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10/10/2024 | FRANCE | N°24MA01716

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 24MA01716


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination.



Par un jugement n° 2400248 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.







Procédure devant la cour


r> Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Lelievre, demande à la cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2400248 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Lelievre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2024 du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a répondu de manière insuffisamment motivée au moyen, soulevé contre la décision de retrait de titre de séjour, tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision de retrait de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que c'est sa situation médicale qui ne lui permet pas de satisfaire aux conditions prévues pour l'octroi d'un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier ;

- l'obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision désignant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiqué au préfet de la Haute-Corse, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- et les observations de Me Lelièvre, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 30 juin 1978, est entré en France le 31 mars 2021. Il a obtenu une carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier valable du 31 mars 2021 au 31 mars 2024. Par un arrêté du 15 février 2024, le préfet de la Haute-Corse lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment motivée, au moyen, soulevé devant eux à l'encontre de la décision de retrait de titre de séjour, tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... au point 3 de leur décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de retrait de titre de séjour :

3. En premier lieu, la seule circonstance que la décision contestée, intervenue après audition de l'intéressé le 30 janvier 2024 et mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne mentionne pas que M. A... a été placé en arrêt maladie à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 27 décembre 2022, ne suffit pas à caractériser un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. " Aux termes de l'article L. 432-5 du même code : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. / N'est pas regardé comme ayant cessé de remplir la condition d'activité prévue aux articles L. 421-1, L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-21 l'étranger involontairement privé d'emploi au sens de ces mêmes articles. "

5. Il résulte de ces dispositions que le préfet peut, après avoir mis l'intéressé à même de présenter ses observations, retirer, par une décision motivée, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance.

6. Pour retirer la carte de séjour pluriannuelle dont M. A... était titulaire, le préfet de la Haute-Corse s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait ni d'un contrat de travail à durée déterminée en cours, ni avoir maintenu sa résidence habituelle hors de France. Ces conditions, dont M. A... reconnait qu'il ne les remplit pas, étant exigées pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier, le préfet de la Haute-Corse pouvait légalement, en application de l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retirer la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire. Si l'intéressé, qui n'a pas sollicité un changement de statut, fait valoir qu'il n'a pas pu travailler depuis l'accident du travail dont il a victime le 27 décembre 2022, ayant été placé en arrêt maladie à compter du 28 décembre 2022 jusqu'au 6 avril 2024 et qu'il a dû prolonger son séjour en France au-delà de la durée de six mois par an en raison des soins qui lui sont prodigués sur le territoire national, de telles circonstances, alors qu'il n'est aucunement établi qu'il était dans l'impossibilité de se déplacer, ne font pas obstacle, au regard des dispositions énoncées au point 5, au retrait de la carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier. Dans ces conditions, et alors même que le préfet n'était pas tenu de procéder à ce retrait, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

8. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

9. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu par les services de police le 30 janvier 2024, après son interpellation et son placement en retenue administrative et qu'au cours de cette audition, il lui a été demandé s'il avait des observations à formuler sur la perspective d'une décision d'éloignement. M. A... n'a formulé aucune observation orale à cette occasion. Il ressort également des pièces du dossier qu'au cours de la retenue administrative lui a été notifié un courrier daté du 30 janvier 2024 l'informant de ce que le préfet de la Haute-Corse envisageait de procéder au retrait de son titre de séjour et l'invitant à présenter des observations sous quinze jours. M. A... n'a présenté aucune observation écrite en réponse à ce courrier. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant été mis à même de présenter des observations, tant écrites qu'orales, sur la perspective de son éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, M. A... n'exerce plus d'activité professionnelle en France. Il n'établit pas que son état de santé nécessite son maintien sur le territoire national où il ne dispose d'aucune attache personnelle ou familiale, son épouse et ses trois enfants résidant au Maroc. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de destination.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

D É C I D E:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président de chambre,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.

2

N° 24MA01716

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01716
Date de la décision : 10/10/2024

Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : LELIEVRE-CASTELLORIZIOS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-10;24ma01716 ?
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