Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté n° 20204424 du 2 décembre 2020 par lequel le maire de la commune d'Ajaccio l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite et l'a radiée des cadres à compter du 1er janvier 2021, ensemble la décision du 29 avril 2021 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2100733 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 6 septembre 2023, et un mémoire, enregistré le 20 mai 2024 et non communiqué, Mme B..., représentée par Me Gaschy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 20204424 du 2 décembre 2020 et la décision du 29 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Ajaccio, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui accorder une prolongation d'activité jusqu'au 31 décembre 2021, de la réintégrer juridiquement, de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux, et de liquider l'indemnité liée à la perte de revenus subie du fait de l'arrêté litigieux ;
4°) de mettre à la charge de la Commune d'Ajaccio une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué, qui rejette sa demande de prolongation d'activité, lui refuse un avantage qui constitue un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir ; il doit dès lors être motivé en application du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; il est en l'espèce insuffisamment motivé, tandis que la motivation de la décision portant rejet de son recours gracieux est erronée ;
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 ; elle pouvait bénéficier d'une prolongation d'activité de 10 trimestres, jusqu'à l'âge de 68 ans et 8 mois ; elle était apte à continuer son activité et cette prolongation était conforme à l'intérêt du service ;
- la décision du 29 avril 2021 est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle lui oppose le délai de 6 mois fixé par l'article 4 du décret du 30 décembre 2009, applicable aux seuls fonctionnaires appartenant à la catégorie active, ce qui n'est pas son cas.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 avril et 2 mai 2024, la commune d'Ajaccio, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Seghiri, représentant la commune d'Ajaccio.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté n° 20204424 pris par le maire d'Ajaccio le 2 décembre 2020, l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite et la radiant des cadres à compter du 1er janvier 2021, d'autre part, de la décision du 29 avril 2021 portant rejet de son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes du 1er alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". En application des dispositions du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur une demande dont elle est saisie vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Aux termes du 1er alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ".
3. En l'espèce si l'arrêté litigieux est daté du 2 décembre 2020, Mme B... fait valoir qu'il lui a été adressé par courrier simple envoyé le 5 janvier 2021 et reçu le lendemain. La commune d'Ajaccio ne produit aucune preuve d'envoi ou de réception antérieure, laquelle ne peut résulter des simples démarches accomplies par l'intéressée pour obtenir le versement de sa pension. Dès lors, Mme B... a introduit son recours gracieux, daté du 23 février 2021 et reçu le lendemain, en temps utile. Une décision implicite de rejet de ce recours est née, et n'était pas définitive lorsque la décision explicite de rejet est intervenue, le 29 avril 2021. Dès lors, le délai de recours contentieux n'était pas échu lorsque l'intéressée a introduit sa demande devant le tribunal administratif, le 22 juin 2021, moins de deux mois après la notification de cette dernière décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, devenu l'article L. 556-5 du code général de la fonction publique : " (...), les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 7° Refusent une autorisation, (...) ; / (...) ".
6. Si par deux décisions des 25 septembre et 13 octobre 2020, le maire de la commune d'Ajaccio avait refusé de faire droit à la demande de Mme B... datée du 27 juillet 2020 et tendant à bénéficier d'une prolongation d'activité sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 cité ci-dessus jusqu'au 31 décembre 2021, et si par un second arrêté du 2 décembre 2020, n° 20204426, une telle prolongation lui a finalement été accordée jusqu'au 31 décembre 2020 seulement, l'arrêté litigieux, n° 20204424, pris le même jour, en admettant l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2021, rejette, implicitement mais nécessairement, cette demande en tant qu'elle porte sur la période postérieure au 31 décembre 2020. Il n'est, à cet égard, pas simplement confirmatif des décisions précédentes. Cet arrêté doit dès lors être regardé, eu égard à sa portée, comme une décision refusant une autorisation au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, soumise comme telle à l'obligation de motivation.
7. En l'espèce, l'arrêté litigieux ne comporte aucune motivation, en droit comme en fait, quant à ce refus d'autorisation. Il en est de même de l'arrêté du 2 décembre 2020, n° 20204426, qui n'indique pas les raisons pour lesquelles il ne fait droit à la demande de Mme B... que jusqu'au 31 décembre 2020, ainsi que des deux courriers adressés antérieurement, datés des 25 septembre et 13 octobre 2020, qui ne permettent pas d'éclairer l'arrêté en litige à cet égard. Ce dernier est dès lors entaché d'un défaut de motivation.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 20204424 du 2 décembre 2020 et de la décision du 29 avril 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Dès lors que le maintien en activité d'un fonctionnaire ne constitue pas un droit, l'annulation, pour un vice de forme, des décisions en litige n'implique pas nécessairement l'intervention d'une décision accordant à Mme B... le maintien en activité qu'elle a sollicité, mais seulement le réexamen de sa demande. Cette annulation n'implique pas davantage la réintégration et la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, pas plus que la liquidation d'une indemnité. Par suite, il y seulement lieu d'enjoindre au maire de la commune d'Ajaccio de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la demande de maintien en activité présentée par la requérante et de sa situation quant à son admission à faire valoir ses droits à la retraite. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 juillet 2023, l'arrêté n° 20204424 du 2 décembre 2020 et la décision du 29 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune d'Ajaccio de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la demande de maintien en activité présentée par Mme B... et de sa situation quant à son admission à faire valoir ses droits à la retraite.
Article 3 : La commune d'Ajaccio versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B..., de première instance comme d'appel, est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune d'Ajaccio.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
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N° 23MA02318
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