Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2000459, 2000460 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2022 et 19 juin 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Liperini, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000459, 2000460 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers est infondée, dès lors que la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier figurant en stock de la société Le Hub Properties avait une contrepartie ;
- la méthode d'évaluation de la valeur locative est erronée et aboutit à un loyer excessif ;
- les prélèvements sociaux ne sont pas dus par voie de conséquence ;
- le compte bancaire à l'étranger ayant été déclaré au stade de la réclamation, l'amende prévue à l'article 1736 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 27 mars 2023 et 7 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'issue duquel des propositions de rectification des 20 décembre 2017 et 27 août 2018 leur ont été notifiées. Au terme de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, au titre des années 2014, 2015 et 2016, l'amende prévue du 2 du VI de l'article 1736 du même code leur étant par ailleurs infligée au titre des années 2015 et 2016. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions et de cette amende.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée Le ..., qui exerce l'activité de marchand de biens et dont M. B... est associé minoritaire et gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier qu'elle détenait en stock, nommé " ..." et situé dans les Alpes-Maritimes, constituée d'une villa individuelle sur un terrain de 1 648 m² située dans un environnement privilégié avec une vue exceptionnelle sur la rade de Villefranche-sur-Mer, au profit de M. et Mme B..., qui l'occupaient à titre de résidence principale, ne relevait pas, en l'absence de contreparties, d'une gestion commerciale normale. Pour établir la valeur locative annuelle du bien, elle a retenu en tant que valeur vénale la valeur du stock net comptabilisé par la société Le ... depuis 2012, soit 1 351 713 euros, à laquelle elle a appliqué un taux de rendement de 2,7 %, pour aboutir à une valeur locative annuelle de 36 496 euros. Elle a en conséquence regardé la mise à disposition gratuite du bien comme un avantage occulte accordé à M. et Mme B..., qu'elle a imposé sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
4. En premier lieu, M. et Mme B... font valoir que la méthode employée par l'administration, déterminant la valeur locative par voie d'appréciation directe en appliquant un taux de rentabilité de 2,7 % à la valeur vénale du bien, évaluée en retenant la valeur du stock net comptabilisé par la société Le ..., n'est pas appropriée, dès lors qu'elle n'est pas fondée sur les données du marché locatif et que le bien n'est pas situé dans une zone qui aurait empêché de trouver des termes de comparaison. Toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite qu'il n'existait pas de termes de comparaison permettant d'établir un marché locatif dans la zone géographique considérée, M. et Mme B... n'apportant d'ailleurs aucun élément à l'appui de leurs allégations selon lesquelles des biens comparables loués auraient existé. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des articles 1496 et 1497 du code général des impôts, relatifs aux règles d'évaluation de la valeur locative des locaux d'habitation et à usage professionnel en matière d'impositions perçues au profit des collectivités locales, qui n'interdisaient pas à l'administration de mettre en œuvre une méthode d'appréciation directe.
5. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent que l'administration n'a pas pris en compte les particularités physiques du bien, s'agissant des matériaux, de l'architecture, de la vétusté et des équipements, sa situation et son emplacement ainsi que sa situation locative, le bien figurant en stock et pouvant être vendu à tout moment. Toutefois, ils n'apportent aucun élément, par leurs seules allégations générales, permettant de remettre en cause la valeur vénale retenue par l'administration, qui résulte des propres éléments comptabilisés par la société .... En particulier, aucun élément ne permet de supposer que la valeur du stock ainsi comptabilisée ne serait pas représentative de la valeur vénale, la seule production d'un graphique général sur l'évolution à long terme des prix de l'immobilier et de l'indice des prix des logements anciens ne permettant pas de confirmer que la valeur de stock comptabilisée en 2012 n'aurait pas intégré la variation des prix de l'immobilier, alors qu'il est constant qu'aucune dépréciation n'a été traduite en comptabilité. Par ailleurs, si M. et Mme B... font valoir que le bien a été acquis en 2007 pour un prix de 950 000 euros lors d'une vente aux enchères, a été évalué à 930 000 euros en 2009 ainsi qu'il ressort d'un avis de valeur vénale du 27 avril 2009 et a été cédé le 18 août 2017 pour un montant de 945 000 euros, le simple exposé du prix de cession en 2017, dans des conditions qui ne sont pas précisées, et les graphiques précités ne permettent pas d'établir que la valeur vénale retenue au titre des années en litige serait exagérée, alors que M. et Mme B... reconnaissent que la villa n'était pas habitable lors de son acquisition mais l'était lors de sa vente, l'avis de valeur vénale précédemment mentionné faisant état de la nécessité de réaliser des travaux alors évalués entre 125 000 et 200 000 euros pour aboutir à un bien d'un standing intermédiaire et les requérants soutenant que des travaux ont bien été réalisés.
6. En troisième lieu, M. et Mme B... font valoir que la mise à disposition gratuite du bien présentait une contrepartie, rappelée dans un accord d'actionnaires du 8 janvier 2012 aux termes duquel, en contrepartie de travaux supportés personnellement par M. B..., ce dernier pourrait habiter et maintenir le bien en état jusqu'à sa vente. Toutefois, aucun élément n'est produit quant à la réalité de la prise en charge de travaux par M. B.... Il n'est ainsi pas établi que la mise à disposition gratuite aurait eu pour contrepartie des travaux de remise en état et d'entretien du bien, alors que seuls les requérants peuvent justifier de la réalité de cette prise en charge.
7. Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux caractéristiques du bien et en l'absence de tout élément apporté permettant, d'une part, de remettre en cause de manière pertinente sa valeur vénale, et, d'autre part, de justifier d'une contrepartie à la mise à disposition gratuite tirée de la réalisation de travaux, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la valeur locative retenue par l'administration serait exagérée et que l'administration ne pouvait réintégrer à leurs revenus sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, au titre des années 2014 à 2016, les distributions correspondant à la mise à disposition gratuite de ce bien.
8. Par ailleurs, si M. et Mme B... soutiennent que les prélèvements sociaux ne sont pas dus par voie de conséquence, ce moyen doit être écarté, compte tenu de ce qui a été dit précédemment.
Sur l'amende :
9. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts : " (...) IV. (...) 2. Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré (...) ". Aux termes de l'article 1649 A du même code : " (...) Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts : " (...) II. - Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement (...) ". Aux termes de l'article 344 B de la même annexe : " I. La déclaration de compte visée à l'article 344 A mentionne : - la désignation et l'adresse de la personne dépositaire ou gestionnaire auprès de laquelle le compte est ouvert ; - la désignation du compte : numéro, nature, usage et type du compte ; - la date d'ouverture et/ ou de clôture du compte au cours de la période au titre de laquelle la déclaration est effectuée ; - les éléments d'identification du déclarant (...) ".
10. L'administration a infligé à M. et Mme B... au titre des années 2015 et 2016 l'amende prévue au 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, à défaut de déclaration d'un compte bancaire ouvert auprès de la National West Bank de Manchester au Royaume-Uni. Les requérants font valoir que, après avoir déposé des déclarations à la suite d'une mise en demeure de l'administration du 6 novembre 2017, dont il est toutefois constant qu'elles étaient incomplètes, en l'absence de précision de l'identité du déclarant et de désignation lisible du compte, ils ont déposé des déclarations complètes à l'appui de leur réclamation préalable. Toutefois, il résulte de ces affirmations qu'ils n'ont pas déclaré, en même temps que la déclaration de leurs revenus, ni même dans le délai de déclaration, la référence du compte ouvert et détenu à l'étranger. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration leur a infligé l'amende prévue au 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions et de l'amende en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et C... B... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 novembre 2024.
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N° 22MA03054