Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203247 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 23MA00567 du 19 avril 2023, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A... B... contre ce jugement.
Par une décision n° 475190 du 10 mai 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2023 et le 13 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Almairac, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juin 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 11 février 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'omission du préfet à avoir visé l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ; en particulier, il ne vise pas l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'un vice de procédure, à défaut de saisine de la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles L. 423-23, L. 425-9, L. 432-1 et L. 611-3-9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreurs de droit, le préfet s'étant fondé sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables, en particulier le 5° de l'article L. 611-1 et l'article L. 612-3 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant péruvien, relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 janvier 2023. Dans ces conditions, sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. M. A... B... a demandé, le 28 février 2019, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande au motif que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public.
4. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; [...] ". Enfin, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / (...). ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le préfet ne peut rejeter, au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, la demande d'un étranger qui remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour pour raison de santé, sans avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour, dont la consultation constitue une garantie pour l'étranger.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est atteint du VIH et que, dans son avis, rendu le 9 janvier 2020, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de ce dernier nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé existant au Pérou, il ne pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans ce pays, les soins nécessités par son état de santé devant, en l'état, être poursuivis pendant une durée de vingt-quatre mois.
7. Le préfet des Alpes-Maritimes, qui a mentionné la teneur de cet avis dans l'arrêté du 11 février 2022, ne conteste pas que M. A... B... remplit les conditions pour bénéficier, de plein droit, d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 432-13 du même code, refuser de lui délivrer un titre de séjour pour un motif d'ordre public sans saisir au préalable la commission du titre de séjour. Par suite, la décision de refus de titre de séjour du 11 février 2022 doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours prise sur son fondement, et celle désignant le pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le motif de l'annulation prononcée dans le présent arrêt n'implique pas que le préfet délivre un titre de séjour à M. A... B..., mais seulement qu'il instruise à nouveau sa demande et prenne une nouvelle décision après saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Almairac, conseil de M. A... B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 juin 2022 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 11 février 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande de M. A... B... après saisine de la commission du titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Almairac une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Almairac.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative ainsi qu'au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
N° 24MA01235 2