Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n°2302137 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Gillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet ne se prononce pas sur les quatre critères énumérés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 29 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 mars 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêt attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de l'arrêté contesté, que M. B... a bénéficié de neuf titres de séjour entre 2010 et 2022. L'expiration de son dernier titre de séjour, survenue le 7 octobre 2022, a donné lieu à une demande de renouvellement qui a été rejetée par l'arrêté attaqué. Toutefois, M. B... ne justifie pas, ainsi qu'il l'allègue et en dépit de deux mesures d'instruction adressées en ce sens, sa présence régulière depuis plus de dix ans sur le territoire français au sens du 3° de l'article L. 611-3 précité. Il se borne à cet égard à produire trois titres de séjour valables du 30 octobre 2014 au 29 octobre 2015, du 11 décembre 2017 au 10 décembre 2019 et du 8 octobre 2020 au 7 octobre 2022, et trois récépissés de demandes de titres de séjour datés du 17 octobre 2015, du 27 septembre 2017 et du 20 septembre 2022. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné pénalement à plusieurs reprises à des peines d'emprisonnement d'une durée totale de 31 mois, et que la durée effective de ses périodes de détention, lesquelles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, a été, au vu des pièces produites, d'au moins 21 mois. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait, par l'arrêté attaqué, méconnu les dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Si M. B... se prévaut d'être arrivé en France en 2009 en qualité de mineur isolé suite au décès de ses parents et a bénéficié de plusieurs titres de séjour entre 2010 et 2022, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de multiples condamnations pénales entre 2014 et 2021, notamment pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion, de trafic de stupéfiants, de vol facilité par l'état d'une personne vulnérable et de violence sur autrui n'ayant pas entraîné d'incapacité. Il a fait l'objet de peines d'emprisonnement d'une durée totale de 31 mois. L'arrêté contesté mentionne ainsi que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, constitue une menace à l'ordre public eu égard à la gravité et à la répétition des faits relevés à son encontre depuis 2014. La circonstance qu'il ait suivi son cursus scolaire en France et qu'il travaille à durée indéterminée en qualité de cuisinier depuis le mois d'octobre 2022 ne saurait, eu égard aux éléments qui précèdent, suffire à justifier une insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les décisions portant fixation du pays de destination et refus d'un délai de départ volontaire :
6. M. B... se borne à reprendre en appel ses moyens déjà invoqués dans les mêmes termes en première instance, tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et de celle refusant d'octroyer un délai de départ volontaire, auxquels le tribunal administratif a pertinemment et suffisamment répondu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 10 et 11 du jugement attaqué.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
8. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
9. En l'espèce, l'arrêté contesté, qui vise les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. B... représente une menace pour l'ordre public au vu de l'ensemble des condamnations pénales dont il a fait l'objet, qu'il allègue être entré sur le territoire français le 1er octobre 2009 et ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle notable depuis cette date, et qu'il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés en France, l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille et disposant d'attaches dans son pays d'origine. Enfin, M. B..., n'ayant pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle il se serait soustrait, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui précise au demeurant qu'il a bénéficié de neuf titres de séjour entre 2010 et 2022, n'était pas tenu, en l'espèce, de faire mention expresse de l'examen de cette circonstance. Il suit de là que la motivation de la décision atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées. Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit de cette décision doivent être écartés.
10. Il ressort de ce qui a été dit au point 5 que M. B..., s'il se prévaut résider en France depuis 2009 et être arrivé en qualité de mineur isolé, a fait l'objet de dix condamnations pénales entre 2014 et 2021, et a manifesté à plusieurs reprises un comportement contraire à l'ordre public, eu égard à la gravité croissante des faits et à leur répétition. L'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie ni être dépourvu d'attaches personnelles ou familiales en Algérie, ni qu'il existerait des circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour sur le territoire de M. B..., qui ne justifie par ailleurs que d'une insertion professionnelle très récente au vu du contrat à durée indéterminée produit, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
N° 23MA02494 2