Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 août 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et fixant le pays de destination, et d'enjoindre au préfet, dans un délai d'un mois, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, et dans l'attente de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Par un jugement n° 2307917 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2023, et un mémoire enregistré le 18 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Ahmed, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il réside en France de manière habituelle depuis plus de dix ans ;
- le préfet était donc tenu de saisir la commission du titre de séjour, ce qu'il n'a pas fait ;
- il a droit au certificat de résidence prévu par l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- il a droit au certificat de résidence prévu par l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté préfectoral porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de cette requête en soutenant que les moyens présentés par M. B... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapporteur public ayant été dispensé du prononcé des conclusions à l'audience publique.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 5 février 1977, est entré en France, selon ses déclarations, en août 2003, muni d'un visa Schengen C, et a successivement fait l'objet de cinq obligations de quitter le territoire, consécutives aux rejets de ses demandes de titre de séjour, le 10 juin 2010, le 22 août 2012, le 25 septembre 2015, le 15 mai 2017 et le 10 août 2020. Le 3 novembre 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 7 août 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Pour écarter le moyen, soulevé par M. B..., tiré de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté préfectoral attaqué, les premiers juges se sont bornés, au point 4 du jugement attaqué, à relever que les pièces produites au titre des années 2013 à 2016 étaient " insuffisamment probantes ". En se contentant de cette appréciation générale, sans indiquer la nature des pièces concernées et les raisons pour lesquelles il les avait considérées comme insuffisamment probantes, ils ont suffisamment motivé leur jugement.
4. Le jugement est donc irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer immédiatement l'affaire.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. M. B... ne peut dès lors se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans sauf si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
8. Toutefois, les périodes durant lesquelles un ressortissant algérien fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français assortissant une obligation de quitter le territoire, alors même qu'il a continué à séjourner sur le territoire national sans respecter cette interdiction, ne peuvent être prises en compte pour l'appréciation de la durée de résidence mentionnée au 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
9. Or, par un arrêt n° 17MA04772 du 21 décembre 2018, la Cour a rejeté définitivement le recours exercé par M. B... à l'encontre de l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'avoir obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. De même, par son arrêt nos 21MA00293 - 21MA00327 rendu le 6 juillet 2021, la Cour a rejeté définitivement le recours de M. B... à l'encontre de l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a à nouveau refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et lui a fait interdiction de retour pendant une période de deux ans.
10. Il en résulte qu'alors même qu'il aurait effectivement résidé sur le territoire français en méconnaissance de l'obligation de quitter le territoire et de l'interdiction de retour qui lui ont été faites, M. B... ne peut être, pour l'application de l'article 6, 1° de l'accord franco-algérien, regardé comme résidant en France pendant la période postérieure à la notification de l'arrêté du 15 mai 2017.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. Si M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2003, il ne doit la durée de son séjour qu'à son maintien irrégulier sur le sol français, malgré six refus d'admission au séjour successifs, dont cinq, édictés le 10 juin 2010, le 22 août 2012, le 25 septembre 2015, le 15 mai 2017 et le 10 août 2020, ont été assortis d'obligations de quitter le territoire français, et dont les deux derniers ont été assortis d'une interdiction de retour de deux ans. En outre, l'intéressé admet ne pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans et où résident ses frères et ses sœurs. S'il se prévaut d'une activité salariée d'une ancienneté de cinq ans et six mois à la date de la décision attaquée en qualité d'ouvrier agricole, et produit des attestations de connaissances et d'amis, ces éléments ne suffisent pas à établir que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ou qu'il aurait violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral est illégal. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2307917 du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B..., et le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 novembre 2024.
N° 23MA03144 2