Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel cette mesure sera mise à exécution, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2311740 du 17 janvier 2024, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a admis M. A... au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle, a annulé la décision portant interdiction de retour, a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice du conseil de l'intéressé, une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024, M. A..., représenté par Me Lefebvre-Goirand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2024 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait substantielles ; sa date de naissance est erronée alors qu'elle explique que, jeune majeur à la suite d'une prise en charge au titre des mineurs isolés, il attendait de pouvoir justifier de six mois de formation pour régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a pas été entendu par les services de police pour faits de recel de vol ; il présente des garanties de représentation liées à sa prise en charge par le département ; il justifie d'efforts d'insertion ; il n'a plus de lien familial dans son pays d'origine ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il peut prétendre à bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'a pas été procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas indiqué vouloir se soustraire à ses obligations ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa présence ne constitue pas un risque pour l'ordre public et qu'il ne risque pas de se soustraire à ses obligations.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 16 septembre 2005, relève appel du jugement du 17 janvier 2024 en tant que la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille, après avoir annulé la décision prise par le préfet des Bouches-du-Rhône le 7 décembre 2023 lui interdisant le retour sur le territoire durant de deux ans, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du même jour l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, et comporte les considérations de fait, notamment propres à la situation de M. A..., qui permettent d'en comprendre les motifs. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour comparables à celles de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., après avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, a bénéficié, quelques jours suivant ses 18 ans, le 16 septembre 2023, de la signature d'un contrat d'aide jeune majeur avec le département des Bouches-du-Rhône et d'une prise en charge par le groupe addap13. Toutefois, alors que M. A... déclare être entré en France au cours de l'été 2022, il ne justifie aucunement de la scolarité qu'il aurait suivie jusqu'alors, son contrat lui fixant d'ailleurs pour objectif de " trouver et intégrer un projet de formation qualifiante ", ni de son inscription à une telle formation à la date de la décision attaquée. Si un stage d'une semaine chez un apiculteur était envisagé au cours du mois de janvier 2023, cette seule perspective n'aurait, en tout état de cause, pas permis à M. A... de satisfaire à la condition d'avoir suivi depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification avant son dix-neuvième anniversaire. En tout état de cause, il est constant que le requérant n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour lorsque l'arrêté en litige a été pris. Il ne saurait dès lors prétendre que l'erreur commise sur l'arrêté litigieux, mentionnant sa naissance le 16 mai 2005 plutôt que le 16 septembre 2005, qui n'a pas entrainé de méprise quant à son âge de 18 ans, serait substantielle et aurait eu une incidence sur les décisions attaquées.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, à la date de la décision attaquée, M. A... résidait en France depuis dix-huit mois selon ses déclarations, sans justifier d'une quelconque scolarité. Pris en charge par l'aide sociale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait effectué, ainsi qu'il le prétend, des efforts d'insertion alors qu'il a, au contraire, fait l'objet de multiples signalements, principalement pour des faits de vol, de recel ou de port d'arme. Il a d'ailleurs effectivement été interpellé le 6 décembre 2023 pour recel de vol, défaut de permis et d'assurance, ainsi que cela ressort des procès-verbaux de police versés au dossier et que le préfet l'a mentionné dans l'arrêté en litige sans commettre d'erreur de fait. Son dernier contrat d'aide jeune majeur mentionne en outre une condamnation à six mois de prison avec sursis à raison d'autres faits. Célibataire et sans enfant, il n'allègue pas avoir noué de quelconques liens sur le territoire et ne justifie pas de son isolement dans son pays d'origine où vivent ses parents et ses frères et sœur. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait, au regard des buts qu'elle poursuit, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et méconnu les stipulations citées ci-dessus doit être écarté.
9. En cinquième lieu, eu égard à l'ensemble de ce qui précède et à la teneur de l'arrêté litigieux, il ne saurait être allégué que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A....
10. En sixième lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français étant écartés, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision présentée à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
11. En septième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A... ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine. Au demeurant, il n'allègue pas disposer d'autres attaches dans un autre pays. Il ne saurait dès lors sérieusement soutenir que la décision prévoyant la mise à exécution de la mesure d'éloignement à destination du pays lui ayant délivré un titre de voyage en cours de validité méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En huitième et dernier lieu, en application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsqu'il existe un risque qu'il se soustraie à cette décision. Aux termes de l'article L. 612-3 du même code, ce risque " peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ".
13. Si M. A... soutient qu'il n'aurait pas explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à une obligation de quitter le territoire français, qu'il présente des garanties de représentation et que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ces circonstances, à les supposer exactes, seraient, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire dès lors, qu'ainsi que l'a mentionné le préfet dans l'arrêté litigieux, le requérant ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Or, ces seules considérations suffisent à justifier cette décision. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation dont elle est entachée doivent, dès lors, être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions du 7 décembre 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel cette mesure sera mise à exécution. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A..., en ce comprises celles présentées au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Lefebvre-Goirand.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
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N° 24MA01402
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