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08/11/2024 | FRANCE | N°22MA01599

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 22MA01599


Vu la procédure suivante :



Avant de statuer sur l'appel formé par Mme I... J... et M. C... B..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fils mineur L... J... B..., M. F... J... et Mme M... J... contre le jugement n° 2007772 du 8 avril 2022 rendu par le tribunal administratif de Marseille, la cour a, par un arrêt avant dire droit n° 22MA01599 du 6 octobre 2023, rejeté la requête en tant qu'elle est présentée par Mme I... J... et par M. C... B... en leur nom propre, annulé ce jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur

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Vu la procédure suivante :

Avant de statuer sur l'appel formé par Mme I... J... et M. C... B..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fils mineur L... J... B..., M. F... J... et Mme M... J... contre le jugement n° 2007772 du 8 avril 2022 rendu par le tribunal administratif de Marseille, la cour a, par un arrêt avant dire droit n° 22MA01599 du 6 octobre 2023, rejeté la requête en tant qu'elle est présentée par Mme I... J... et par M. C... B... en leur nom propre, annulé ce jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que Nolan J... B... a subi un préjudice lié aux souffrances qu'il a endurées du fait de l'infection nosocomiale qu'il avait contractée et, enfin, ordonné une mesure d'expertise avec pour mission d'éclairer la cour sur les causes du décès E... J... B....

Par une ordonnance du 10 janvier 2024, la présidente de la cour a désigné Mme H... K... en qualité d'expert.

Le rapport de l'expert a été enregistré au greffe de la cour le 6 mai 2024.

Par une lettre du 27 mai 2024, les parties ont été informées de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, des observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2024, l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance, représentées par Me Le Prado, persistent dans leurs précédentes conclusions tendant au rejet de la requête des consorts J....

Elles font valoir que :

- l'expert a confirmé qu'aucune faute n'a été commise par les services de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille ;

- le préjudice des souffrances endurées par Nolan du fait de l'infection nosocomiale pourrait être réparé par le versement de la somme de 2 000 euros.

L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saidji, a présenté un mémoire, enregistré le 14 octobre 2024, qui n'a pas été communiqué.

Vu :

- l'ordonnance du 28 mai 2024 par laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé à la somme de 2 500 euros les frais et honoraires de l'expertise confiée à Mme H... K... ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Avant de statuer sur l'appel formé par Mme I... J... et M. C... B..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur fils mineur L... J... B..., M. F... J... et Mme M... J... contre le jugement n° 2007772 du 8 avril 2022 rendu par le tribunal administratif de Marseille, la cour a, par un arrêt avant dire droit n° 22MA01599 du 6 octobre 2023, rejeté la requête en tant qu'elle est présentée par Mme I... J... et par M. C... B... en leur nom propre, annulé ce jugement en tant qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que Nolan J... B... a subi un préjudice lié aux souffrances endurées du fait de l'infection nosocomiale qu'il avait contractée et, enfin, ordonné une mesure d'expertise avec pour mission d'éclairer la cour sur les causes du décès E... J... B.... Le rapport de l'expert, Mme H... K..., a été enregistré au greffe de la cour le 6 mai 2024.

2. Comme il a été dit dans ce même arrêt avant dire droit, il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des requérants tendant à la réparation des conséquences liées à l'infection nosocomiale subie par Nolan et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le surplus du litige.

Sur le bienfondé du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les fautes invoquées par les requérants :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et notamment tant du rapport de l'expertise du docteur G... diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille que du rapport d'expertise du docteur K..., que le nourrisson Nolan est décédé des suites d'une entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN). Les requérants soutiennent en premier lieu que l'introduction de l'allaitement artificiel le 28 août 2014 a favorisé la survenue de cette pathologie. Si le premier de ces deux rapports a pu conclure que ces deux circonstances constituaient " deux facteurs favorisants hypothétiques ", il résulte cependant du second de ces rapports, lequel au contraire du premier s'appuie sur l'état des connaissances scientifiques et des recommandations applicables en la matière, qu'il n'existe pas de lien connu entre la survenue d'une ECUN et l'introduction de lait dans l'alimentation des enfants nés prématurés chez lesquels, au contraire, l'absence de cet aliment est de nature à favoriser l'atrophie de la muqueuse intestinale, qui est elle-même un facteur de survenue de l'ECUN. De plus, il ne résulte de l'instruction ni que divers membres de la famille E... seraient allergiques au lait de vache, ni que cette " allergie " aurait été mentionnée auprès de l'équipe médicale. En second lieu, les requérants soutiennent que la vaccination contre l'hépatite B effectuée le 27 août 2014 a favorisé l'apparition de cette pathologie et se prévalent du rapport du docteur D..., expert près la cour d'appel de Dijon, qui, se référant à l'ouvrage Vidal, indique que, " comme pour les autres vaccins, l'administration (...) doit être différée chez les sujets souffrant de maladies fébriles sévères aiguës ". Toutefois, il résulte du second rapport d'expertise qu'au contraire, le schéma vaccinal est précisément renforcé chez les prématurés de moins de 32 semaines du fait qu'ils ne disposent ni d'un système immunitaire mâture ni ne bénéficient de celui de leur mère. En outre, ce rapport indique qu'" il n'y a aucune publication qui établirait un lien entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une ECUN chez le prématuré. ". Par conséquent, l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille n'a commis aucune des deux fautes reprochées par les requérants. Il suit de là que, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, ces derniers ne sont pas fondés à engager la responsabilité pour faute de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et de son assureur, la société Relyens mutual insurance.

Sur les conclusions de la requête tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale subie par Nolan :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 724 du code civil : " Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ". Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède sans que ses droits aient été définitivement fixés, c'est-à-dire, en cas de litige, avant qu'une décision juridictionnelle définitive ait fixé le montant de l'indemnisation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Cependant, le préjudice subi par la victime, ayant cessé au moment du décès, doit être évalué à la date de cet événement, y compris lorsque le décès est lié au fait ouvrant droit à indemnisation, auquel cas d'ailleurs ce décès peut être pris en compte au titre du droit à réparation des proches de la victime.

6. Il résulte de l'instruction, et en particulier des deux rapports d'expertise précités qui ne sont pas contestés sur ce point, que le nourrisson Nolan Hinderchield B... a été contaminé, au niveau du cathéter mis en place en jugulaire le 26 septembre 2014, par une infection à Escherichia Hermani puis à staphylo epidermis, objectivée le 7 octobre suivant. S'il résulte de l'instruction que cette infection a été correctement diagnostiquée et prise en charge par les services de l'AP-HM et n'a pu, en aucune façon, favoriser l'apparition de la maladie ayant entraîné le décès de l'enfant, ou participer à la survenance de ce décès, le rapport d'expertise rendu à la demande de la cour précise qu'elle a néanmoins été de nature à engendrer des souffrances chez le nourrisson, qu'il cote à 2 sur 7. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le réparant par le versement de la somme de 2 000 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance doivent être condamnées à payer à Mme I... J..., M. C... B..., A... J... B..., M. F... J... et Mme M... J..., en leur qualité d'héritiers E..., la somme de 2 000 euros et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dans cette mesure.

Sur la charge des frais d'expertise :

8. D'une part, il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance les frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 840 euros par ordonnance du 16 mars 2017 de la présidente du tribunal administratif de Marseille.

9. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance les frais et honoraires de l'expertise de Mme H... K... liquidés et taxés à la somme de 2 500 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 28 mai 2024.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

10. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes qui, régulièrement mis en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et de la société Relyens mutual insurance une somme de 1 500 euros à verser aux requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2007772 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il ne se prononce pas sur les conclusions des requérants tendant à la réparation des conséquences liées à l'infection nosocomiale subie par Nolan Hinderchield B....

Article 2 : L'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance sont condamnées à payer à Mme I... J..., M. C... B..., A... J... B..., M. F... J... et Mme M... J..., en leur qualité d'héritiers E... J... B..., la somme de 2 000 euros.

Article 3 : Les frais de l'expertise du docteur G..., taxés et liquidés à la somme de 840 euros par ordonnance du 16 mars 2017 de la présidente du tribunal administratif de Marseille, sont mis à la charge définitive de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance.

Article 4 : Les frais de l'expertise du docteur H... K..., taxés et liquidés à la somme de 2 500 euros par l'ordonnance de la présidente de la cour du 28 mai 2024, sont mis à la charge définitive de l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance.

Article 5 : L'assistance publique-Hôpitaux de Marseille et la société Relyens mutual insurance verseront solidairement aux requérants la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... J..., représentante unique des requérants, à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, à la société Relyens mutual insurance, à la caisse primaire d'assurances maladie des Hautes-Alpes et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2024.

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N° 22MA01599

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01599
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;22ma01599 ?
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