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20/09/2024 | FRANCE | N°24MA00539

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 20 septembre 2024, 24MA00539


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2200118 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant l

a Cour :



Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, Mme C... épouse B..., représentée par Me Almairac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200118 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, Mme C... épouse B..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 octobre 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir le cas échant, la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- rien n'indique que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait étudié de manière personnelle son dossier ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- cet arrêté viole les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il viole l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est contraire aux stipulations de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement contesté qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dès lors qu'au cours de la première instance, Mme C... épouse B... a obtenu, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour le 19 mars 2022 renouvelée jusqu'au 30 juillet 2024 qui a implicitement mais nécessairement abrogé cette décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., née le 21 août 1955 et de nationalité ukrainienne, déclare être entrée en France le 11 septembre 2020. Elle a sollicité, le 1er décembre 2020, une demande de titre de séjour " étranger malade ". Par un arrêté du 20 août 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... épouse B... relève appel du jugement du 30 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 août 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'au cours de la première instance, Mme C... épouse B... a obtenu la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour le 19 mars 2022 renouvelée jusqu'au 30 juillet 2024 qui a implicitement mais nécessairement abrogé cette décision. Dans ces conditions, la demande présentée par Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination était devenue sans objet. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.

Sur le non-lieu à statuer :

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. Mme C... épouse B... reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle, ainsi que de la compétence liée du préfet des Alpes-Maritimes au regard de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII n'aurait pas examiné sérieusement la situation personnelle de Mme C... épouse B....

7. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B... souffre d'un cancer de la peau, ayant nécessité une opération chirurgicale en novembre 2020 ainsi qu'un suivi médical régulier. Si elle produit un compte-rendu opératoire du 12 avril 2024 et un compte-rendu médical du 2 mai 2024 démontrant qu'elle est atteinte d'un adénocarcinome pulmonaire, ces pièces sont postérieures à la décision en litige et ne peuvent dès lors être prises en compte pour contester la légalité de l'arrêté attaqué. Pour prendre cette décision, le préfet des Alpes-Maritimes s'est appuyé sur l'avis émis le 28 mai 2021 du collège des médecins de l'OFII selon lequel l'état de santé de la demandeuse nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont l'intéressée est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cette appréciation, Mme C... épouse B... produit des documents médicaux qui s'ils établissent sa pathologie, ne donnent aucune information sur la nature de son suivi médical et sur l'absence de disponibilité de ce suivi dans son pays d'origine. Le certificat médical du 6 novembre 2020 selon lequel l'état de santé de la requérante nécessite la prolongation de sa présence sur le territoire national n'est pas de nature à démontrer l'absence de suivi médical en Ukraine. Par ailleurs, l'intéressée n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations permettant d'estimer que, à la date de la décision en litige, elle n'aurait pu disposer de revenus suffisants dans son pays d'origine lui permettant d'accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé. La seule circonstance que sa fille a attesté prendre en charge ses frais médicaux n'est pas de nature à établir cette absence de revenus. Les circonstances actuelles concernant le conflit entre l'Ukraine et la Russie qui sont apparues postérieurement à la date de la décision contestée, sont sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité que le préfet des Alpes-Maritimes a pu estimer que Mme C... épouse B... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B... est entrée en France le 11 septembre 2020 et réside chez sa fille de nationalité française, laquelle serait mère de deux enfants mineurs. Sa durée de séjour de moins d'un an à la date de la décision contestée est cependant très brève. La requérante n'établit pas être dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans. Si elle soutient qu'elle a exécuté l'arrêté contesté, le 2 novembre 2021 en retournant en Ukraine mais qu'elle a été contrainte en raison du déclanchement de la guerre dans son pays de revenir en France où elle bénéficie désormais d'une autorisation provisoire de séjour depuis le 19 mars 2022, ces circonstances sont postérieures à la décision en litige. Dans ces conditions, cette décision ne peut être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

11. En l'absence de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et alors qu'il ne ressort pas de la décision en litige que le préfet des Alpes-Maritimes se serait prononcé sur ce fondement, Mme C... épouse B... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de cet article.

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Mme C... épouse B... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, laquelle n'a ni pour objet, ni pour effet, de fixer le pays à destination. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination. Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouse B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme C... épouse B....

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que l'avocate de Mme C... épouse B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 octobre 2023 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouse B... à l'encontre des décisions portant l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination du 20 août 2021.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... épouse B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B..., à Me Aline Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.

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N° 24MA00539

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00539
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;24ma00539 ?
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