La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2024 | FRANCE | N°23MA03131

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 28 octobre 2024, 23MA03131


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée Tamaris Sécurité Privée a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Nice et la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 53 891,35 euros, à parfaire et à augmenter des intérêts légaux, en réparation des préjudices subis pour le non-respect de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières, et de les condamner à lui verser la somme de 73 660 euros, ainsi que 20 000 eur

os au titre du préjudice moral, à parfaire et à augmenter des intérêts légaux, en réparation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Tamaris Sécurité Privée a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Nice et la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 53 891,35 euros, à parfaire et à augmenter des intérêts légaux, en réparation des préjudices subis pour le non-respect de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières, et de les condamner à lui verser la somme de 73 660 euros, ainsi que 20 000 euros au titre du préjudice moral, à parfaire et à augmenter des intérêts légaux, en réparation des préjudices subis pour le non-respect de l'accord-cadre en octroyant des prestations de sécurisation des sites de Corvesy et de Nucera à un opérateur économique non titulaire de l'accord-cadre.

Par un jugement n° 2004134 du 24 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2023, la société Tamaris Sécurité Privée, représentée par Me Bézard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2023 ;

2°) de condamner la commune de Nice à lui verser une somme de 63 891,35 euros, somme à parfaire et à augmenter des intérêts légaux capitalisés ainsi qu'une somme de 83 660 euros, somme à parfaire et à augmenter des intérêts légaux capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Nice a confié les prestations de sécurité des sites de Corvesy et de Nucera à deux nouveaux opérateurs économiques par bons de commande ;

- la décision expresse de la commune de Nice de supprimer ces deux sites de son périmètre d'intervention doit bien être regardée comme un comportement de la personne publique mettant fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles s'agissant des prestations de sécurité sur ces deux sites ;

- le refus opposé par la commune de Nice à sa demande d'obtenir l'information de l'identité et des coordonnées de ces deux nouvelles entreprises constitue une faute de l'administration de nature à engager sa responsabilité ;

- la commune a méconnu l'obligation de reprise du personnel tel que prévue par l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés de sécurité ;

- la faute commise par la commune de Nice l'a privée de la possibilité de solliciter la reprise du personnel qu'elle affectait à la sécurisation des sites concernés par les deux sociétés titulaires des nouveaux marchés ;

- en confiant à ces deux nouveaux titulaires des missions identiques à celles qu'elle exécutait au titre de son marché, la commune de Nice a délibérément porté atteinte à son droit d'exclusivité en décidant de ne plus lui confier la sécurisation des deux sites et d'attribuer ces missions à deux autres opérateurs économiques ;

- elle a subi un manque à gagner qui doit être indemnisé à hauteur de 73 660 euros hors taxes, à actualiser ;

- elle a également subi un préjudice d'image qui doit lui être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par une requête en intervention volontaire, enregistrée le 11 avril 2024, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Help Partners, la société anonyme à responsabilité limitée Tulier Polge Alirezai et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Montravers Yang Ting, représentées par Me Bézard, demandent que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête de la société Tamaris Sécurité Privée et mette à la charge de la commune de Nice la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir qu'elles justifient d'un intérêt à intervenir dans la présente instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2024, la commune de Nice, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Tamaris Sécurité Privée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 28 août 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- les observations de Me Bézard, pour la société Tamaris Sécurité Privée et les sociétés Help Partners, Tulier Polge Alirezai et Montravers Yang Ting, et de Me Habibi Alaoui, pour la commune de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Nice a, par acte d'engagement du 23 juin 2017, conclu avec la société Tamaris Sécurité Privée un accord-cadre à bons de commande d'une durée d'un an renouvelable trois fois, pour des prestations de sécurité pour les besoins de la ville en mise à disposition de personnel de sécurité lors de spectacles et manifestations. Le marché a été prolongé jusqu'au 1er juin 2020. Par courrier du 27 décembre 2019, la commune de Nice a informé la société Tamaris Sécurité Privée de ce qu'à compter du 1er janvier 2020, elle ne ferait plus appel à ses agents pour assurer la sécurisation des sites de Corvesy et de Nucera. Le 28 mai 2020, la société Tamaris Sécurité Privée a demandé à la commune de Nice l'indemnisation des préjudices économiques et moraux qu'elle aurait subis du fait de cette décision. Par courrier du même jour, elle a également demandé à la métropole Nice Côte d'Azur de l'indemniser de ces mêmes préjudices. Des décisions implicites de rejet sont nées du silence gardé par ces deux autorités sur ces demandes. La société Tamaris Sécurité Privée a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet de ses demandes indemnitaires et tendant à la condamnation de la commune de Nice et de la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser une somme de 53 891,35 euros au titre du préjudice économique résultant du non-respect de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières, une somme de 73 660 euros au titre du préjudice subi du fait du non-respect de l'accord-cadre ainsi que la somme de 20 000 euros, en réparation de son préjudice moral. Par le jugement du 24 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Tamaris Sécurité Privée relève appel de ce jugement.

Sur l'intervention volontaire :

2. Le jugement à rendre sur la requête de la société Tamaris Sécurité Privée est susceptible de préjudicier aux droits de la société Help Partners, de la société Tulier Polge Alirezai, à qui une mission de surveillance de la société Tamaris Sécurité Privée placée en procédure de sauvegarde a été confiée et de la société Montravers Yang Ting, administrateur judiciaire à qui une mission d'administration non complète a été confiée. Dès lors, l'intervention de ces trois sociétés est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, en dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d'un contrat administratif résulte, en principe, d'une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l'absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Les juges du fond apprécient souverainement, sous le seul contrôle d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier par le juge de cassation, l'existence d'une résiliation tacite du contrat au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d'autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d'exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l'adoption d'une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat ou de faire obstacle à l'exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles.

4. La société Tamaris Sécurité Privée, qui a conclu le 23 juin 2017 avec la commune de Nice un accord-cadre à bons de commande d'une durée d'un an renouvelable trois fois, pour des prestations de sécurité pour les besoins de la ville en mise à disposition de personnel de sécurité lors de spectacles et manifestations, soutient que la collectivité, qui l'a informée le 10 décembre 2019 de ce qu'elle n'émettrait plus de bons de commande pour sécuriser les sites de Corvesy et Nucera, a ainsi procédé à la résiliation de la convention qui les liait dès lors que les missions de sécurité sur ces deux sites ont été confiées à deux autres opérateurs économiques, la société AIS et la société CCS.

5. Il résulte de l'instruction qu'alors que les missions confiées à la société appelante consistaient en des prestations de sécurité lors de spectacles et de manifestations sans désignation de lieux ou sites, les missions prévues par les marchés respectifs conclus avec la société AIS et la société CCS portaient sur des prestations de gardiennage d'établissements recevant du public, dont le site de Corvesy et la bibliothèque Nucera. Si la société appelante soutient avoir assuré des missions de gardiennage de ces sites, de telles missions étaient hors du champ initial du contrat de sorte que le fait d'y mettre fin n'équivaut pas à une résiliation. La circonstance qu'une agente de la commune ait indiqué par courriel du 10 décembre 2019 que des missions de sécurité ne seraient plus confiées à compter de janvier 2020 à la société Tamaris Sécurité Privée sur les deux sites de Corvesy et de Nucera n'est pas davantage de nature à caractériser une quelconque volonté de résiliation de la part de la commune dès lors que l'accord-cadre conclu entre la commune et l'appelante n'indiquait, en tout état de cause, pas précisément les lieux d'exercice des missions prévues au marché. Cette circonstance ne saurait au surplus établir que ces missions auraient fait l'objet de nouveaux marchés conclus avec deux autres sociétés, le courriel en cause mentionnant des marchés déjà en vigueur. Enfin, il résulte de l'instruction que le montant minimal annuel de l'accord cadre fixé à 100 000 euros hors taxes avait d'ores et déjà été atteint.

6. Ainsi, en l'absence de résiliation de l'accord-cadre conclu avec la commune de Nice, la société Tamaris Sécurité Privée ne saurait rechercher la responsabilité de la commune en raison d'une faute en découlant ou du refus allégué de la commune de communiquer le nom des nouveaux titulaires en charge de ces prestations ni l'indemnisation d'un quelconque préjudice.

7. En second lieu, aux termes de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de gardiennage conclu entre la commune de Nice et la société requérante : " Reprise du personnel / (...) A l'échéance du présent accord-cadre avec bons de commande et ce pour quelque raison que ce soit, et sous réserve qu'un nouvel accord-cadre avec bons de commande soit attribué, la reprise du personnel s'effectuera conformément à la législation en vigueur ainsi qu'à la convention nationale (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre et le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

9. Il résulte de l'instruction que l'accord-cadre à bons de commande conclu par la commune de Nice pour des prestations de sécurité consistait, ainsi qu'il a été dit, en la mise à disposition de personnel de sécurité lors de spectacles et manifestations et qu'il était exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande selon les besoins exprimés par la commune, sans détermination préalable et détaillée de l'ensemble des prestations à exécuter. La société appelante fait valoir que la commune de Nice a, par un courrier du 27 décembre 2019, confirmé la décision qui lui avait été communiquée par courriel du 10 décembre 2019, mentionné au point 4, de ne plus faire appel à ses services pour la sécurisation des sites de Corvesy et de Nucera, et estime que la commune aurait confié les missions prévues à ce contrat à deux autres sociétés en résiliant ainsi, à tout le moins partiellement, le marché qui les liait. Toutefois, il résulte de l'instruction, qu'ainsi que le rétorque la commune de Nice en défense, en tout état de cause, les marchés conclus avec les deux autres sociétés visées l'ont été avant cette date supposée de fin ou de modification de contrat, soit en janvier 2019, avec la société AIS et soit en mars 2018, avec la société CCS. Aussi, en informant la société Tamaris Sécurité Privée de ce qu'elle ne ferait plus appel aux agents de son contractant pour la sécurisation des sites de Corvesy et de Nucera, la commune de Nice ne saurait être regardée comme ayant mis fin à une partie de son contrat ni modifié unilatéralement les termes dudit contrat lequel portait d'ailleurs sur un objet différent à savoir assurer la sécurité lors de spectacles et manifestations.

10. Il s'en déduit que, cette situation n'entrant pas dans les prévisions de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de gardiennage ni dans celles de l'article L. 1224-1 du code du travail, la société appelante n'est pas fondée à faire valoir que la commune de Nice aurait méconnu ses obligations tant en matière de délivrance des informations sur l'identité de ses deux nouveaux cocontractants qu'en matière de droit d'exclusivité et l'aurait ainsi privée de la possibilité de reprise de son personnel par les nouveaux prestataires, pour rechercher la responsabilité de la commune et demander la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Tamaris Sécurité Privée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Nice.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention des sociétés Help Partners, Tulier Polge Alirezai et Montravers Yang Ting est admise.

Article 2 : La requête de la société Tamaris Sécurité Privée est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Tamaris Sécurité Privée, à la commune de Nice, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Help Partners, à la société anonyme à responsabilité limitée Tulier Polge Alirezai et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Montravers Yang Ting.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2024.

N° 23MA03131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03131
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-28;23ma03131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award