Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le maire de la commune d'Aix-en-Provence a refusé de leur délivrer une autorisation de transformer un garage en habitation, de construire une pergola et une terrasse avec piscine et de démolir une annexe sur un terrain cadastré EZ n° 0017 sis 45 avenue Léopold Catroux à Luynes.
Par un jugement n° 2002126 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Andreani, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 mars 2023 ;
2°) de rejeter la requête de de M. A... C... et de Mme D... B... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... et de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'elle n'a pas eu communication du procès-verbal d'infraction établi le 6 juin 2018 produit par les pétitionnaires à la demande du tribunal, en méconnaissance du principe du contradictoire fixé par l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- le procès-verbal de notification qu'elle produit en cause d'appel mentionne une remise de l'arrêté du 7 janvier 2020 portant refus de permis de construire à M. C... à la date du 7 janvier 2020 à 12h30 et, par suite, aucun permis tacite n'a pu naître au bénéfice des pétitionnaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2024, M. A... C... et Mme D... B..., représentés par Me Susini, concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Tosi, représentant la commune d'Aix-en-Provence, et celles de Me Stuart, substituant Me Susini, représentant M. C... et à Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 mai 2016, le maire de la commune d'Aix-en-Provence a délivré à M. C... et à Mme B... un permis de construire une maison R+1 avec garage d'une surface de plancher de 99 m² sur un terrain cadastré EZ n° 0017 sis 45 avenue Léopold Catroux dans le quartier de Luynes. Le 6 juin 2018, un agent assermenté de la direction de l'urbanisme de la commune a dressé un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme consistant en l'édification de plusieurs constructions sur ce terrain sans autorisation d'urbanisme préalable, et en méconnaissance de plusieurs dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. M. C... et Mme B... ont déposé une demande de permis de construire tendant à la régularisation de ces constructions. Cette demande a fait l'objet d'un refus par un arrêté du maire de la commune du 7 janvier 2020. La commune d'Aix-en-Provence relève appel du jugement du 20 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint à son maire de délivrer le permis de construire sollicité.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) " Il appartient au juge administratif, agissant en vertu des pouvoirs d'instruction qui lui sont conférés en la matière par le code de justice administrative, d'assurer la communication des mémoires et autres pièces de la procédure dans le respect du principe du contradictoire.
3. Si la commune d'Aix-en-Provence soutient que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure contentieuse rappelé par les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative au motif que le procès-verbal d'infraction du 6 juin 2018, produit à leur demande par M. C... et à Mme B..., ne lui a pas été communiqué, elle en avait nécessairement connaissance dès lors que ce procès-verbal a été établi par ses propres services et, au demeurant, sa communication pour compléter l'instruction a été demandée aux deux parties. Cette absence de communication n'a donc pu préjudicier aux droits de la commune. En tout état de cause, il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges se sont fondés sur ce document pour prendre leur décision. Ce moyen tiré de l'irrégularité du jugement de première instance ne peut, par suite, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la nature de la décision contestée :
4. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État. (...) " L'article L. 424-2 de ce code dispose que : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " Aux termes de l'article R. 423-22 : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur (...) la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". L'article R. 423-23 dispose : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle (...) ou ses annexes (...) " Aux termes de l'article R. 424-10 dans sa rédaction alors applicable : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal (...). " Si ces dernières dispositions prévoient que la décision par laquelle le maire s'oppose à un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable doit être notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, une telle disposition ne rend pas irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes.
5. Il n'est pas contesté que la demande de permis de construire de M. C... et Mme B... a été déposée le 7 novembre 2019. Dès lors qu'elle portait sur la maison individuelle avec garage objet du permis de construire accordé le 4 mai 2016 et ses annexes et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est pas même allégué, que le dossier aurait été incomplet, le délai d'instruction de cette demande était de deux mois en application de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme et expirait le 7 janvier 2020. Les intimés ont produit en première instance, ainsi que cela ressort du jugement attaqué, un procès-verbal de notification de l'arrêté litigieux par un agent assermenté de la commune qui ne comportait ni la date, ni l'heure de cette notification en soutenant qu'un permis tacite était né à cette date, sans que la commune n'en conteste l'authenticité ou le contenu. En cause d'appel, cette dernière produit pour la première fois un exemplaire de ce procès-verbal, mentionnant une date de remise au 7 janvier 2020 à 12h30. Cependant, si ce procès-verbal établi par un agent assermenté fait foi jusqu'à preuve du contraire, la commune n'apporte aucune explication quant à l'absence de ces mentions sur l'exemplaire produit par les pétitionnaires en première instance. Dans ces circonstances, le procédé de notification adopté par l'administration ne peut être regardé comme présentant des garanties équivalentes à une lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. Il en résulte qu'un permis de construire tacite est né le 7 janvier 2020 et que l'arrêté litigieux s'analyse comme un retrait de ce permis de construire tacite.
En ce qui concerne la légalité de la décision contestée :
6. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) " Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Selon l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent (...) une décision créatrice de droits (...) ". La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire de cette autorisation d'urbanisme d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du même code constitue une garantie pour le titulaire d'une décision de non-opposition à déclaration préalable que cette autorité entend retirer. La décision de retrait est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le bénéficiaire a été effectivement privé de cette garantie.
7. Il est constant que M. C... et à Mme B... n'ont pas été informés de la mesure de retrait envisagée, et n'ont pas été mis en mesure de présenter leurs observations préalablement à l'intervention de cette décision retirant le permis de construire tacite né le 7 janvier 2020. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est fait état en défense d'aucune situation d'urgence, cette décision de retrait a été prise au terme d'une procédure irrégulière. Il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que ceux-ci ont été effectivement privés de la garantie évoquée au point précédent.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Aix-en-Provence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de son maire du 7 janvier 2020 refusant de délivrer un permis de construire à M. C... et à Mme B....
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... et à Mme B..., qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la commune d'Aix-en-Provence, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par M. C... et à Mme B....
D É C I D E
Article 1er : La requête de la commune d'Aix-en-Provence est rejetée.
Article 2 : La commune d'Aix-en-Provence versera à M. C... et à Mme B... pris ensemble une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Provence et à M. A... C... et Mme D... B....
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.
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N° 23MA01086
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