Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel de la Tour a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à lui verser la somme totale de 32 944,80 euros toutes taxes comprises (TTC), en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement aux projections de laitance sur son établissement dans le cadre de l'opération de coulage de confortement du quai du port réalisée au droit de celui-ci et de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1903028 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulon
a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Sanary-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, la SARL Hôtel de la Tour, représentée par Me Hage, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 ;
2°) de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à lui verser la somme de 27 454 euros hors taxe (HT), soit cette somme de 32 944,80 euros TTC, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi consécutivement à ces projections de laitance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en rejetant sa demande de première instance au visa d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2004, les premiers juges ont commis une erreur dès lors que, si elle a reçu un chèque de la part de la société Aviva, assureur de la société Provence Services, d'un montant de 24 450,63 euros, cette somme ne correspond pas à ses prétentions indemnitaires et ce chèque n'a fait l'objet ni d'un encaissement, ni d'une consignation ;
- la matérialité de l'incident ne saurait être contestée ;
- la commune de Sanary-sur-Mer est responsable des conséquences dommageables qu'elle a subies à la suite d'une opération de coulage d'un confortement du quai, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité sans faute et en sa qualité de tiers, victime de ces travaux publics ;
- à titre subsidiaire, et pour le cas où le Cour lui reconnaîtrait la qualité d'usager de l'ouvrage public, elle devra retenir la responsabilité pour faute présumée de la commune de Sanary-sur-Mer ;
- son préjudice se chiffre à la somme de 27 454 euros HT, soit 32 944,8 TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par Mes Comte et Hamon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de
3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Hôtel de la Tour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, les premiers juges ont à raison considéré que les préjudices indemnisables de la SARL Hôtel de la Tour avaient été préalablement réparés par l'envoi du chèque par l'assureur de la société Provence Services, et, qui plus est, pour un montant supérieur à ce que cette société aurait pu recevoir, la somme de ces préjudices s'élevant à 22 680 euros ;
- à titre subsidiaire :
. alors qu'elle n'a commis aucune faute qui aurait pu causer l'incident dont a été victime la SARL Hôtel de la Tour, elle ne peut pas être tenue responsable des dommages causés à cette société en lieu et place du maître d'œuvre et du titulaire du marché ; la société Provence Services a d'ailleurs reconnu sa responsabilité ;
. la SARL Hôtel de la Tour, qui a la qualité d'usager de la voie publique, et non de tiers, ne peut pas bénéficier du régime de responsabilité sans faute ; en l'espèce, elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité et la SARL Hôtel de la Tour doit démontrer un lien de causalité entre le dommage et le préjudice subi ;
. si, par extraordinaire, la Cour devait estimer que la SARL Hôtel de la Tour était tiers au travail public, le caractère anormal et spécial du préjudice n'est pas démontré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, la société anonyme (SA) Sade - Compagnie générale de travaux hydrauliques, représentée par Me de Cazalet, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement du 19 janvier 2023, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Lafarge Bétons France et Provence Services soient condamnées à la relever et la garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et au rejet de la somme
sollicitée par la SARL Hôtel de la Tour au titre du remplacement du mobilier pour un montant de 4 774 euros HT, et, en tout état de cause à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, le jugement attaqué devra être confirmé en tant qu'il a débouté la
SARL Hôtel de la Tour de ses demandes au motif que les préjudices qu'elle avait subis devaient être considérés comme réparés ;
- à titre subsidiaire :
. il y a lieu de mettre en cause les sociétés Lafarge Bétons France et Provence Services afin qu'elles la relèvent et la garantissent des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
. le montant sollicité par la SARL Hôtel de la Tour ne saurait excéder la somme de
22 680 euros HT.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Safège, représentée par Me Job-Ricouart, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué, à titre subsidiaire, et si la Cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre, à ce que le poste de préjudice à hauteur de 4 774 euros HT ne soit pas indemnisé, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la " requête présentée par la société Hôtel de la Tour " est devenue sans objet compte tenu du règlement opéré par la société Aviva, assureur de la société Provence Services ;
- à titre subsidiaire :
. la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer en qualité de maître de l'ouvrage public est pleine et entière ;
. les demandes formées par cette dernière à son encontre ont été jugées sans objet par le tribunal administratif de Toulon et le jugement attaqué devra être confirmé sur ce point ; en tout état de cause, elle devra être mise hors de cause ;
. si la Cour estimait devoir entrer en voie de condamnation à son encontre, elle serait intégralement relevée et garantie par les sociétés Lafarge Bétons France et Provence services ;
. la SARL Hôtel de la Tour est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, à ce titre, elle ne saurait prétendre au règlement d'une indemnité TTC ;
. le poste relatif au remplacement du mobilier pour un montant de 4 774 euros a été à juste titre écarté par le tribunal administratif de Toulon.
La procédure a été communiquée aux sociétés Provence Services et Eiffage travaux maritimes et fluviaux qui n'ont pas présenté de mémoire.
Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2024, à 12 heures.
Un mémoire, présenté pour la société par actions simplifiée (SAS) Lafarge Bétons, par Me Debuchy, a été enregistré le 11 octobre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Garcia, substituant Mes Comte et Hamon, représentant la commune de Sanary-sur-Mer,
- les observations de Me Vadon, substituant Me Debuchy, représentant la SAS Lafarge Bétons,
- les observations de Me Bosvieux, substituant Me de Cazalet, représentant la SA Sade - Compagnie générale de travaux hydrauliques,
- et les observations de Me Zemmour, substituant Me Job-Ricouart, représentant la SAS Safège.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de l'exécution d'un marché public de travaux portant sur la réalisation d'ouvrages de traitement d'eau pluviale, de voirie et réseaux divers (VRD), et d'extension des quais du port de Sanary-sur-Mer, une opération de coulage de béton a été réalisée le 11 mai 2017 devant l'établissement hôtelier et de restauration exploité par la société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel de la Tour. S'estimant victime, à cette occasion, de dommages du fait de projections de laitance par un camion toupie, sur sa terrasse et sa façade, la SARL Hôtel de la Tour a présenté une réclamation indemnitaire préalable au maire de Sanary-sur-Mer, lequel a refusé d'y faire droit par une décision du 24 juin 2019. La SARL Hôtel de la Tour a alors saisi le tribunal administratif de Toulon afin d'obtenir la condamnation de la commune de Sanary-sur-Mer à lui verser
une indemnité d'un montant total de 32 944,80 euros toutes taxes comprises (TTC), en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ces projections. Par la présente requête,
la SARL Hôtel de la Tour relève appel du jugement du 19 janvier 2023 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'enregistrement de la demande de la SARL Hôtel de la Tour au greffe du tribunal administratif de Toulon, il a été révélé que la compagnie d'assurance Aviva, assureur de la SARL Provence Services, qui est intervenue lors de ces opérations de coulage en tant que prestataire de la société anonyme (SA) Lafarge Bétons,
elle-même fournisseur de la société ECTM, sous-traitant du groupement constitué de
la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux qui a été chargé de la réalisation des travaux, a adressé à la SARL Hôtel de la Tour un chèque daté du 13 octobre 2020, d'un montant de 24 450,63 euros. Or, il est constant que la société appelante n'a pas accepté cette indemnité, qu'elle estime insuffisante, et qu'elle n'a ni encaissé, ni consigné ce chèque qui était donc, à la date à laquelle le tribunal administratif de Toulon a statué, périmé, par la combinaison des dispositions de l'article L. 131-32 et de celles de l'alinéa 2 de l'article L. 131-59 du code monétaire et financier, et qui n'avait ainsi plus de validité en tant que moyen de paiement. Dans ces conditions, la demande de première instance conservait son objet tout comme la présente requête d'appel. L'exception de non-lieu à statuer doit dès lors être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la SAS Lafarge Bétons devant les premiers juges :
3. En première instance, la SAS Lafarge Bétons a fait valoir que la SARL Hôtel de la Tour était dépourvue de tout intérêt pour agir, compte tenu de l'expédition du chèque susmentionné. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par la SARL Hôtel
de la Tour :
4. Même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
5. Par ailleurs, le titulaire d'une permission de voirie ne peut être astreint à supporter sans indemnité le dommage subi dans les ouvrages qui font l'objet de la permission, que lorsque le dommage est la conséquence de travaux exécutés dans l'intérêt de la conservation du domaine ou de son utilisation en conformité de sa destination et dans des conditions normales, ou la conséquence nécessaire du fonctionnement d'un ouvrage public édifié dans l'intérêt du domaine pour lequel l'autorisation d'occupation est accordée.
S'agissant de la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer :
6. En l'espèce, il est constant que les projections de laitance survenues lors des opérations de coulage du confortement du quai du port de Sanary-sur-Mer dans le cadre du marché public susmentionné, ont endommagé la façade de l'établissement hôtelier et de restauration exploité par la SARL Hôtel de la Tour ainsi que la toile couvrant sa terrasse. Si la SARL Hôtel de la Tour a la qualité de riverain de la voie publique et donc de tiers par rapport à ces travaux publics, en ce qui concerne cette façade, il résulte de l'instruction que cette société s'était vue octroyer le droit d'occuper le domaine public au niveau " 24 quai De Gaulle " pour y installer une terrasse couverte, en vertu d'une autorisation d'occupation du domaine public. Or, les dommages invoqués par la SARL Hôtel de la Tour, dont la matérialité est, au vu des pièces versées aux débats, établie tout comme leur lien de causalité avec les travaux litigieux, ne sont pas la conséquence nécessaire des travaux effectués sur le domaine public mais bien des conditions anormales d'exécution de ces travaux. Par suite, et sans qu'elle ne soit tenue de démontrer le caractère grave et spécial des préjudices subis, la SARL Hôtel de la Tour est bien fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Sanary-sur-Mer, en sa qualité de maître d'ouvrage, à raison de ces dommages accidentels, y compris en ce qu'ils concernent la terrasse, pour l'installation de laquelle elle bénéficiait d'une permission de voirie.
S'agissant de l'évaluation et de la réparation des préjudices subis par la SARL Hôtel de la Tour :
7. D'une part, ainsi qu'il a été dit, les projections de laitance ont endommagé la façade de l'établissement hôtelier et de restauration exploité par la SARL Hôtel de la Tour ainsi que la toile couvrant sa terrasse. Or, il résulte de l'instruction, et notamment de la note d'expertise réalisée par le cabinet Cunningham Lindsey, à la demande la compagnie Aviva, assureur de la SARL Provence Services, et des devis versés aux débats, qu'il sera fait une exacte appréciation des travaux de reprise de nature à mettre fin à ces désordres et consistant essentiellement en la réfection de la peinture de cette façade, du remplacement de cette toile, en les évaluant à la somme de
22 680 euros. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Hôtel de la Tour, qui ne contredit pas l'affirmation du cabinet Cunningham Lindsey selon laquelle elle a pu nettoyer les tables et les chaises des projections de béton, aurait subi un préjudice résultant du remplacement du mobilier de la terrasse.
8. D'autre part, le montant du préjudice, dont la victime d'un dommage causé à un bien est fondée à demander réparation, correspond aux frais qu'elle doit engager pour la remise en état du bien. Ces frais qui couvrent le coût des travaux comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque cette taxe grève les travaux. Toutefois,
le montant de l'indemnisation doit, lorsque la victime relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'elle a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable. En ce cas,
il appartient à la victime, à laquelle incombe la charge d'apporter tous les éléments de nature
à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, le cas échéant, à la date d'évaluation de ce préjudice, qu'elle n'est pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser
la taxe.
9. En l'espèce, la SARL Hôtel de la Tour n'établit pas qu'elle ne serait pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser la taxe sur la valeur ajoutée grevant le coût des travaux de reprise susmentionné, alors qu'une SARL est en principe assujettie à cette taxe. Par suite, il n'y a pas lieu d'inclure cette taxe sur la valeur ajoutée dans le montant de l'indemnité allouée à cette société.
10. Enfin, si, ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que la compagnie d'assurance Aviva, assureur de la SARL Provence Services, a adressé à la SARL Hôtel de la Tour un chèque daté du 13 octobre 2020, d'un montant de 24 450,63 euros, il est constant que ce chèque n'a pas été encaissé, ni consigné et qu'il est périmé. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les préjudices subis par la société appelante ne sauraient être regardés comme ayant été réparés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hôtel de la Tour est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sans que, contrairement à ce que faisait valoir la SAS Lafarge Bétons devant les premiers juges, il n'en résulte une double indemnisation, il y a lieu de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à verser la somme de 22 680 euros à la SARL Hôtel de la Tour.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les appels en garantie formés par la commune de Sanary-sur-Mer à l'encontre de la SAS Safège et du groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux :
12. Il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal de réception des travaux litigieux a été dressé avec une réserve concernant précisément le sinistre en cause et il n'est ni établi, ni même allégué, que cette réserve aurait été levée. Il n'a donc pas été mis fin aux rapports contractuels qui lient la commune de Sanary-sur-Mer tant à la SAS Safège en sa qualité de maître d'œuvre, qu'au groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, chargé des travaux.
13. Aux termes de l'article 113 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de sous-traitance, le titulaire demeure personnellement responsable de l'exécution de toutes les obligations résultant du marché. "
14. Il résulte de l'instruction que la société ECTM, sous-traitante du groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, titulaire du marché, a choisi, pour la réalisation de sa mission, la SAS Lafarge Bétons comme fournisseur de béton. Or, il résulte de l'instruction et est unanimement admis par les parties que les projections de laitance sont survenues pendant la livraison et le déchargement du béton par un camion toupie de la SARL Provence Services qui était le prestataire de la SAS Lafarge Bétons et que cette SARL en est la responsable. Dans ces conditions, bien qu'elle ne puisse, dans les circonstances de l'espèce, se prévaloir des stipulations de l'article 9.7 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de travaux de réalisation d'ouvrages de traitement pluvial, VRD et extension des quais du port qui sont relatives aux dégradations causées aux voies publiques ou privées, la commune de Sanary-sur-Mer est fondée à appeler en garantie, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 113 du code des marchés publics, le groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, à raison des manquements qui, au vu de l'instruction, sont entièrement imputables à la SARL Provence Services, prestataire du fournisseur de son sous-traitant. Par conséquent, le groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux devra relever et garantir intégralement la commune de Sanary-sur-Mer de la condamnation mise à sa charge par le présent arrêt.
15. La commune de Sanary-sur-Mer soutient que la SAS Safège a été défaillante dans sa mission de contrôle de l'exécution des travaux et se prévaut à cet égard, des stipulations de
l'article 24 du CCAP du marché de maîtrise d'œuvre relative à la réalisation de travaux portuaires qu'elle a conclu avec cette société et aux termes desquelles : " Conformément aux dispositions de l'article 1.5. du présent CCAP, la direction de l'exécution des travaux incombe au maître d'œuvre qui est l'unique responsable du contrôle de l'exécution des ouvrages et qui est l'unique interlocuteur des entrepreneurs. Il est tenu de faire respecter par l'entreprise l'ensemble des stipulations du marché de travaux et ne peut y apporter aucune modification. ". Toutefois, il résulte de l'instruction que les projections de laitance ont été accidentelles, il n'apparaît donc pas que la SAS Safège aurait manqué à ses missions. Par suite, et alors que, par ailleurs, le devoir de conseil du maître d'œuvre ne s'étend, en tout état de cause, pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché, la commune de Sanary-sur-Mer n'est pas fondée à appeler en garantie la SAS Safège.
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la SAS Safège à l'encontre des sociétés Lafarge Bétons et Provence Services :
16. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, l'appel en garantie présenté par la SAS Safège à l'encontre des sociétés Lafarge Bétons et Provence Services ne peut qu'être rejeté.
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique à l'encontre des sociétés Lafarge Bétons et Provence Services :
17. Le litige né de l'exécution d'une opération de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Ainsi, la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ne s'étend pas à l'action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant ou son fournisseur avec lequel il est lié par un contrat de droit privé.
18. Au cas particulier, il résulte de l'instruction que la SAS Lafarge Bétons et
la SARL Provence Services n'étaient contractuellement liées ni à la SAS Safège, ni au groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes. La SAS Lafarge Bétons n'était que le fournisseur de la société ECTM,
sous-traitant de ce groupement. Par suite, le contrat de droit privé qui unissait cette SAS Larfage Bétons à ce sous-traitant n'a pas eu pour effet de conférer à cette SAS la qualité de participant à l'exécution du travail public. Cette qualité ne peut davantage être reconnue à la SARL Provence Services qui n'était que le prestataire de la SAS Lafarge Bétons, dans le cadre d'un contrat également de droit privé. Par conséquent, comme le faisait valoir la commune de Sanary-sur-Mer devant le tribunal administratif de Toulon, il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître de l'appel en garantie formé par la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique à l'encontre des sociétés Lafarge Bétons et Provence Services.
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la SAS Lafarge Bétons à l'encontre de la société Provence Services :
19. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, l'appel en garantie présenté devant les premiers juges par la SAS Lafarge Bétons à l'encontre de la société Provence Services doit en tout état de cause être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1903028 du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : La commune de Sanary-sur-Mer est condamnée à verser à la SARL Hôtel de la Tour une somme de 22 680 euros.
Article 3 : Le groupement constitué de la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique et de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux relèvera et garantira intégralement la commune de Sanary-sur-Mer de la condamnation prononcée à son encontre à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la SA Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel de la Tour, à la commune de Sanary-sur-Mer, à la société anonyme (SA) Sade - Compagnie générale de travaux d'hydraulique, à la société par actions simplifiée (SAS) Safège, à la société par actions simplifiée (SAS) Lafarge Bétons, à la société à responsabilité limitée (SARL) Provence Services et à la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
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No 23MA00662
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