Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303330 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2024, sous le n° 24MA01032, Mme A... veuve B..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Almairac en application de L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreurs de fait ;
- elle relève des dispositions des articles L. 423-1, L. 423-4 et L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté viole les stipulations de l'article 6-2) de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... veuve B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... veuve B..., de nationalité algérienne, née le 27 novembre 1969, s'est mariée le 11 août 2015 en Algérie avec un ressortissant français. Elle est entrée en France le 26 avril 2018, muni d'un visa de court séjour et a bénéficié d'un certificat de résidence, le 5 juin 2018, en qualité de " conjoint de français ". Elle a demandé, le 13 septembre 2019, le renouvellement de ce titre de séjour. Son époux est décédé le 24 novembre 2019. Par un arrêté du 28 février 2023, le préfet des Alpes-Maritimes Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... veuve B... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 février 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'arrêté litigieux mentionne les textes dont il fait application et précise les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est appuyé pour prendre l'arrêté contesté. Il comporte les éléments propres à la situation de la requérante, relatifs notamment à son entrée en France le 26 avril 2018 sous couvert d'un visa de court séjour, à son mariage le 11 août 2015 avec un ressortissant français, décédé le 24 novembre 2019. Il précise également que Mme A... veuve B... n'apporte pas la preuve de retranscription sur les registres d'états civils français et ne fournit aucune preuve de communauté de vie, en se référant notamment à une enquête menée par la police aux frontières au cours de laquelle l'intéressée ne s'est jamais présentée aux convocations de la police. Cet arrêté mentionne également que l'intéressée a quitté le domicile conjugal, serait domiciliée à la halte de nuit de la fondation de Nice Patronage Saint-Pierre depuis le 1er octobre 2019, qu'elle est défavorablement connu des services de police pour des violences aggravées et psychologiques commises sur son mari, lequel a porté plainte le 10 décembre 2018, et que la fille de ce dernier a déposé deux mains courantes les 15 octobre 2018 et 8 décembre 2018 en raison des maltraitances infligées à son père. L'arrêté contesté est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et révèle qu'il a été procédé à un examen sérieux de la situation de la requérante.
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Selon l'article L. 423-4 du même code : " La rupture du lien conjugal n'est pas opposable lorsqu'elle résulte du décès du conjoint. Il en va de même de la rupture de la vie commune ". L'article L. 423-6 du code précité dispose que : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. / La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7. / Elle peut être retirée en raison de la rupture de la vie commune dans un délai maximal de quatre années à compter de la célébration du mariage. / Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue par le décès de l'un des conjoints ou en raison de violences familiales ou conjugales, l'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait pour ce motif. (...) ".
4. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dès lors, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Par suite, et alors même que les stipulations de l'accord franco-algérien rappelées ci-dessus sont plus restrictives que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en soumettant le renouvellement du certificat de résidence pour les conjoints de Français à une condition de communauté de vie sans prévoir d'exception en cas du décès du conjoint, Mme A... veuve B..., en tant que ressortissante algérienne, ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 423-1, L. 423-4 et L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions citées au point 3 en refusant de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de conjointe d'un ressortissant français au seul motif de la rupture de la communauté de vie due au décès de son époux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces textes doit être écarté.
5. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet des Alpes-Maritimes a pris en compte les faits tirés de ce que Mme A... veuve B... n'apportait pas la preuve de la retranscription de son mariage sur le registre d'états civils français, de ce qu'elle ne s'était jamais présentée aux convocations de la police et était défavorablement connue des services de police pour des violences qu'elle aurait commises à l'égard de son époux. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur l'autre motif de l'arrêté, tiré de ce que l'époux de Mme A... veuve B... était décédé à la date de l'arrêté contesté. Enfin, il ne ressort pas des motifs de cet arrêté indiqués au point 2 que le préfet se serait fondé sur une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté serait entaché d'erreurs de fait doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... veuve B... s'est mariée le 11 août 2015 en Algérie avec un ressortissant français. Elle est entrée en France le 26 avril 2018, muni d'un visa de court séjour et a bénéficié d'un certificat de résidence, le 5 juin 2018 en qualité de " conjoint de français ". Elle a demandé, le 13 septembre 2019, le renouvellement de ce titre de séjour. Son époux est décédé le 24 novembre 2019. Par ailleurs, l'intéressée a quitté le domicile conjugal et était domiciliée à la halte de nuit de la fondation de Nice Patronage Saint-Pierre depuis le 1er octobre 2019. Ainsi, la communauté de vie avait cessé à la date de l'arrêté en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas de la seule attestation d'un voisin que Mme A... veuve B... aurait été victime de violences physiques ou psychologiques de la part de son époux. La seule circonstance que les filles de ce dernier auraient fait changer la serrure du domicile conjugal lorsque leur père a été admis aux urgences n'est pas de nature à établir l'existence de violences conjugales à son encontre. L'appelante qui est veuve et sans enfant n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans ni ne démontre aucune insertion socio-professionnelle. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et des conditions du séjour de l'intéressée en France, Mme A... veuve B... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté en litige, le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... veuve B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 28 février 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... veuve B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme A... veuve B....
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... veuve B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... veuve B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... veuve B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.
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N° 24MA01032
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