Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2402634 du 18 avril 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, la préfète de l'Ain, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle n'avait pas à faire usage de son pouvoir de régularisation, au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige a été pris par une autorité compétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour n'est pas illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Zerrouki, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il abandonne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;
- les moyens soulevés par la préfète de l'Ain ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la Cour a désigné Mme Courbon, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement de la 1ère chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dyèvre, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 17 février 1987, de nationalité tunisienne, déclare être entré sur le territoire national le 12 septembre 2019 et s'y être maintenu depuis. Par un arrêté du 11 mars 2024, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. La préfète de l'Ain relève appel du jugement du 18 avril 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 12 septembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 5 juillet 2019 au 5 juillet 2020 et s'est maintenu depuis lors sur le territoire français. S'il est constant que M. B... a exercé une activité de tailleur de pierre en qualité de manœuvre au sein de quatre entreprises depuis son entrée en France, cette circonstance, quand bien même l'un de ses employeurs n'aurait pas honoré les salaires qui lui étaient dus, ainsi que celles selon lesquelles il a suivi une formation linguistique et une formation civique et a signé, en janvier 2024, un contrat à durée indéterminée, ne démontrent pas qu'il a transféré le centre de sa vie privée et familiale en France. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille s'est fondée sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
En ce qui concerne l'arrêté du 11 mars 2024, pris en son ensemble :
5. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des mentions portées sur l'arrêté en litige, que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation de M. B... avant de prendre l'arrêté contesté. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... vit sur le territoire français depuis le 12 septembre 2019, il s'y est maintenu irrégulièrement au-delà de la durée de validité de son visa et en dépit d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécutée. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire ni avoir, à la date de cette décision, établi en France le centre de ses intérêts privés. Dès lors, la préfète de l'Ain n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour et en fixant à dix-huit mois la durée de celle-ci, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....
10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 11 mars 2024.
Sur les frais liés au litige :
11. La demande présentée par M. B..., partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2402634 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, où siégeaient :
Mme Courbon, présidente,
M. Claudé-Mougel, premier conseiller,
Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
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N° 24MA01238