Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2311911 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Maniquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2023 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sous trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- ce jugement ne s'est pas prononcé sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision relative au délai de départ volontaire ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiqué au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante turque née le 12 juillet 2004, est entrée en France pour la dernière fois le 17 janvier 2023 sous couvert d'un document de circulation pour étranger mineur. Le 13 mars 2023, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article R. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 septembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 24 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
3. Il ressort des pièces du dossier que dans sa requête de première instance, Mme A... soutenait que la décision relative au délai de départ volontaire était entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. Le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu, alors qu'il n'était pas inopérant. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier et à en obtenir l'annulation, en tant qu'il statue sur la légalité de la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur celles dirigées contre les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si Mme A... est née en France, où elle a effectué une partie de sa scolarité, il ressort des pièces du dossier qu'elle a quitté le territoire français à l'âge de treize ans, en 2017, pour retourner dans son pays d'origine, accompagnée de ses parents, avant de revenir en France quatre ans plus tard, en 2021, où elle a nouveau été scolarisée. Si elle indique avoir fait de nombreux aller et retour entre la France et la Turquie pendant la période où elle y vivait et si ses parents et ses quatre sœurs résident régulièrement sur le territoire national, elle est désormais âgée de dix-neuf ans, sans charge de famille et ne réside en France que depuis deux ans à la date de la décision attaquée. Elle ne justifie pas d'une insertion particulièrement notable dans la société française et n'établit pas être dépourvue de toute attache personnelle en Turquie. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision relative au délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
9. Mme A... n'établit pas, ni même n'allègue, avoir sollicité du préfet des Bouches-du-Rhône l'octroi d'un délai de départ supérieur à trente jours. En se bornant à faire état de sa situation familiale, elle ne justifie pas de circonstances propres nécessitant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône, en fixant à trente jours, après un examen particulier de la situation de l'intéressée, le délai de départ imparti à Mme A... pour quitter volontairement le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2023 lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et que le surplus de ses conclusions d'appel, ainsi que sa demande de première instance tendant à l'annulation de cette décision, doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2311911 du 24 avril 2024 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2023 lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
Article 2 : La demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision relative au délai de départ volontaire et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.
2
N° 24MA01845
nb