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22/11/2024 | FRANCE | N°23MA02737

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 22 novembre 2024, 23MA02737


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, Mme B... C... et M. A... C..., et lui a demandé de constater que les faits établis par le procès-verbal constituent la contravention prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de les condamner au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003, d'ordonner la re

mise en état des lieux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de l'autoriser à pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, Mme B... C... et M. A... C..., et lui a demandé de constater que les faits établis par le procès-verbal constituent la contravention prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de les condamner au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003, d'ordonner la remise en état des lieux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de l'autoriser à procéder d'office, aux frais des contrevenants, à la remise en état des lieux.

Par un jugement n° 2200308 et 2200309 du 12 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bastia a, à l'article 1er, condamné M. et Mme C..., à payer chacun une amende de 500 euros et, à l'article 2, estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le surplus des conclusions des saisines du préfet de la Corse-du-Sud.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 et 27 novembre 2023 et 13 août 2024, sous le n° 23MA02737, M. et Mme C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2023 en tant qu'il les a condamnés à payer une amende de 500 euros chacun ;

2°) de ramener l'amende de 1 000 euros à 500 euros.

Ils soutiennent que :

- le fait, pour les agents assermentés, d'être montés à bord sans le consentement des propriétaires constitue une violation de la propriété privée et un vice de procédure ;

- le bateau est stationné dans un espace délimité et réservé par la commune pour tous les bateaux des estivants ou des esquifs de passage ;

- le corps mort n'est pas fixe ;

- le préfet aurait dû inviter les usagers à se conformer à la nouvelle réglementation ;

- ils sont de bonne foi ;

- une seule amende pouvait être prononcée s'agissant d'un seul bateau ;

- Mme C... n'était pas aux commandes et n'a pas participé à la décision de mouillage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de M. et Mme C....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Le mémoire présenté pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, enregistré le 11 octobre 2024, n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 15 février 2024, sous le n° 24MA00334, M. et Mme C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2023 ;

2°) de ramener l'amende de 1 000 euros à 500 euros.

Ils soutiennent que :

- le corps mort n'est pas fixe ;

- le bateau est stationné dans un espace délimité et réservé par la commune pour tous les bateaux des estivants ou des esquifs de passage ;

- le préfet aurait dû inviter les usagers à se conformer à la nouvelle réglementation ;

- ils sont de bonne foi ;

- une seule amende pouvait être prononcée s'agissant d'un seul bateau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de M. et Mme C....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Le mémoire présenté pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, enregistré le 11 octobre 2024, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23MA02737 et n° 24MA00334 de M. et Mme C... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Deux procès-verbaux de contravention de grande voirie ont été dressés par des agents assermentés, le 21 février 2022, à l'encontre respectivement de M. C... et de Mme C... sur le fondement d'un constat, réalisé le 20 août 2021, relevant la présence sur le domaine public maritime, sans droit ni titre, d'un bateau leur appartenant amarré à un dispositif d'ancrage fixe dans la baie de Campomoro. Par deux saisines, le préfet de la Corse-du-Sud les a déférés au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bastia les a condamnés à payer une amende de 500 euros chacun.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la matérialité de l'infraction :

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, le juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, enjoint au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et peut, s'il l'estime nécessaire, prononcer une astreinte en fixant lui-même, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le point de départ de cette astreinte, sans être lié par la demande de l'administration.

5. Il ne résulte pas des constats dressés le 23 août 2021 que les agents assermentés seraient montés à bord du navire des requérants. Par suite, les moyens tirés de l'absence de leur consentement et de la violation de leur propriété privée manquent en fait et doivent être écartés.

6. M. et Mme C... soutiennent que leur bateau est stationné dans un espace délimité et réservé par la commune pour tous les bateaux estivants ou des esquifs de passage bénéficiant d'une autorisation d'occupation temporaire délivrée par un arrêté inter-préfectoral du 11 mai 2010, modifié par un arrêté inter-préfectoral du 4 mars 2013. Toutefois, il résulte de l'instruction que par un arrêté inter-préfectoral des 23 et 29 juillet 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 206/2021 du 4 août 2021, le préfet maritime de la Méditerranée et le préfet de la Corse-du-Sud ont abrogé les arrêtés inter-préfectoraux des 11 mai 2010 et 4 mars 2013 portant respectivement, autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour les zones de mouillage et d'équipements légers sur la commune de Belvédère-Campomoro et modification de cette autorisation. Comme l'a estimé à juste titre le premier juge, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le préfet de la Corse-du-Sud aurait dû les inviter à solliciter une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime ou leur accorder un préavis.

7. Il résulte de l'instruction, et en particulier des procès-verbaux de constat d'occupation du domaine public du 23 août 2021 et des photographies annexées à ces constats suffisamment précises quant au dispositif d'amarrage, que, le 20 août 2021, deux agents assermentés de la direction départementale des territoires et de la mer ont constaté la présence d'un navire dénommé " Cossioppée III ", appartenant à M. et Mme C..., amarré à un corps-mort dans la baie de Campomoro et ne bénéficiant d'aucun titre d'occupation du domaine public maritime. Un tel dispositif d'amarrage, qui suppose non seulement une occupation du plan d'eau, mais celle sous-jacente du sol de la mer territoriale en raison de la présence du corps-mort qui y est installé, constitue, en raison de son caractère permanent, un usage privatif du domaine public maritime, excédant le droit d'usage appartenant à tous. M. et Mme C... n'établissent pas, alors que les mentions des procès-verbaux précités font foi jusqu'à preuve du contraire, que le système d'ancrage ne correspondrait pas à un corps-mort. La circonstance que le dispositif utilisé puisse être relevé et enlevé à la fin de la saison estivale n'est pas de nature à établir l'absence d'occupation du domaine public sans autorisation. Dès lors, ce fait est constitutif d'une contravention de grande voirie.

8. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure. Il s'ensuit que les appelants ne sauraient utilement se prévaloir de ce qu'ils étaient de bonne foi.

En ce qui concerne le montant de l'amende :

9. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". Selon l'article 1er du décret du 25 février 2003 relatif aux peines d'amende applicables aux infractions de grande voirie commises sur le domaine public maritime en dehors des ports : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5ème classe. (...) / L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de contrevenants. ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 euros. Le montant de l'amende est le suivant : (...) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ".

10. Il résulte de ces dispositions que l'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de contrevenants. Par ailleurs, la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a condamné M. et Mme C..., à payer chacun une amende de 500 euros dès lors qu'ils sont les propriétaires du navire dénommé " Cossioppée III " et en avaient ainsi la garde. Les appelants ne peuvent utilement soutenir que l'infraction est attachée au bateau, que la propriété est commune, que Mme C... n'était pas aux commandes et qu'elle n'a pas participé à la décision de mouillage. Est sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que 90 personnes auraient été condamnées à une amende de 500 euros par bateau.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bastia les a condamnés à payer une amende de 500 euros chacun prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003.

D É C I D E:

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.

2

N° 23MA02737, 24MA00334

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02737
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;23ma02737 ?
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