Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I. Sous le n° 1904853, la société par actions simplifiée (SAS) A... Galerie et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le président de la métropole Nice-Côte d'Azur a rejeté la demande indemnitaire présentée par la SAS A... Galerie au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de construction de la deuxième ligne de tramway, au cours de la période du 1er juillet 2014 au 20 juin 2018, d'autre part, de condamner cette métropole à verser, en réparation de ces préjudices, la somme de 480 000 euros, à la SAS A... Galerie, et la somme de 75 000 euros, à M. A..., et, enfin, de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
II. Sous le n° 2001171, la SAS A... Galerie et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2020 par laquelle le président de la métropole Nice-Côte d'Azur a rejeté la demande indemnitaire présentée par la SAS A... Galerie au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de construction de la deuxième ligne du tramway, au cours de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019, d'autre part, de condamner cette métropole à verser, en réparation de ces préjudices, la somme de 258 497 euros, à la SAS A... Galerie, et la somme de 15 000 euros, à M. A..., et, enfin, de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Après avoir joint ces deux demandes de première instance, le tribunal administratif de Nice les a, par un jugement nos 1904853, 2001171 du 7 mars 2023, rejetées, avant de rejeter également les conclusions présentées par la métropole Nice-Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 31 mars 2023, et les 3 avril et 13 mai 2024, un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 24 mai 2024, et un nouveau mémoire, enregistré le 10 juillet 2024 et qui n'a pas été communiqué, la SAS A... Galerie, représentée par Me Zuelgaray, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 7 mars 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du président de la métropole Nice-Côte d'Azur des 10 septembre 2019 et 31 janvier 2020 ;
3°) à titre principal, de condamner la métropole Nice-Côte d'Azur à lui verser la somme de 738 497 euros, ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert de justice, avec pour mission de fournir tous éléments permettant de chiffrer son préjudice et de lui allouer alors une provision d'un montant de 100 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de la métropole Nice-Côte d'Azur la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité sans faute de la métropole Nice-Côte d'Azur est engagée en raison du dommage anormal et spécial causé par les travaux publics de construction de la deuxième ligne de tramway ;
- son préjudice global, arrêté au 30 juin 2019, est constitué par la baisse de son chiffre d'affaires et peut être évalué à la somme de 738 497 euros ;
- à titre subsidiaire, elle ne s'oppose pas à la désignation d'un expert de justice avec mission de donner à la Cour tous éléments aux fins de chiffrer son préjudice ; dans ce cas, elle sollicite qu'une provision d'un montant de 100 000 euros lui soit allouée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars et 30 avril 2024, et un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 25 juin 2024, la métropole Nice-Côte d'Azur, représentée par Me Capia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SAS A... Galerie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa responsabilité ne peut pas être recherchée dès lors que le lien direct et certain entre les travaux de construction du tramway et les préjudices invoqués par la SAS A... Galerie n'est pas établi et que ces préjudices ne sont ni actuels, ni anormaux et spéciaux.
Un courrier du 15 mai 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 17 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) A... Galerie, qui exploitait un commerce de vente de mobiliers, d'objets de décoration et d'antiquités, situé au n° 36 de la rue Catherine-Ségurane, à Nice, doit être regardée comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 7 mars 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la métropole Nice-Côte d'Azur à lui verser la somme totale de 738 497 euros, en réparation des préjudices causés à ce commerce par les travaux publics de construction de la deuxième ligne de tramway, à Nice.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les décisions du président de la métropole Nice-Côte d'Azur des 10 septembre 2019 et 31 janvier 2020 portant rejet des réclamations indemnitaires préalables présentées par la SAS A... Galerie ont eu pour seul effet de lier le contentieux et ont donné à l'ensemble de ses demandes le caractère d'un recours de plein contentieux, ce dont il résulte que la société appelante ne peut utilement demander l'annulation de ces décisions et qu'il appartient à la Cour de statuer directement sur son droit à obtenir la réparation qu'elle réclame.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.
4. Pour rechercher la responsabilité de la métropole Nice-Côte d'Azur, la SAS A... Galerie soutient qu'à compter du milieu de l'année 2015, la réalisation des travaux publics de construction de la deuxième ligne du tramway a dégradé les conditions d'accessibilité au commerce qu'elle exploitait au 36 rue Catherine-Ségurane, à Nice, engendrant, outre des nuisances telles celles liées aux bruits engendrés par le chantier ou aux poussières soulevées par celui-ci, une baisse de son chiffre d'affaires et la fermeture de ce commerce en 2022.
5. Or, il résulte de l'instruction que les travaux réalisés rue Catherine-Ségurane, pour les besoins de la construction de la deuxième ligne du tramway, ont, notamment, consisté en des travaux de reconnaissance et de déviation des réseaux, en des travaux préparatoires de sondage et de libération d'emprise et en des travaux de réalisation du puits d'entrée du tunnelier et d'extraction des terres. Mais, il résulte également de l'instruction, et en particulier du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 2 mars 2018 diligenté à la demande de l'association des antiquaires du Port, dont M. A... était le président, que si la circulation des véhicules a été coupée sur la portion de la rue Catherine-Ségurane située entre la rue Martin-Seytour et la rue Antoine-Gautier, cette circulation, qui s'opère depuis l'origine en sens unique, a été maintenue, durant ces travaux, sur la portion de la rue Catherine-Ségurane partant de son intersection entre la rue Gautier jusqu'à son intersection avec les rues Emmanuel-Philibert et Robilant, et sa jonction avec la rue Foresta, soit au droit du commerce exploitée par la SAS A... Galerie. Il est, en outre, constant que, s'il a pu être réduit, le passage des piétons a également été maintenu sur le trottoir longeant ce commerce. Ainsi, sa clientèle, qui, au demeurant, eu égard à la nature de l'activité commerciale exercée, était une clientèle de passage, n'a pas été privée de tout accès durant la réalisation de ces travaux. Comme en attestent les photographies produites au dossier, et notamment celle montrant un panneau avec la mention " Les commerçants et antiquaires des rues Ségurane et Gautier vous accueillent ", ce commerce est également demeuré visible pour cette clientèle. La SARL A... Galerie ne fait, par ailleurs, pas état, dans ses écritures, de difficultés de stationnement dans le secteur. Si la société appelante invoque en revanche des nuisances sonores et l'existence de poussières en provenance du chantier, elle n'apporte pas la preuve de leur fréquence et de leur intensité mais se cantonne à des allégations peu circonstanciées qui ne permettent pas de caractériser l'existence d'un dommage anormal. Il en est de même de la circonstance qu'une partie des travaux, consistant en la réfection du trottoir, se seraient déroulés en pied de façade de leur commerce. Par conséquent, et sans autre précision, les gênes que l'intéressée a pu subir dans l'exploitation de son commerce n'ont pas excédé les sujétions normales qui peuvent être imposées aux riverains d'une voie publique dans un but d'intérêt général. Enfin, si la SAS A... Galerie soutient avoir subi une baisse significative de son activité pour la période du 4 mai 2015 au 31 décembre 2019, il résulte de l'instruction que, comparativement au chiffre d'affaires réalisé lors de l'année précédant le début des travaux, en 2013/2014, elle a connu en 2014/2015 une augmentation significative de son chiffre d'affaires, puis une baisse en 2015/2016. Ce chiffre d'affaires est remonté en 2016/2017 avant de baisser en 2017/2019. Là encore, sans autre précision, et en particulier sans indication, ni production de pièces permettant de déterminer le chiffre d'affaires du commerce en cause pour les années antérieures à 2013 et pour les années 2019/2020 et suivantes, les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à établir l'existence d'un lien suffisamment direct et certain entre les fluctuations constatées de ce chiffre d'affaires entre 2014 et 2019 et les travaux litigieux. Par suite, et sans que n'y fasse obstacle la circonstance que d'autres commerçants auraient été indemnisés par la métropole Nice-Côte d'Azur, les conclusions indemnitaires présentées par la SAS A... Galerie doivent être rejetées.
6. Il résulte de ce qui précède que la SAS A... Galerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins de prescription d'une expertise et de versement d'une provision :
7. La SAS A... Galerie demande, à titre subsidiaire, à la Cour d'ordonner une expertise afin de chiffrer son préjudice. Toutefois, le lien de causalité entre les fluctuations de son chiffre d'affaires entre 2014 et 2019 et les travaux du tramway n'étant pas établi et la responsabilité de la métropole Nice-Côte d'Azur n'étant pas engagée à l'encontre de la société appelante, il n'y a pas lieu d'ordonner une telle mesure d'expertise, ni de condamner l'intimée à verser une provision. Par suite, les conclusions présentées par la SAS A... Galerie tendant à la prescription d'une expertise et au versement d'une provision doivent être rejetées.
Sur les dépens :
8. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la SAS A... Galerie tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de la métropole Nice-Côte d'Azur ne peuvent donc qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Nice-Côte d'Azur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS A... Galerie sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
11. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la métropole intimée.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS A... Galerie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la métropole Nice-Côte d'Azur présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) A... Galerie et à la métropole Nice-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
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No 23MA00784
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