Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305248 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête, enregistrée le 10 juin 2024, M. B..., représenté par Me Almairac, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 27 septembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'erreurs de fait et d'appréciation ;
- l'arrêté préfectoral du 27 septembre 2023 est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'erreur de droit, le préfet s'étant fondé sur l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable à sa situation ;
- il est entaché d'erreur de fait s'agissant de la durée de sa présence en France, de sa situation professionnelle et de la situation administrative de son épouse ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987 ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les termes de la circulaire Valls ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiqué au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 18 juin 1983, est entré en France le 15 août 2019 selon ses déclarations. Par un arrêté du 27 juillet 2021, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par une ordonnance du premier vice-président de la cour administrative de Marseille du 8 juin 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a sollicité, le 5 novembre 2022, son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail et de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 27 septembre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en août 2019 avec son épouse, également de nationalité marocaine et ses deux filles, nées en 2011 et 2016. Le couple réside depuis lors sur le territoire national, ainsi qu'en attestent notamment les certificats de scolarisation de ces deux enfants. Une troisième enfant est née en France en 2021. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours des années 2020 à 2022, M. B... a travaillé comme employé de maison chez plusieurs particuliers lui procurant des revenus mensuels avoisinant les 600 euros, et qu'il a également travaillé, ainsi que cela ressort des termes du jugement du conseil de Prud'hommes de Nice du 9 juillet 2024, sans être déclaré, chez un autre employeur comme jardinier et homme à tout faire entre juin 2020 et mai 2022, sur la base d'une rémunération devant être regardée comme équivalente, eu égard aux caractéristiques de son emploi, à un SMIC. En avril 2022, M. B... a créé une société par actions simplifiée, dénommée " Entretien Nettoyage Propreté 06 ", dont il est le président et qui lui procure un revenu de 1 000 euros mensuels. L'épouse de M. B... justifie également d'un emploi en contrat à durée indéterminée depuis juin 2023, et a, au demeurant, obtenu un titre de séjour valable à compter du 13 avril 2024, en exécution du jugement n° 2305327 du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2024, devenu définitif. M. B... justifie, enfin, d'une implication dans le milieu associatif local et d'une bonne intégration dans la ville de Carros dans laquelle la famille réside, ainsi qu'en atteste le maire de la commune. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre au séjour, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a produit un mémoire en défense ni en première instance, ni en appel, a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs poursuivis. La décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté attaqué du 27 septembre 2023 doivent, dès lors, être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Almairac, conseil de M. B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mars 2024 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 27 septembre 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Almairac une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Almairac.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
-M. Portail, président de chambre,
-Mme Courbon, présidente assesseure,
-M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.
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N° 24MA01464