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18/10/2024 | FRANCE | N°24MA00212

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 18 octobre 2024, 24MA00212


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et M. G... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 février 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Etoile-Aubagne-Huveaune a autorisé la société Main Sécurité à licencier M. B... pour motif disciplinaire.



Par un jugement n° 2103177 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 5 févr

ier 2021.



Procédure devant la Cour :



I. Par une requête et des mémoires, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et M. G... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 février 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Etoile-Aubagne-Huveaune a autorisé la société Main Sécurité à licencier M. B... pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 2103177 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 5 février 2021.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 janvier et 10 mai 2024, sous le n° 24MA00212, la société Main Sécurité SAS, représentée par Me Lajoinie, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 novembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande du syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et de M. B... ;

3°) de mettre à la charge solidaire du syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et de M. B... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont retenu un moyen tiré du défaut de qualité de M. F... qui n'était pas soulevé par les requérants et ne pouvait être soulevé d'office ;

- il viole l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- les arrêts de la Cour de cassation qu'elle a transmis le 28 juin 2022 n'ont pas été communiqués en violation de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- M. F... avait bien qualité à agir pour signer au nom de la société Main Sécurité SAS la demande d'autorisation de licenciement ;

- le tribunal a fait une interprétation erronée de l'étendue des fonctions et des pouvoirs dévolus au directeur d'agence dans la gestion de l'établissement secondaire Marseille 1 ;

- en tout état de cause, ce vice de procédure n'a eu aucune influence sur le sens de la décision prise ni n'a privé l'intéressé d'une garantie ;

- la décision de l'inspecteur du travail est parfaitement motivée ;

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- l'inspecteur du travail n'a pas surqualifié la faute commise M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2024, M. B... et le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté, représentés par Me Flageollet, concluent au rejet de la requête de la société Main Sécurité SAS et demandent à la Cour de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société Main Sécurité SAS ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit de mémoire.

Le mémoire enregistré le 7 mai 2024 présenté pour la société Main Sécurité SAS n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février et 7 mai 2024, sous le n° 24MA00461, la société Main Sécurité SAS, représenté par Me Lajoinie, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 novembre 2023 ;

2°) de mettre à la charge solidaire du syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens énoncés dans sa requête n° 24MA00212 sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2024, M. B... et le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté, représentés par Me Flageollet, concluent au rejet de la requête de la société Main Sécurité SAS et demandent à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société Main Sécurité SAS ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Chanteloupe substituant le cabinet Adden, représentant la société Main Sécurité SAS et de Me Flageollet, représentant M. B... et le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 24MA000212 et 24MA00461, qui sont présentées par la même société requérante, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. La société Main Sécurité SAS, dont le nom commercial est Onet Sécurité et qui appartient au groupe Onet, est spécialisée dans le secteur de la sécurité humaine privée. Elle a employé M. B... depuis le 1er mars 2012 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, lequel exerçait les fonctions d'assistant administratif, avec la qualification d'agent de maîtrise, au sein de la filière exploitation du pôle sécurité. A la suite d'une réorganisation du fonctionnement des différentes agences de la société Main Sécurité SAS, cette dernière a, le 6 février 2020, informé M. B... que ses missions seraient modifiées. M. B... a été désigné représentant syndical le 15 juin 2020. Le 28 septembre 2020, M. B... a informé son employeur qu'il acceptait ses nouvelles missions s'il bénéficiait en contrepartie d'une augmentation de salaire. Par lettre recommandée du 21 octobre 2020, la société Main Sécurité SAS a pris acte du refus de M. B..., l'a informé de son refus d'augmentation de salaire et l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement qui a lieu le 2 novembre 2020. L'inspection du travail a été saisie le 23 novembre 2020 par la société d'une demande d'autorisation de licenciement de M. B... pour motif disciplinaire, qui a été accordée par décision du 5 février 2021. La société Main Sécurité SAS relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 5 février 2021 et demande à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 24MA000212 :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 227-6 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées : " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. (...). / Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article. (...) ".

4. L'article 14 des statuts de la société Main Sécurité prévoit que : " La Société est représentée, dirigée et administrée par un Président, personne physique ou morale, associée ou non. Il est désigné par décision des associés, prise en Assemblée Générale ou par consultation écrite, qui peuvent le révoquer sous les mêmes formes à tout moment sans justification ni indemnité. / Le Président, personne morale, sera représenté par son ou ses représentant(s) légaux. Néanmoins, il(s) aura (ont) la faculté de déléguer cette représentation avec faculté de subdélégation à toute personne physique qu'il(s) jugera (ont) utile et disposant de l'autorité, de la compétence, et des moyens nécessaires, dans les mêmes termes. Le délégataire peut justifier de ses pouvoirs à l'égard des tiers par la production d'une copie certifiée par le Président et/ou par un extrait de la délégation de pouvoirs ayant déterminé ses pouvoirs, certifié par le Président. La personne morale Présidente peut faire cesser les fonctions de son ou ses représentants à tout moment sans qu'il soit besoin d'aucun motif ni indemnité ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été embauché en contrat à durée indéterminée, le 1er mars 2012, par la société Main Sécurité tel que le mentionne l'avenant à son contrat de travail du 1er mars 2015 lequel précise aussi à son article 8 que " à titre indicatif, le salarié signataire exercera ses fonctions au sein de l'agence de MAIN SECURITE Marseille 1 (...) ". En outre, la demande d'autorisation de licenciement du 23 novembre 2020 a été signée par M. F..., directeur de l'agence de Main Sécurité Marseille 1, établissement secondaire de la société Main Sécurité. Par une délégation du 2 mai 2017, M. D..., directeur général de la SAS Réseau Services Onet a délégué à M. C..., directeur régional Sud-Est, les pouvoirs pour assurer de façon effective et permanente la gestion des établissements rattachés à sa direction et en particulier, pour représenter la société au niveau des établissements vis-à-vis notamment de l'inspection du travail et pour procéder à des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement du personnel ouvrier et des ETAM des établissements et des services dont il a la responsabilité et de prononcer des sanctions à leur égard. M. C... a également délégué, dans la limité des pouvoirs conférés par la présidence de la société Main Sécurité, à M. F..., par une subdélégation, du 1er septembre 2019, le pouvoir de gestion du personnel de l'établissement Main Sécurité Marseille 1 dont notamment celui de procéder à des sanctions (article 4) " pouvant aller jusqu'au licenciement du personnel ouvrier de son établissement et de prononcer des sanctions à leur égard. / (...) / Le délégataire disposera du pouvoir de prononcer des sanctions pouvant aller jusqu'à la mise à pied disciplinaire du personnel de niveau ETAM mais devra soumettre à l'accord écrit et préalable du déléguant les licenciements à prendre à leur égard ". Cette même délégation prévoyait aussi à son article 1er que " le délégataire reçoit délégation particulière pour représenter la société prise en son établissement de Marseille 1 vis-à-vis des principaux organismes sociaux, et notamment vis-à-vis de l'inspection du travail, (...) ". Il résulte ainsi de ces dispositions combinées, et alors que dans les sociétés par actions simplifiées, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement, que M. F..., en sa qualité de directeur de l'établissement Main Sécurité Marseille 1 disposant du pouvoir de gestion du personnel de cet établissement, avait, au nom de la société Main Sécurité SAS, employeur de M. B..., le pouvoir de prendre des sanctions à l'égard des salariés de l'établissement et d'engager une procédure disciplinaire de licenciement à son encontre impliquant une demande d'autorisation à l'inspecteur du travail, sans qu'il soit besoin de demander l'accord écrit du déléguant. Il était ainsi compétent pour décider de demander à l'inspectrice du travail l'autorisation de licencier M. B..., compte tenu de cette subdélégation et alors même que l'employeur du salarié était la société Main Sécurité SAS. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'incompétence de M. F... pour signer la demande d'autorisation de licenciement pour annuler la décision du 5 février 2021 de l'inspectrice du travail.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... et autre, devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

7. Aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

8. En l'espèce, la décision en litige vise, notamment, les articles du code de travail applicables, l'enquête contradictoire, analyse suffisamment la matérialité des faits reprochés à M. B... et leur imputabilité, retient que cette faute présente une gravité suffisante pour justifier son licenciement et se prononce sur le lien avec le mandat. Les circonstances que cette décision se borne à mentionner : " Vu les éléments confirmatifs recueillis au cours de l'enquête du 1er février 2021 effectué dans les locaux de l'entreprise MAIN SECURITE ", sans préciser la nature de ces éléments confirmatifs et ne ferait pas état de l'entretien entre l'inspectrice du travail et M. A..., lequel a formé M. B... concernant la saisie des états préparatoires de devis (EPD) et devis ponctuels et récurrents, ne sont pas de nature à établir qu'elle serait insuffisamment motivée.

En ce qui concerne la procédure contradictoire :

9. L'article R. 2421-4 du code du travail prévoit que : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ".

10. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu par l'inspectrice du travail lors de l'enquête contradictoire du 5 janvier 2021, accompagné d'un membre titulaire de la délégation du personnel au CSE. En outre, l'inspectrice du travail a réalisé une enquête complémentaire, le 1er février 2021, dans les locaux de l'entreprise Main Sécurité, dans le but de " visualiser la réalisation des états préparatoires de devis (EPD) et devis ponctuels ainsi que récurrents " en présence de M. A..., lequel a formé M. B... le 21 janvier 2020. Cette information a été portée à la connaissance de l'inspectrice par courriel du 11 janvier 2021 par M. F..., directeur de l'agence Main Sécurité Marseille 1 puis à M. B... par courriel du 15 janvier 2021 avec les observations de son employeur. Aucune contestation sur cette formation n'a été formulée par M. B... dans son mémoire complémentaire du 20 janvier 2021 adressé à l'inspectrice du travail. La circonstance que cette formation n'aurait duré que 45 minutes au lieu d'une matinée est sans incidence. Par ailleurs, l'inspectrice du travail n'a pas méconnu le principe du contradictoire en n'associant pas M. B... à cette enquête complémentaire dont les éléments déterminants lui ont été communiqués.

En ce qui concerne la nature du licenciement :

12. Le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute. En cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en œuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

13. En l'espèce, la demande d'autorisation de licenciement de M. B... du 23 novembre 2020 est fondée sur un motif disciplinaire résultant du manquement par le salarié dans le respect de ses obligations contractuelles et de son refus fautif d'un simple changement de ses conditions de travail résultant de la demande de son employeur de réaliser de nouvelles missions consistant en la prise en charge des états préparatoires de devis et devis hors UGAP récurrents. Ainsi et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il s'agissait bien d'une demande de licenciement pour faute et la circonstance que l'affection à M. B... de nouvelles missions résultaient d'une réorganisation voulue par l'employeur n'est pas de nature à faire regarder cette demande comme reposant sur un motif économique.

S'agissant de la matérialité de la faute :

14. Pour accorder l'autorisation de licencier M. B..., l'inspectrice du travail a estimé que la demande d'effectuer les EPD récurrents ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail et que le fait de refuser d'effectuer cette tâche constitue un manquement dans l'exécution de son contrat de travail dont un avenant précisait qu'il devait " effectuer les devis clients et les EPD et appliquer les directives et utiliser les outils du pôle " et à l'article 4 que " les fonctions et responsabilités du salarié signataire pourront être adaptées pour tenir compte de l'évolution de l'entreprises et de son activité ".

15. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de l'avenant du 1er mars 2015 au contrat de travail de M. B... que ce dernier exerçait les fonctions d'assistant administratif pour lesquelles il réalisait les états préparatoires de devis (EPD) et de devis hors GAP ponctuels et non récurrents. Selon l'article 4 de cet avenant, ses attributions consistaient à effectuer les devis clients et les EPD, dimensionner les effectifs d'exploitation avec les exploitants, être le point d'entrée de l'agence pour les clients et les collaborateurs, s'occuper du suivi des contrats des clients et de la création des besoins BM Soft, appliquer les directives et utiliser les outils du pôle, être force de propositions au sein de l'agence et de son équipe : méthodes, outils et organisation. Cet article précisait également que " les fonctions et responsabilités du salarié signataire pourront être adaptées pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise et de son activité ". Par ailleurs, selon la décision contestée, les EPD et devis ponctuels étaient effectués par M. B..., les EPD récurrents étaient établis par M. A..., chargé d'affaire à la direction régionale de Vitrolles et les devis récurrents par le bureau d'étude ou par le national. Toutefois, la société Main Sécurité SAS a décidé de centraliser en agence la réalisation des EPD récurrents, les EPD ponctuels évènementiels étant désormais traités par l'agence Main Sécurité évènementiels et non plus par M. B..., les EPD récurrents initiaux restant à la charge de M. A.... En outre, il a été demandé aux agences de traiter des EPD récurrents de renouvellement. Ainsi, lors d'un entretien du 10 février 2020, M. F... a informé M. B... de l'adaptation de ses missions par la réalisation des EPD et devis ponctuels et récurrents pour les sites de l'agence Main Sécurité Marseille 1 et de l'agence Main Sécurité Alpes.

16. Contrairement à ce que soutient M. B..., ce dernier n'a pas été mis à la disposition de l'agence des Alpes et n'a donc pas changé d'employeur qui était toujours la société Main Sécurité et non l'un de ses établissements secondaires. Par ailleurs, son lieu de travail n'a fait l'objet d'aucune modification. Simplement certaines missions relatives au traitement des EPD et devis ponctuels et récurrents de cette agence lui ont été confiées dans le cadre de la réorganisation décidée par son employeur. Il n'y a ainsi eu aucune modification de son contrat de travail.

17. M. B... soutient que la gestion des EPD récurrents et des devis hors UGAP relevait des missions des chargés d'affaires ou des chargés d'études lesquels sont hiérarchiquement supérieurs à un assistant administratif d'agence. Toutefois, l'avenant du 1er mars 2015 à son contrat de travail mentionnait bien la réalisation des EPD sans aucune distinction. La circonstance que par un courriel du 12 juin 2020, M. E..., planificateur de l'agence Main Sécurité Marseille ait déclaré à M. A... qu'il n'était pas informé que depuis le 1er janvier, les EPD récurrents étaient établis en agence est sans incidence dès lors que lors d'un entretien du 10 février 2020, M. B... a été informé par M. F... de ses nouvelles missions. L'avenant prévoyait également que ses fonctions et responsabilités pourront être adaptées pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise et de son activité. Or, cette nouvelle tâche lui a été confiée dans le cadre d'une réorganisation de la gestion des EPD récurrents. Par ailleurs, M. B... a reçu une formation de la part de M. A... dans la matinée du 21 janvier 2020 ayant pour objet de lui présenter la méthode d'ajustement de la masse salariale dans le cadre de l'établissement des EPD récurrents de renouvellement, seule modification existante avec l'établissement d'un EPD ponctuel. M. A... a attesté que " La trame utilisée pour les EPD est toujours la même ". De même, M. F... a déclaré que " les tâches confiées à M. B..., à savoir la réalisation des EPD et devis récurrents étaient similaires à celles qu'il réalisait. En effet, le logiciel et le process était strictement identique. La seule différence concernait la partie ajustement de la masse salariale (AMS) ". Selon M. E... " le protocole à appliquer était identique à celui des EPD ponctuels. ". L'inspectrice du travail a également relevé que le temps supplémentaire consacré aux EPD récurrents de renouvellement s'inscrivait dans le cadre de l'abandon des EPD évènementiels dont M. B... avait précédemment la charge. Elle a donc pu légalement estimer que cette nouvelle tâche ne demandait pas une technicité et un temps supplémentaire particulièrement importants et ne constituait qu'un simple changement de ses conditions de travail. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres éléments essentiels du contrat de travail de M. B... tels que son statut, sa qualification, sa rémunération et sa durée de travail et les conditions d'exercice de son mandat auraient été modifiés, ni qu'il aurait été porté atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

18. M. B... et autre ne peuvent utilement contester la légalité de la clause prévue à l'article 4 de son contrat de travail selon laquelle " Les fonctions et responsabilité du salarié signataire pourront être adaptées pour tenir compte de l'évolution de l'entreprise et de son activité " en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif prohibé par l'article 1171 du code civil dont l'appréciation relève de la compétence du seul juge judiciaire.

S'agissant du caractère suffisamment grave de la faute :

19. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a refusé d'exécuter la demande de son employeur de traiter les EPD récurrents en dépit de plusieurs relances de celui-ci par courriel des 12, 18, 25 juin, 3 juillet et 15 septembre 2020. Compte tenu de ce qui a été dit au point 12, l'inspectrice du travail a ainsi pu légalement estimer qu'il avait commis une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement, sans procéder à une " surqualification " de cette faute.

S'agissant de la différence de traitement :

20. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence d'évolution professionnelle de M. B... depuis 2015 et les refus de formation durant toutes ses années de contrat seraient en lien avec le refus d'effectuer ces nouvelles tâches lesquelles ne demandaient pas une technicité et un temps supplémentaire qui seraient particulièrement importants et n'impliquaient pas un changement de qualification professionnelle et de rémunération démontrant une différence de traitement.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et sur la fin de non-recevoir opposée par la société Main Sécurité SAS, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 5 février 2021 de l'inspectrice du travail.

Sur la requête n° 24MA00461 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

22. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 24MA00461.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Main Sécurité SAS qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... et le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et du syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Main Sécurité SAS et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA00461.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 novembre 2023 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... et autre devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de leur d'appel sont rejetés.

Article 4 : M. B... et le syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté verseront à la société Main Sécurité SAS une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Main Sécurité SAS, à M. G... B..., au syndicat Sud-Solidaires Prévention et Sécurité Sûreté et à la ministre du travail et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.

2

N° 24MA00212, 24MA00461

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00212
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : FLAGEOLLET CLAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;24ma00212 ?
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