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28/10/2024 | FRANCE | N°23MA00051

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 28 octobre 2024, 23MA00051


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Loubon, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 435 273 933, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de la présidente du conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence portant retrait d'une subvention et prescrivant le reversement de la somme de 205 950 euros, l'ordre de recouvrement émis pour ce même montant par la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat le 5

février 2020, ainsi que la saisie administrative à tiers détenteur émise le 5 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Loubon, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 435 273 933, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de la présidente du conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence portant retrait d'une subvention et prescrivant le reversement de la somme de 205 950 euros, l'ordre de recouvrement émis pour ce même montant par la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat le 5 février 2020, ainsi que la saisie administrative à tiers détenteur émise le 5 novembre 2020.

Par un jugement n° 2010103 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2023, la société Loubon, représentée par Me Bonan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'ordre de recouvrement.

Elle soutient que :

- " la demande de reversement n'est fondée sur aucune décision administrative " ;

- subsidiairement, la décision de reversement n'a pas de date, pas de signataire dûment habilité et ne lui a jamais été notifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par la société civile professionnelle d'avocats Seban et Associés, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Loubon la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de retrait de la subvention a bien été notifiée à la société en même temps que l'ordre de recouvrer ;

- la demande de première instance de la société tendant à l'annulation de la décision de retrait de la subvention est tardive ;

- la société n'a pas présenté de réclamation de nature à lier le contentieux ;

- la demande de première instance était insuffisamment motivée ;

- la demande est tardive, mal dirigée et entachée d'un défaut de liaison du contentieux en tant qu'elle est dirigée contre la notification de saisie administrative à tiers détenteur ;

- l'ordre de recouvrer est fondé sur la décision de retrait de la subvention.

Par une lettre en date du 4 juillet 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 1er janvier 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 30 août 2023.

Par ordonnance du 17 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté n° BUDE1312153A du 4 juillet 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonan pour la société Loubon.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 30 décembre 2011, le président de la communauté urbaine Marseille Provence métropole, agissant pour le compte de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), a accordé à la société Loubon une subvention estimée à 565 798 euros en vue de réaliser des travaux de rénovation dans un immeuble dont elle est copropriétaire à Marseille. Par une décision du 5 février 2020, l'ANAH a prononcé le retrait de la subvention. Le même jour, elle a émis un ordre de recouvrer puis a notifié à l'intéressée, le 26 février suivant, la saisie à tiers détenteur de la somme de 205 950 euros. La société Loubon a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande contestant la décision de retrait et de reversement, l'ordre de recouvrer ainsi que la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise à son encontre. Par le jugement attaqué, dont cette société relève appel, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation : " Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé (...) en cas de non-respect des prescriptions de la présente section (...) ". Aux termes de l'article 14 du règlement général de l'ANAH : " l'achèvement des travaux doit être justifié par le bénéficiaire de la subvention sous peine de retrait de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues, dans un délai de trois ans ". Aux termes de l'article 192 du décret susvisé du 7 novembre 2012, applicable à l'ANAH en vertu de l'arrêté du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " L'ordre de recouvrer émis dans les conditions prévues à l'article 28 est adressé aux redevables sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique, soit par l'ordonnateur, soit par l'agent comptable (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de son article R. 421-5 : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. Il résulte des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative, applicables à défaut de disposition spécifique relative à la contestation du bien-fondé des créances dont le recouvrement est poursuivi par des ordres de recouvrer émis par les établissements publics de l'Etat, que la personne qui souhaite contester le bien-fondé d'une telle créance dispose, pour ce faire et dès lors que l'ordre mentionne les voies et délais de recours, d'un délai de deux mois à compter de la notification de cet ordre.

4. Par ailleurs, le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive.

En ce qui concerne la portée de la demande de première instance :

5. Il ressort de l'examen de la demande de la requête présentée par la société Loubon devant le tribunal administratif que celle-ci tendait à ce que le tribunal administratif " constat[e] la nullité de la demande de reversement de l'ANAH puisque cette demande de reversement n'est fondée sur aucune décision administrative " et à ce que, subsidiairement, " si cette [décision] administrative venait à être produite, (...) [qu'il] constate qu'elle n'a jamais été notifiée à la SCI Loubon, et qu'elle est atteinte de nullité ". La demande devait être regardée comme tendant à l'annulation, d'une part, de l'ordre de recouvrer n° 2020-400105 du 5 février 2020 émis par l'agent comptable de l'ANAH et, d'autre part, de la décision de retrait de la subvention attribuée à la société Loubon.

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ordre de recouvrer du 5 février 2020 a été reçu par la société Loubon le 26 février 2020, ainsi qu'en justifie l'ANAH par la production de l'avis de passage. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cet ordre de recouvrer aurait mentionné les voies et délais de recours. Le délai de recours de deux mois était donc inopposable à la société et la fin de non-recevoir opposée par l'ANAH ne peut donc être accueillie.

7. En revanche, il résulte de l'instruction que la décision de remboursement du trop-perçu, également datée du 5 février 2020, mentionne les voies et délais de recours. L'ANAH indique que cette décision a été adressée à la société Loubon en même temps que l'ordre de recouvrer, soit le 26 février 2020. Cette affirmation est corroborée par la mention, sur l'ordre de recouvrer, d'une pièce jointe (" PJ : 1 "). La demande, présentée pour la première fois le 26 janvier 2021 par la société, tendant à l'annulation de cette décision, au-delà du délai de deux mois, est donc tardive.

8. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que le caractère définitif de la décision de retrait de la subvention ne fait pas obstacle à ce que la société invoque, à l'appui de son opposition contre l'ordre de reverser, le caractère infondé de la créance en litige.

9. En deuxième lieu, la société Loubon n'a pas demandé le paiement d'une somme d'argent mais a seulement contesté la décision de retrait de la subvention qui lui avait été accordée ainsi que l'ordre de reverser émis en conséquence. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux et de la méconnaissance subséquente de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut donc être accueillie.

10. En troisième lieu, l'opposition à l'ordre de recouvrer est motivée par l'absence de notification préalable de la décision de retrait de la subvention. Même s'il n'était pas précisé, le fondement juridique de ce moyen, qui est l'absence de créance dûment constatée, pouvait se déduire de l'énoncé des faits. L'ANAH n'est donc pas fondée à soutenir que la demande de première instance n'était pas suffisamment motivée au regard de l'exigence résultant de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

11. En quatrième lieu, la demande de première instance de la société Loubon n'était pas dirigée contre la notification de saisie administrative à tiers détenteur. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à de telles conclusions.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Loubon est seulement recevable à contester l'ordre de recouvrer, et qu'il lui est loisible, à l'appui de son opposition à cet acte, de contester le bien-fondé de la créance qui lui est réclamée.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

13. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, la décision de retrait de la subvention a été notifiée à la société Loubon en même temps que l'ordre de recouvrer. La société, qui ne conteste d'ailleurs pas les motifs de cette décision de retrait, n'est donc fondée à soutenir ni que " la demande de reversement n'est fondée sur aucune décision administrative ", ni que cette décision administrative ne lui aurait jamais été notifiée.

14. En second lieu, si un débiteur peut contester le bien-fondé de la créance à l'appui de son opposition à un titre exécutoire, il ne peut à cette occasion utilement invoquer un vice de forme entachant la décision de retrait de la subvention dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, cette décision est devenue définitive.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Loubon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ANAH une somme sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Loubon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'ANAH tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Loubon et à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président-assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2024.

N° 23MA00051 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00051
Date de la décision : 28/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - Ordre de versement.

Logement - Aides financières au logement - Amélioration de l'habitat - Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-28;23ma00051 ?
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