Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. A... D... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'une part, d'annuler la décision du 14 janvier 2021 par laquelle le maire de la commune de La Londe-les-Maures a rejeté leur demande tendant à la réalisation de travaux de confortement au droit de leur propriété, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le maire de la commune de La Londe-les-Maures a mis en demeure M. D... de réaliser des travaux de renforcement de la berge et de renforcement de l'habitation, dans un délai de huit mois à compter de sa notification.
Par un jugement n° 2100239, 2201626 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 14 janvier 2021 ainsi que l'arrêté du 31 mai 2022, et enjoint à la commune de La Londe-les-Maures de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de la propriété de M. et Mme D..., dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 novembre 2023 et 22 février 2024, la commune de La Londe-les-Maures, représentée par Me Gravé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100239, 2201626 du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé la décision du 14 janvier 2021 et l'a enjoint de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de la propriété de M. et Mme D... ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2021 ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la situation qui s'est cristallisée en 2014 ne saurait être qualifiée de situation d'urgence et encore moins d'extrême urgence ;
- par ailleurs, l'application par le maire de ses pouvoirs de police générale doit aussi être justifiée par les nécessités de la sécurité publique, et plus particulièrement, pour éviter toute atteinte aux personnes et/ou aux biens publics ; or, au cas d'espèce, aucune atteinte aux personnes n'est en jeu ; quant au risque d'atteinte aux biens, il n'est pas caractérisé ;
- en tout état de cause, si l'on suppose que le maire est tenu de mettre en œuvre ses pouvoirs de police générale, les seules mesures qu'il est alors amené à prendre sont limitées à des mesures de prévention des risques ou de cessation d'une situation dangereuse, ou des mesures de sûreté, conservatoires, c'est-à-dire de mise en sécurité, mais en aucun cas, il ne lui appartient de faire financer par les deniers publics des travaux sur une propriété privée aux fins de lui restituer " sa fonction d'habitation " ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, M. A... D... et Mme B... C... épouse D..., représentés par Me Andreani, concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par la commune de La Londe-les-Maures ne sont pas fondés.
Un courrier du 23 février 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 18 mars 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Gravé, représentant la commune de La Londe-les-Maures,
- et les observations de Me Andreani, représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... sont propriétaires d'une maison d'habitation dans la commune de La Londe-les-Maures, sur un terrain cadastré section AK n° 01 situé 258 rue de la Cheylane. Au cours des mois de janvier et de décembre 2014, des intempéries ont provoqué le débordement du Maravenne, fleuve côtier qui borde leur terrain. A la suite de chacune de ces crues, les constructions appartenant à M. et Mme D... ont été déclarées inhabitables par le maire de la commune et l'état de catastrophe naturelle constaté par le ministre de l'intérieur. Par un premier arrêté du 20 juillet 2018, le maire de la commune de La Londe-les-Maures les a mis en demeure de réaliser les travaux de réparation de leur construction à usage d'habitation. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Toulon le 11 juin 2020, jugement confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 novembre 2021, lui-même confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 2 janvier 2024. En outre, par un courrier du 14 janvier 2021, le maire de la commune a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à ce qu'il fasse procéder à des travaux permettant de restituer à leur bien immobilier sa fonction d'habitation. Enfin, par un arrêté du 31 mai 2022, le maire de la commune a de nouveau mis en demeure M. D... de procéder à des travaux de réparation, dans un délai de huit mois. Par un jugement du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 14 janvier 2021 ainsi que l'arrêté du 31 mai 2022, et enjoint à la commune de La Londe-les-Maures de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de la propriété de M. et Mme D..., dans un délai de six mois. Il s'agit du jugement dont la commune de La Londe-les-Maures relève appel dans la présente instance, en tant qu'il a annulé la décision du 14 janvier 2021 et l'a enjoint de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de la propriété de M. et Mme D....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Selon l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ".
3. Le refus du maire à faire usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité ou de l'imminence du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave ou imminent, méconnaît ses obligations légales.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des graves intempéries qui se sont produites dans la commune La Londe-les-Maures en janvier et novembre 2014, le maire de cette commune, par arrêté du 1er décembre 2014, a déclaré inhabitable la maison d'habitation de M. et Mme D..., au motif que la façade de la construction se trouve à l'aplomb de la berge en érosion, et qu'une partie des fondations de la construction a été mise à nue par l'érosion de la berge. Les services de l'Etat ont par ailleurs missionné le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) dont le rapport, remis le 25 juin 2015, a préconisé des travaux de berge en enrochements bétonnés. L'assureur des propriétaires a par ailleurs mandaté la société Novageo afin que soit établi un devis portant sur des travaux de sécurisation et de renforcement de la villa. Il est toutefois constant que M. D... s'est opposé à la réalisation des travaux préconisés par le CEREMA et son assureur, au motif qu'ils ne permettaient pas de rétablir l'emprise du terrain emporté par la crue dans laquelle était implanté l'épandage du système d'assainissement non collectif de son habitation. Par ailleurs, depuis les évènements de 2014, aucun travaux ne semblent avoir été menés, que ce soit sur les berges du Maravenne ou sur la maison elle-même.
5. Par courrier du 13 novembre 2020, M. et Mme D... ont demandé au maire de la commune de La Londe-les-Maures de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales en faisant procéder aux travaux propres à remédier à la situation actuelle et leur permettre d'intervenir sur leur bien immobilier pour lui restituer sa fonction d'habitation. Ce faisant, ils doivent être regardés comme ayant sollicité du maire qu'il engage des travaux de renforcement de la berge, préalable indispensable à toute intervention sur la maison elle-même selon leurs affirmations. Toutefois, s'il ressort d'un rapport d'expertise du 31 janvier 2014 que les désordres constatés sur la construction présentent un risque imminent et grave pour les personnes, de telles conclusions entrent en contradiction avec celle d'un autre rapport d'expertise, remis le 30 juin 2014, aux termes duquel il n'existe pas de péril imminent concernant la maison d'habitation. S'il est certes exact que dans les suites du nouvel épisode climatique de novembre 2014, l'étude du CEREMA citée au point précédent a relevé que les berges en rive droite montrent des traces d'instabilité, que la situation des fondations risque de devenir extrêmement critique en cas de nouvelle régression de berges, alors même que le terrain appartenant aux intimés se trouve en zone rouge du Plan de prévention du risque inondation, que le recul des berges a provoqué l'affouillement partiel des fondations de la villa et qu'un nouveau recul significatif serait susceptible de " ruiner l'ouvrage ", cette même étude révèle que les désordres sont relativement limités, compte tenu du mode de fondation par longrines positionnées perpendiculairement aux berges, et qu'une partie de ces désordres pouvaient potentiellement préexister en raison de la présence de remblai d'épaisseur variable sous les fondations. Surtout, et de manière déterminante, alors que le dernier sinistre est intervenu au mois de novembre 2014, soit plus six ans avant la décision en litige, aucune pièce du dossier ne met en évidence, à la date de celle-ci, l'existence d'un péril grave ou imminent résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques qui révèlerait que, par la décision en litige, le maire de la commune aurait manqué à ses pouvoirs de police générale en ne prenant pas d'autre mesure que celle portant interdiction d'habitation de la maison. Au demeurant, les intimés exposent eux-mêmes expressément, dans leurs écritures, que la maison ne présente aucun danger immédiat, et qu'aucun risque d'effondrement n'est avéré, l'ouvrage étant seulement en attente de consolidation. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances dont la gravité requérait de façon suffisamment impérieuse du maire qu'il fît usage des pouvoirs que lui confèrent les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, la commune de La Londe-les-Maures est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 14 janvier 2021 par laquelle a été rejetée la demande de M. et Mme D... tendant à ce qu'elle fasse procéder à des travaux permettant de restituer à leur bien immobilier sa fonction d'habitation.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulon.
7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que les circonstances alléguées par les requérants, tirées de ce qu'ils ne sont pas propriétaires du lit de la rivière ou des berges, et que la commune doit leur assurer la jouissance de leur propriété, sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige, portant refus par le maire de mettre en œuvre les pouvoirs de police administrative générale qu'il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Londe-les-Maures est fondée à demander l'annulation du jugement n° 2100239, 2201626 du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé la décision du 14 janvier 2021 et lui a enjoint de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de la propriété de M. et Mme D.... Par suite, ce jugement doit être annulé dans cette mesure et les conclusions de
M. et Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2021 et à ce qu'il soit enjoint à la commune de La Londe-les-Maures de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de leur propriété doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Londe-les-Maures, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclament M. et Mme D... sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des intimés le versement à la commune de La Londe-les-Maures de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2100239, 2201626 du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il annule la décision du maire de la commune de La Londe-les-Maures du 14 janvier 2021.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2021 et à ce qu'il soit enjoint à la commune de La Londe-les-Maures de réaliser les travaux de confortement de la berge au droit de leur propriété sont rejetées.
Article 4 : M. D... et Mme C... épouse D... verseront la somme de 2 000 euros à la commune de La Londe-les-Maures en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Londe-les-Maures, à M. A... D... et Mme B... C... épouse D....
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024.
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N° 23MA02721