins, qui permet de reconstituer avec une approximation suffisante les ventes totales d'une activité de restauration à partir des achats de vins, selon une approche réaliste fondée sur les éléments circonstanciés fournis par la société elle-même, est un outil classique de reconstitution du chiffre d'affaires pour les activités de restauration. Mme B..., qui ne propose d'ailleurs aucune autre méthode fondée sur des données circonstanciées susceptibles d'aboutir à d'autres résultats, n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles cette méthode n'aurait pas été pertinente pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de restauration sur place de la SARL Jenni.
8. En dernier lieu, si Mme B... fait valoir, s'agissant de la restauration sur place, que la proportion de recettes de vins dans le chiffre d'affaires ne correspond pas à celle de la restauration traditionnelle, et que la vente de pizzas sur place n'entraîne pas la même consommation de vins que cette dernière, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. S'agissant de la vente à emporter, si elle soutient que la SARL Jenni a évoqué la consommation de farine dans sa réclamation, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la portée de cet argument. Enfin, si elle mentionne une catégorie de bouteilles de vin réservée aux ventes à emporter, le vérificateur en a toutefois tenu compte. Mme B..., qui ne propose au demeurant pas de méthode alternative permettant de calculer les bénéfices de la société avec une meilleure approximation, n'apporte ainsi aucun élément permettant d'apprécier l'incidence qu'auraient eu les circonstances qu'elle invoque sur le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration fiscale.
9. Il suit de là que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Jenni suivie par l'administration n'est ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée, et se fonde sur des éléments pertinents de nature à justifier les calculs auxquels elle a procédé. L'administration justifie ainsi de l'existence et du montant des revenus distribués par la SARL Jenni, ainsi que de leur appréhension par Mme B..., dont il est constant, ainsi que l'indique la réponse aux observations du contribuable, qu'elle a été désignée, en application de l'article 117 du code général des impôts, comme l'unique bénéficiaire des distributions par cette société par l'intermédiaire de sa représentante légale, la requérante.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes. Ses requêtes doivent donc être rejetées, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Platillero, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C... et M. Mérenne, premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
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Nos 23MA01408 - 23MA01412