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15/10/2024 | FRANCE | N°23MA02351

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 23MA02351


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Madeleine de Montigny a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune

d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 139 906 euros en réparation de son préjudice économique résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun.



Par un jugement n° 2205374 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Ma

rseille a rejeté la demande de l'EURL La Madeleine de Montigny.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Madeleine de Montigny a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune

d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 139 906 euros en réparation de son préjudice économique résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun.

Par un jugement n° 2205374 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'EURL La Madeleine de Montigny.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 septembre 2023 et 7 juin 2024, l'EURL La Madeleine de Montigny, représentée par Me Boulan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205374 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 139 906 euros en réparation de son préjudice économique résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun, somme assortie des intérêts valant capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, outre les dépens, le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 000 euros, sur ce même fondement, au titre de la procédure de première instance.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence est engagée dès lors que les travaux menés devant la boutique ont eu de fortes répercussions sur son activité en raison de nuisances physiques et des difficultés d'accès qu'ils ont engendrées, entraînant une forte chute de fréquentation ;

- des indemnisations importantes ont été accordées à plusieurs commerces situés à proximité ;

- elle justifie d'un préjudice anormal et spécial caractérisé par la baisse de son chiffre d'affaires dès le commencement des travaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 avril et 26 juin 2024, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Morabito, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Un courrier du 29 avril 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613 1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 8 juillet 2024, présenté pour l'EURL La Madeleine de Montigny, par Me Boulan, n'a pas été communiqué.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la Cour a demandé, le 13 août 2024, au conseil de l'EURL La Madeleine de Montigny de produire les documents comptables faisant notamment apparaître le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation de la société pour les exercices clos à compter de l'année 2021.

En réponse, des pièces ont été produites, le 19 août 2024, par l'EURL La Madeleine de Montigny.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Boulan, représentant l'EURL La Madeleine de Montigny,

- et les observations de Me Morabito, représentant la commune d'Aix-en-Provence.

Une note en délibéré, présentée par Me Boulan, pour l'EURL La Madeleine de Montigny a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibérations des 18 novembre 2013 et 9 février 2015, le conseil municipal de la commune d'Aix-en-Provence a décidé la réalisation d'un programme d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun. Estimant que ces travaux, qui ont débuté le 29 août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020, avaient préjudicié au bon exercice de son activité commerciale, l'EURL La Madeleine de Montigny qui exploite une boulangerie située 3 rue Lucas de Montigny, a saisi la commune d'Aix-en-Provence d'une première demande tendant à l'indemnisation de son préjudice économique, laquelle a été rejetée par courrier du 24 septembre 2019. L'EURL La Madeleine de Montigny a saisi la commune d'une seconde demande indemnitaire par courrier du 22 février 2022, reçu le 28 février 2022 en mairie, pour la période de septembre 2016 à juin 2019. En l'absence de réponse, l'EURL la Madeleine de Montigny a saisi le tribunal administratif de Marseille lequel, par un jugement du 7 juillet 2023, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à l'indemniser de ses préjudices. Par la présente requête, l'EURL la Madeleine de Montigny demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. D'une part, il résulte de l'instruction que la commune d'Aix-en-Provence a engagé des travaux d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun qui ont débuté à la fin du mois d'août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020.

Cette opération d'aménagement a également porté sur des rues voisines de ces places, et notamment sur la rue Lucas de Montigny dans laquelle est installé l'établissement au sein duquel l'EURL la Madeleine de Montigny exploite une boulangerie. De tels travaux de voirie ont constitué une opération de travaux publics à l'égard de laquelle la société avait la qualité de tiers.

4. D'autre part, pour justifier l'existence d'un préjudice grave et spécial imputable aux travaux en litige, l'EURL la Madeleine de Montigny soutient que son chiffre d'affaires de l'exercice 2017 a connu une baisse de 28,2 % par rapport à la moyenne des exercices 2013 à 2015, que celui de l'exercice 2018 a connu une diminution de 40,8 % par rapport à la période de référence 2013 - 2015, et que celui de 2019 a chuté de 42,7 % toujours par rapport à cette même période de référence. Toutefois, il résulte des soldes intermédiaires de gestion que le chiffre d'affaires de la boulangerie était constamment en baisse depuis l'année 2013,

c'est-à-dire avant même le commencement des travaux, et que celui-ci est resté très inférieur au chiffre d'affaires de la période de référence au titre des exercices clos à compter de 2021. En outre, les procès-verbaux de constat d'huissier qu'elle produit dans l'instance, qui ont été dressés à l'initiative d'autres commerçants qui ne sont pas installés dans la rue Lucas de Montigny, n'établissent pas l'existence d'une gêne significative à laquelle l'exploitation aurait été exposée, et notamment pas l'existence de nuisances sonores et physiques sur une durée excessivement longue, ni même des épisodes d'invasions par des animaux nuisibles tels que des rats ou des souris. Une telle gêne n'est pas davantage établie par le seul constat dressé le 7 mai 2018 à l'initiative d'une association de défense des intérêts économiques du quartier, lequel, contrairement à ce qui est soutenu, se borne à indiquer que les commerçants de la rue Montigny ont dû souffrir des problèmes de circulation ainsi que du déplacement des marchés sur la place des prêcheurs. Au demeurant, les photographies annexées à ce procès-verbal établissent clairement que l'accès à la boulangerie n'était pas empêché lorsqu'elles ont été prises, l'établissement étant au demeurant resté ouvert pendant la quasi-totalité des travaux. Ce seul constat n'établit pas davantage la perte massive de clientèle alléguée du fait de la modification des conditions de circulation automobile, de la fermeture de la rue à la circulation automobile en février et mars 2017 et du 31 janvier au 11 février 2019, ou encore du fait de la suppression des nombreux marchés sur les trois places objets des travaux en litige, et ce alors même que, sur ce point précis, il résulte de l'article de la revue

d'Aix-en-Provence " Le Mag " de juin 2016 produit au dossier que ces marchés ont pour l'essentiel été déplacés à proximité immédiate, autour de la rotonde située à l'Ouest du Cours Mirabeau et le long de cette même avenue, dans un secteur qui reste proche de la rue Lucas de Montigny. Enfin, la société appelante n'apporte aucun élément permettant de démontrer que pendant la durée des travaux, qui n'est au demeurant pas indiquée avec précision pour ce qui concerne la seule rue Lucas de Montigny, les voies d'accès à son établissement auraient été poussiéreuses, boueuses, jonchées d'obstacles, et rendues dangereuses par le déplacement incessant des engins de chantier. Dans ces conditions, en dépit de l'accélération de la baisse de son chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2017, celle-ci n'établit ni que l'accès à son commerce aurait été rendu excessivement difficile, ni que la durée des travaux était excessive et que la gêne qu'elle a pu subir aurait excédé les sujétions normales qui peuvent être normalement imposées aux riverains de la voirie publique dans un but d'intérêt général.

5. Enfin, la circonstance que des indemnisations importantes ont été accordées à plusieurs commerces situés à proximité par la commune d'Aix-en-Provence ne saurait, par elle-même, suffire à établir l'existence d'un préjudice indemnisable au bénéfice de l'appelante.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL La Madeleine de Montigny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à l'indemniser de ses préjudices. Par suite, sa requête d'appel tendant à l'annulation de ce jugement doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune

d'Aix-en-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL La Madeleine de Montigny est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL La Madeleine de Montigny et à la commune d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 15 octobre 2024.

N° 23MA02351 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02351
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP GOBERT & ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23ma02351 ?
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