Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Antibes a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la société d'assurance à forme mutuelle SMABTP, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° 775 684 764, à lui verser une indemnité de 270 252 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réparation du parquet de la salle omnisports de la commune, ainsi qu'une indemnité de 30 961,53 euros en réparation du préjudice subi.
Par une ordonnance n° 1901271 du 17 mai 2024, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a donné acte du désistement de la commune d'Antibes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2024, et deux mémoires enregistrés le 2 septembre 2024 et le 9 septembre 2024, la société SMABTP, représentée par Me Zanotti, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de donner acte à la commune d'Antibes de son désistement ;
3°) de juger qu'elle est subrogée dans les droits et actions de la commune d'Antibes ;
4°) de condamner in solidum la société de droit allemand Auer + Weber + Assoziierte GmBH (" Auer-Weber "), enregistrée au registre national des entreprises sous le n° 513 583 849, la société par actions simplifiée Panorama Architecture (" Panorama "), venant aux droits et obligations de la société Fradin Weck Architecture et inscrite comme cette dernière au registre national des entreprises sous le n° 435 160 791, la société par actions simplifiée à associé unique Apave Infrastructures et Construction France (" Apave "), inscrite comme cette dernière au registre national des entreprises sous le n° 903 869 071, venant aux droits et obligations de la société Apave Sudeurope, immatriculée sous le n° 518 720 925, la société à responsabilité limitée Technosol, inscrite au registre national des entreprises sous le n° 444 365 837, la société par actions simplifiée Europ'Elec, inscrite au registre national des entreprises sous le n° 384 342 432, la société par actions simplifiée Tarkett France (" Tarkett "), inscrite au registre national des entreprises sous le n° 410 081 640, et la société par actions simplifiée Vert Marine, inscrite au registre national des entreprises sous le n° 384 425 476, à lui rembourser la somme totale de 296 798,93 euros toutes taxes comprises ;
5°) subsidiairement, de condamner in solidum les sociétés Auer-Weber, Panorama et Apave à lui payer 30 % de cette somme, de condamner in solidum les sociétés Technosol et Europ'Elec à lui payer 40 % de cette somme, de condamner la société Tarkett à lui payer 20 % de cette somme, et, enfin, de condamner la société Vert Marine à lui verser 10 % de cette somme, ces différentes condamnations étant assorties des intérêts à compter du 1er mars 2024 ;
6°) plus subsidiairement, d'annuler l'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;
7°) en tout état de cause, de condamner tous succombants à lui verser 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à supporter la charge des dépens.
Elle soutient que :
- le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu ;
- contrairement à ce que mentionne l'ordonnance, le protocole d'accord transactionnel n'a pas été conclu avec l'ensemble des parties à l'instance ;
- ses appels en garantie sont recevables ;
- la juridiction administrative est compétente pour connaître d'une action quasi-délictuelle contre la société Tarkett ;
- elle est compétente pour connaître de son action subrogatoire contre les constructeurs ;
- ses conclusions ne sont pas nouvelles en appel ;
- ses recours contre les constructeurs sont fondés.
Par un mémoire, enregistré le 2 août 2024, la société par actions simplifiée Apave Infrastructures et Construction, représentée par Me Martineu, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel ;
2°) subsidiairement, si elle devait être condamnée avec les autres constructeurs, de condamner in solidum la société Auer-Weber, Panorama Architecture, Technosol, Europ'Elec, Vert Marine et Tarkett à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son égard ;
3°) plus subsidiairement, de les condamner à la garantir de toute condamnation pour tout le quantum excédant la part de responsabilité mise à sa charge ;
4°) de rejeter tout appel en garantie présenté à son encontre ;
5°) de rejeter la demande de la société SMABTP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de mettre à la charge de la société SMABTP les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que les désordres lui sont imputables compte tenu de ses missions ;
- sa responsabilité quasi-délictuelle n'est pas établie ;
- subsidiairement, les demandes de la commune d'Antibes sont injustifiées ;
- elle doit être garantie de toute condamnation par les autres constructeurs.
Par un mémoire, enregistré le 16 août 2024, la société Panorama Architecture et la société Auer-Weber, toutes deux représentées par Me Dersy, demandent à la Cour :
1°) de rejeter l'appel de la société SMABTP comme irrecevable ;
2°) subsidiairement, de rejeter ses demandes comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
3°) plus subsidiairement, de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Apave Infrastructures et Construction, Technosol, Partouche, Dumez, Europ'Elec, Tarkett, Boz-Speckman, Vert Marine et VM 06160 à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;
4°) plus subsidiairement, de laisser la SMABTP assumer seule le coût de tous les préjudices ;
5°) de mettre à la charge de tout succombant les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions de la SMABTP sont nouvelles en appel ;
- les désordres en cause ne leur sont pas imputables ;
- subsidiairement, elles doivent être garanties par les autres constructeurs ;
- la SMABTP est à l'origine de son propre préjudice.
Par deux mémoires, enregistrés le 19 août 2024 et le 6 septembre 2024, la société Tarkett France, représentée par Me Guillaume, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel ;
2°) de rejeter les demandes présentées à son encontre comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
3°) de la mettre hors de cause ;
4°) subsidiairement, de limiter le montant de sa responsabilité à 10 % et de laisser à la charge de la SMABTP les sommes toutes taxes comprises de 12 809,13 euros, 61 770 euros et 7 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de tout succombant, et notamment la société SMABTP, les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens présentés à l'appui de l'appel de la SMABTP sont infondés ;
- la SMABTP est à l'origine de son propre préjudice ;
- sa demande présentée à son encontre est nouvelle en appel ;
- subsidiairement, les demandes présentées à son encontre ne relèvent pas de la juridiction administrative, et sont injustifiées.
Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2024, la société Vert Marine, représentée par la SELARL Pierre-Xavier Boyer, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel ;
2°) subsidiairement, de donner acte du désistement de la commune d'Antibes et de rejeter les conclusions présentées par la société SMABTP ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens présentés à l'appui de l'appel sont infondés ;
- subsidiairement, les demandes présentées à son encontre ne sont pas motivées ;
- ces demandes ont été présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
- ces demandes sont infondées.
Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2024, la commune d'Antibes, représentée par Me Zanotti, demande à la Cour :
1°) de lui donner acte de son désistement ;
2°) de prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à la Cour sur les recours de la SMABTP à l'encontre des constructeurs ;
3°) de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.
Elle soutient que son désistement d'instance n'était dirigé que contre les constructeurs, et qu'elle s'en rapporte à la Cour en ce qui concerne les recours subrogatoires de la société SMABTP.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Vincent pour la société SMABTP et Me Guillaume pour la société Tarkett France.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat conclu le 11 avril 2012, la commune d'Antibes (Alpes-Maritimes) a confié à la société Technosol le lot n° 15, relatif à la fourniture et à la pose des parquets et sols sportifs, d'un marché public ayant pour objet la construction d'une salle omnisports, dite " Azur Arena ", sous maîtrise d'œuvre d'un groupement constitué des sociétés Auer-Weber, Fradin Weck Architecture, TSS, SLH Sud-Est, et Acoustique Conseil Vivelab, et sous contrôle technique de la société Apave Sudeurope. Après la réception des travaux, intervenue le 12 juillet 2013, et la levée des réserves intervenue le 27 septembre 2016, la commune d'Antibes a, le 27 janvier 2017, procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur dommages-ouvrage, la société SMABTP. Par courrier du 21 mars 2017, la société SMABTP a refusé sa garantie à la commune, au motif que le désordre était apparu pendant le délai de la garantie de parfait achèvement, sans que la commune eût au préalable mis en demeure la société Technosol de reprendre les travaux, que le dommage affectait un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage, et soumis à la garantie de bon fonctionnement de deux ans, échue à la date de la déclaration de sinistre, que le désordre n'affectait pas la solidité de l'ouvrage et n'était pas de nature à le rendre impropre à sa destination, et qu'il pouvait trouver son origine dans un mauvais entretien. Par une ordonnance du 28 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, saisi par la commune d'Antibes, a désigné M. A... en qualité d'expert judiciaire. Sans attendre l'issue de l'expertise, la commune d'Antibes a, le 21 mars 2019, saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la société SMABTP, en sa qualité d'assureur, à lui payer deux sommes de 215 148 euros et de 142 170,42 euros au titre, d'une part, des travaux de reprise et, d'autre part, des autres préjudices subis. Après le dépôt du rapport d'expertise, intervenu le 26 août 2022, la société SMABTP a appelé en garantie les sociétés Auer-Weber, Fradin Weck Architecture, Apave Sudeurope, Technosol, ainsi que la société Tarkett, fournisseur de la société Technosol, la société Europ'Elec, en charge du lot électricité, et la société Vert Marine, en charge de l'exploitation, de la maintenance et de l'entretien de la salle Omnisports. Par un protocole d'accord non daté, conclu au début de l'année 2024, la commune d'Antibes et la société SMABTP ont conclu une transaction, la société SMABTP s'engageant à verser à la commune une somme totale de 228 028,93 euros toutes taxes comprises, dont 215 148 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise et 12 880,93 euros toutes taxes comprises au titre de travaux conservatoires réalisés en cours d'expertise, en contrepartie du désistement de la commune d'Antibes. La commune d'Antibes s'est désistée de sa requête par un mémoire en date du 3 avril 2024, qui a été communiqué à l'ensemble des parties le 5 avril 2024. Par l'ordonnance attaquée, dont la société SMABTP relève appel, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a donné acte à la commune de ce désistement.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements (...) / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens (...) ".
3. Le mémoire du 3 avril 2024 par lequel la commune d'Antibes a déclaré se désister de sa demande dirigée contre la société SMABTP a été communiqué le 5 avril 2024 à l'ensemble des parties à l'instance, y compris la société SMABTP, et le courrier d'accompagnement précisait que " dans le cas où ce mémoire appellerait des observations de [leur] part, elles devront être produites (...) dans les meilleurs délais ". Cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction. La société SMABTP devait s'attendre, dès la communication de ce mémoire de désistement, qui n'avait pas à spécifier de délai précis, à ce que le tribunal administratif donnât acte à la commune de son désistement. L'ordonnance par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif a donné acte de ce désistement n'est intervenue que le 17 mai 2024, ce qui a laissé à la SMABTP un délai de quarante-deux jours pour produire ses observations. La SMABTP n'est pas fondée à soutenir qu'un délai raisonnable ne lui a pas été laissé pour présenter ses observations, ni que le caractère contradictoire de l'instruction aurait été méconnu.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
4. La circonstance que l'auteur de l'ordonnance attaquée ait mentionné, à tort, que le protocole d'accord transactionnel avait été conclu " avec l'ensemble des parties ", alors qu'il n'avait été conclu qu'avec l'assureur de la commune, est sans influence sur le bien-fondé de l'ordonnance, ou sur sa régularité, dès lors que, dans un cas comme dans l'autre, rien ne s'opposait à ce que le tribunal administratif donnât acte à la commune du désistement de son action, laquelle était exclusivement dirigée contre la société SMABTP.
5. Par ailleurs, la société SMABTP n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif devait faire droit à ses appels en garantie présentés à l'encontre des constructeurs. En effet, les conclusions à fin d'appel en garantie présentées en première instance par la société SMABTP constituent une action quasi-délictuelle exercée en son nom propre, et sur laquelle le tribunal administratif n'avait à statuer que dans l'hypothèse d'une condamnation de l'assureur. Dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, l'assureur verse spontanément à son assuré l'indemnité d'assurance qu'il lui doit, il se retrouve subrogé dans les droits de ce dernier par application de l'article L. 121-12 du code des assurances, et ne peut plus exercer contre les constructeurs responsables du dommage d'autre action que celle que son assuré aurait lui-même pu exercer à leur encontre.
6. Enfin, si la société SMABTP invoque, en appel, sa qualité de subrogataire de la commune d'Antibes, les demandes présentées à l'encontre des constructeurs en cette qualité sont, comme le soutiennent les sociétés Panorama Architecture, Auer-Weber et Tarkett, nouvelles en appel, ni la commune ni la société SMABTP n'ayant, en première instance, présenté d'action à l'encontre des constructeurs sur un fondement contractuel ou décennal.
7. Il appartient dès lors à la société SMABTP, si elle s'y croit fondée, d'engager, en sa qualité de subrogataire de la commune, une action de nature contractuelle ou décennale à l'encontre des constructeurs qu'elle estime responsables des désordres.
Sur les frais liés au litige :
8. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée à la charge des intimées, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par ces dernières.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société SMABTP est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des autres parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMABTP, à la commune d'Antibes, aux sociétés Auer-Weber, Panorama Architecture, Apave Infrastructures et Construction, Technosol, Europ'Elec, Tarkett France et Vert Marine.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 septembre 2024.
N° 24MA01700 2