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22/11/2024 | FRANCE | N°24MA01248

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 22 novembre 2024, 24MA01248


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2402598 du 18 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du

16 mars 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant l'interdiction de retour sur le territoire françai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mars 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2402598 du 18 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 16 mars 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2024 et le 17 juin 2024, M. A..., représenté par Me Ibrahim, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2024 en tant qu'il rejette la demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 mars 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- il méconnaît l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- et les observations de Me Ibrahim, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1997, demande l'annulation du jugement du 18 avril 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. C'est à bon droit que le premier juge a écarté les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige et de l'absence d'examen réel et sérieux de la situation de M. A..., la circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône n'ait pas visé l'enregistrement de sa pré-demande de titre de séjour ne caractérisant pas un défaut d'examen de sa situation.

3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.412-1. ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

4. M. A..., qui soutient avoir déposé une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de père d'un enfant français, produit une " confirmation du dépôt d'une pré-demande " émise via le site internet de l'Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) le 13 février 2024. Si cette pièce démontre qu'il a engagé la procédure en vue de déposer sa demande de titre, le requérant ne peut être regardé comme justifiant du dépôt d'un dossier complet de demande auprès des services préfectoraux et comme se trouvant en situation régulière sur le territoire français. En outre, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, le seul courrier d'une assistante sociale à l'aide à l'enfance datée du 12 janvier 2024 n'établit pas la réalité de sa participation à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, au sens des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le premier juge a donc pu retenir à bon droit que l'arrêté en litige n'était entaché d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur d'appréciation. L'arrêté en litige n'est pas non plus entaché d'erreur de fait.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

6. Si M. A... allègue être présent en France depuis 2018, il ne l'établit pas. Hormis l'attestation précédemment évoquée au point 4, aucune autre pièce n'évoque les relations qu'il entretiendrait avec son enfant né le 4 avril 2020, qu'il a reconnu au mois d'août 2020. Il n'établit ainsi ni la nature ni l'intensité de son lien avec son enfant. Par ailleurs, il ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France. L'arrêté en litige ne méconnait donc pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

8. L'arrêté en litige mentionne que M. A... n'a pas sollicité de titre de séjour, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il ne présente pas de passeport en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'un lieu de résidence effective, qu'il a déclaré ne pas vouloir quitter le territoire français et qu'il est défavorablement connu des services de polices. Si M. A... produit la copie de sa carte d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile, il est constant qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Il n'établit pas que sa demande de titre de séjour aurait été enregistrée, ne contredit pas être défavorablement connu des services de police et il ressort des pièces du dossier qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police, vouloir rester en France. Ainsi, en l'absence de circonstance particulière, M. A... se trouvait dans la situation où, en application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai édictée par l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 mars 2024. Ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme L. Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. J. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. N. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.

N° 24MA012482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01248
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : IBRAHIM

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;24ma01248 ?
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