Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Technic Construction Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume à lui payer la somme de 152 358,67 euros toutes taxes comprises au titre du solde du lot n° 1 relatif au gros œuvre d'un marché public de travaux portant sur la création de trois logements communaux, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2019.
Par un jugement n° 2102619 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulon a fait partiellement droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 avril 2023, 7 et 14 février 2024, la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume, représentée par Me Besson, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Technic Construction Méditerranée ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 16 février 2023 en ce qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie, de condamner la société Plo architectes et urbanistes à la relever et garantir de toutes les sommes qui seraient mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de la société Technic Construction Méditerranée la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal aurait dû admettre la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de ce que la société Technic Construction Méditerranée n'avait pas transmis de mémoire en réclamation ;
- le projet de décompte final a été transmis de manière précoce, avant le procès-verbal constatant l'exécution des travaux ;
- un décompte général et définitif né le 6 décembre 2019 fixant le solde du marché dû était ainsi de 437,09 euros hors taxes ;
- elle est fondée à appeler en garantie la société Plo architectes et urbanistes qui n'a pas rectifié le projet de décompte et n'a pas transmis au maître d'ouvrage le projet de décompte général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, la société Technic Construction Méditerranée, représentée par Me de Cazalet, conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2023 et 2 février 2024, la société Plo architectes et urbanistes, représentée par Me Sagnes, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2023 ;
2°) de rejeter la demande de la société Technic Construction Méditerranée ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume ;
4°) de mettre à la charge de la société Technic Construction Méditerranée la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet de décompte final a été transmis de manière précoce, avant le procès-verbal constatant l'exécution des travaux ;
- la demande de première instance est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un mémoire en réclamation ;
- elle n'a commis aucune faute en n'instruisant pas le projet de décompte final transmis par l'entreprise le 14 août 2019 ;
- à titre subsidiaire, les préjudices invoqués par la société Technic Construction Méditerranée ne sont pas justifiés.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été en dernier lieu fixée au 25 mars 2024.
Les parties ont été informées, le 9 septembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Plo architectes et urbanistes tendant à l'annulation du jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulon faute pour elle de justifier d'un intérêt pour agir.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites pour la société Plo architectes et urbanistes le 17 septembre 2024 et communiquées le 19 septembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des postes et des communications électroniques ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Besson, pour la commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume a attribué le 6 septembre 2017 à la société Technic Construction Méditerranée le lot n° 1 relatif au gros œuvre d'un marché public de travaux portant sur la création de trois logements communaux. La maîtrise d'œuvre a été confiée à la société Plo architectes et urbanistes. Par une décision du 13 mai 2019, la commune a prononcé la réception des travaux. La société Technic Construction Méditerranée a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant au paiement d'une somme de 152 358,67 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché. Par le jugement du 16 février 2023, le tribunal administratif a condamné la commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume à payer à la société Technic Construction Méditerranée une somme de 152 321,08 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché en litige, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019. La commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'existence d'un décompte général et définitif :
2. En premier lieu, aux termes du cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) aux marchés publics de travaux, dans son édition de 2009 modifiée en 2014 : " 13.3.1 Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. (...) / 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus. (...) ".
3. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 41.5 du même CCAG : " 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41. 2. ". D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 41.6 du même document : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44. 1. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. (...). ".
4. Lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatif à la réception avec réserves des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux, et non la date de levée des réserves comme pour la réception sous réserves prévues par l'article 41.5 de ce cahier des clauses administratives générales, constitue le point de départ des délais d'établissement du décompte final, quelle que soit l'importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur.
5. Il résulte de la combinaison des stipulations du cahier des clauses administratives générales mentionnées aux points 2 et 3 que, lorsque le maître de l'ouvrage ne notifie au titulaire aucune décision expresse de réception ou de refus de réception dans les trente jours suivant la date du procès-verbal des opérations préalables à la réception, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. Dans ce cas, le point de départ du délai de trente jours pendant lequel le titulaire doit, en application de l'article 13.3.2 du cahier des clauses administratives générales, transmettre son projet de décompte final, est alors déterminé au regard de la proposition du maître d'œuvre relative à la réception. Lorsque le maître d'œuvre propose de réceptionner l'ouvrage au moins en partie sous réserves, le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final court à compter du procès-verbal de levée de ces réserves, y compris, le cas échéant, pour les travaux qu'il propose de réceptionner sans réserves ou avec réserves.
6. Il résulte de l'instruction que les opérations préalables à la réception des travaux se sont déroulées le 12 avril 2019 en présence du maître d'œuvre, du maître d'ouvrage et du titulaire, et que, le 13 mai 2019, le maître d'œuvre a proposé à la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume de réceptionner l'ouvrage, avec effet du 29 janvier 2019, d'une part, sous réserve de l'exécution avant le 31 mai 2019 de travaux et prestations énumérés dans une annexe jointe, au nombre desquels figuraient un " caisson à réaliser pour encoffrer le coude d'évacuation d'EV " ainsi que la " reprise de la descente d'EP rue Marceau et Ajout d'une caisse à eau pour dévoiement propre de la descente et l'adapter au mur bombé " et d'autre part, avec des réserves portant sur des imperfections et malfaçons indiquées dans la même annexe. Il résulte également de l'instruction que la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume n'a notifié aucune décision de réception à la société Technic Construction Méditerranée dans le délai de trente jours qui lui était imparti fixé par les stipulations de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales.
7. Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 5, la proposition du maître d'œuvre de réceptionner l'ouvrage sous réserves, qui s'est imposée à la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et à la société Technic Construction Méditerranée, a eu pour effet de reporter le déclenchement du délai ouvert à cette dernière pour transmettre son projet de décompte final au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre à la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux, objets de ces réserves. Il résulte de l'instruction qu'aucun procès-verbal constatant l'exécution de ces travaux n'avait été établi avant que la société Technic Construction Méditerranée transmette son projet de décompte final à la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et au maître d'œuvre par correspondance du 12 août 2019. Par suite, cette transmission était prématurée et n'a pu faire courir le délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales, ni donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l'article 13.4.4 de ce cahier.
8. En second lieu, l'article 13.4. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatif au décompte général - solde, dans sa rédaction applicable au marché en litige, prévoit : " 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général. / (...) / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au pouvoir adjudicateur constitue le départ du délai de paiement. / Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. / (...) / 13.4.5. Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de trente jours fixé à l'article 13.4.3, ou encore dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, le décompte général notifié par le représentant du pouvoir adjudicateur est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché. ".
9. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 6 novembre 2019, la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume a notifié à la société Technic Construction Méditerranée un projet de décompte général fixant le solde du marché à 486,92 euros toutes taxes comprises en faveur de la société Technic Construction Méditerranée. En l'absence de réclamation de cette dernière, elle est réputée avoir accepté le décompte ainsi transmis par la commune. En application des stipulations précitées de l'article 13.4.5, ce décompte doit être regardé comme le décompte général et définitif, intervenu le 6 décembre 2019.
En ce qui concerne le solde du marché :
10. Il résulte de tout ce qui précède et de l'ensemble des éléments non contestés mentionnés dans le décompte général transmis par le maître d'ouvrage à la société Technic Construction Méditerranée que le solde du marché s'établit à 486,92 euros toutes taxes comprises en faveur du titulaire du marché. Il n'est par ailleurs pas contesté que la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume a réglé ce solde au titulaire du marché.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ayant trait à la régularité du jugement attaqué, la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la société Technic Construction Méditerranée la somme de 152 321,08 euros toutes taxes comprises.
Sur l'appel en garantie de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume :
12. La commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume demande à être garantie par le maître d'œuvre dans le cas où elle serait condamnée à verser à la société Technic Construction Méditerranée la somme résultant du projet de décompte final présenté par cette dernière et fixant le solde du marché en faveur du titulaire du marché à hauteur de 152 321,08 euros toutes taxes comprises. En l'absence de condamnation de la commune à verser une somme quelconque, il n'y a pas lieu de faire droit à cet appel en garantie.
Sur les conclusions de la société Plo architectes et urbanistes :
13. Faute pour elle de justifier d'un intérêt pour agir, la société Plo architectes et urbanistes n'est pas recevable à solliciter l'annulation du jugement en litige. Dans ces conditions, ses conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Technic Construction Méditerranée dirigées contre la commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Technic Construction Méditerranée une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Maximim-la-Sainte-Baume en application de ces dispositions. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Plo architectes et urbanistes, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 février 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de la société Technic Construction Méditerranée est rejetée.
Article 3 : La société Technic Construction Méditerranée versera à la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Maximin-La-Sainte-Baume, à la société Technic Construction Méditerranée et à la société Plo architectes et urbanistes.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2024.
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N° 23MA00920