Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2309486 du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 10 juin 2024 sous le n° 24MA01470, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il est entré en France dépourvu de visa ;
- cette décision méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 10 juin 2024 sous le n° 24MA01471, M. B..., représenté par Me Cauchon-Riondet, demande à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 18 janvier 2024 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par des décisions du 26 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- et les observations de Me Guarnieri, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er juillet 2002, est entré en France le 12 août 2016 selon ses déclarations. Par un arrêté du 16 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mai 2023 enjoignant à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B.... Au terme de ce réexamen, l'intéressé a fait l'objet d'un nouvel arrêté du 13 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 18 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les affaires enregistrées sous les n° 24MA01470 et 24MA01471 concernent un même ressortissant étranger et sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. L'arrêté du 13 juillet 2023 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé.
4. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, qui détaille la situation administrative, personnelle et familiale de M. B..., ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressé. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors être écarté.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, si la décision contestée mentionne que M. B... est entré en France le 12 juillet 2016 sous couvert d'un passeport dépourvu de visa, alors qu'il justifie d'une entrée sur le territoire national sous couvert d'un visa, le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas fondé sur cette circonstance pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... se prévaut de sa durée de résidence en France, où il est arrivé à l'âge de quatorze ans et de la présence régulière, sur le territoire national, de ses parents, de son frère mineur et de sa sœur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si les parents de M. B..., âgé de 21 ans à la date de la décision attaquée, disposent de cartes de titre de séjour, c'est en qualité de parents d'un enfant étranger malade, de telle sorte qu'ils ne disposent pas d'un droit au séjour pérenne en France, mais d'un droit lié à la prise en charge de leur fils mineur, A... C..., né en 2009, atteint d'exstrophie vésicale et dont le dernier compte rendu de consultation, établi le 13 janvier 2023 par le service de chirurgie et d'urologie pédiatrique de l'hôpital de La Timone, fait état d'une scintigraphie rénale normale, d'une échographie réno-vésicale stable et d'un prochain rendez-vous fixé dans six mois. La sœur de M. B... ne dispose par ailleurs, à la date de la décision attaquée, que d'une autorisation provisoire de séjour. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... ne justifie d'aucune intégration professionnelle depuis la fin de sa scolarité en 2022 et qu'il a été condamné par le tribunal judiciaire de Marseille, le 11 mai 2021, à six mois d'emprisonnement avec sursis pour rébellion et vol commis le 27 novembre 2020 dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs et par le même tribunal, le 8 mars 2023, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour vol aggravé par deux circonstances, commis le 30 septembre 2020. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est fondé à soutenir ni que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'exercice de son pourvoir de régularisation, ni d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste commise par le préfet des Bouches-du-Rhône dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
11. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté sont devenues sans objet. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions au titre des frais liés au litige.
D É C I D E:
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA01471 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 janvier 2024.
Article 2 : La requête n° 24MA01470 de M. B... et le surplus des conclusions de la requête n° 24MA01471 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Cauchon-Riondet etau ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
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N° 24MA01470 24MA01471
nb