Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 20 mai 2021 par laquelle le directeur régional Corse-Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'Agence de services et de paiement a refusé de faire droit à sa demande de prime à la conversion, ensemble la décision du 2 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Agence de service et de paiement et l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts, en réparation de préjudices.
Par un jugement n° 2106857 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Enard-Bazire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2023 ;
2°) d'annuler les décisions des 20 mai et 2 juillet 2021 ;
3°) de condamner l'Agence de services et de paiement et l'Etat à lui verser la somme de de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande de première instance ;
4°) de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement et de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur un arrêté portant délégation de signature non produit dans l'instance ;
- la décision du 20 mai 2021 est entachée d'incompétence dès lors que la date de publication de l'arrêté portant délégation de signature n'est pas connue ;
- l'article D. 251-3 du code de l'énergie, dans sa version appliquée, méconnait le principe d'égalité de traitement ;
- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'autant plus que les informations communiquées sur le site Internet dédié de l'administration étaient imprécises ;
- l'imprécision de ces informations engage la responsabilité de l'Etat et justifie que son préjudice soit réparé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Maret, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, indique qu'il n'est pas défendeur dans l'instance et s'en remet aux écritures de l'Agence de services et de paiement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille ayant rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 mai 2021 par laquelle le directeur régional Corse-Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'Agence de services et de paiement a refusé de faire droit à sa demande de prime à la conversion, ensemble la décision du 2 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux, d'autre part, à ce que ladite agence et l'Etat soient condamnés à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait du manque de clarté des informations qui lui ont été fournies en amont du dépôt de sa demande de prime.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 20 mai 2021, sur une décision du président directeur général de l'Agence de services et de paiement portant délégation de signature librement accessible au public sur le site Internet du ministère en charge de l'agriculture, les premiers juges n'ont pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit dès lors être écarté.
Sur la légalité des décisions des 20 mai et 2 juillet 2021 :
3. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le président directeur général de l'Agence de services et de paiement a, par une décision n° 2020/12/PDG du 15 janvier 2020, dûment publiée au bulletin officiel du ministère en charge de l'agriculture n° 3 du 16 janvier 2020, donné délégation à M. B... C..., directeur régional Provence-Alpes-Côte d'Azur adjoint, chef du service de gestion des aides, à l'effet de signer tout document relevant de son domaine de compétence, hors courriers parlementaires. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 20 mai 2021 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les dispositions des articles D. 251-1 et D. 251-3 du code de l'énergie ont respectivement institué, sous certaines conditions, un " bonus écologique " pour l'acquisition notamment d'une voiture particulière fonctionnant à l'énergie électrique ainsi qu'une " prime à la conversion " lorsque cette acquisition s'accompagne du retrait de la circulation, à des fins de destruction, d'une voiture polluante. L'article D. 251-9 de ce code précise que ces aides sont soit versées directement à leur bénéficiaire par l'Agence de services et de paiement, soit avancées à celui-ci par le vendeur de véhicules conventionné à cette fin, sous forme d'imputation sur le prix. Aux termes de l'article D. 251-13 du même code, dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2020 : " Les demandes d'aides sont formulées au plus tard dans les six mois suivant la date de facturation du véhicule ou, dans le cas d'une location, de versement du premier loyer. / En cas de cumul de l'aide instituée à l'article D. 251-1 avec la prime à la conversion prévue par l'article D. 251-3, une seule demande de versement est présentée pour les deux aides. Leur paiement est simultané ".
5. En l'espèce, M. A... a acquis une voiture électrique le 13 mai 2019 et a retiré, pour destruction, une voiture polluante de la circulation le 19 septembre 2019. S'il a présenté le jour même de ce retrait une demande de prime à la conversion directement à l'Agence de services et de paiement, celle-ci lui a été refusée, en dernier lieu par la décision du 20 mai 2021 en litige, au motif que cette demande de versement ne respectait pas les conditions fixées par l'article D. 251-13 du code de l'énergie dès lors qu'elle n'avait pas été faite en même temps que celle tendant à l'obtention du bonus écologique, lequel avait été directement imputé sur la facture de vente du concessionnaire. M. A..., qui ne conteste pas avoir bénéficié du bonus écologique dès le 13 mai 2019, ne saurait sérieusement soutenir que le président directeur général de l'Agence de Services et de paiement aurait à cet égard commis une erreur de fait ou de droit.
6. En troisième lieu, si les dispositions de l'article D. 251-13 du code de l'énergie ont été modifiées à partir du 1er janvier 2020 pour prévoir la possibilité de présenter deux demandes de versement distinctes lorsque le vendeur de véhicule n'avance que l'une des deux aides, M. A..., dont les demandes de versement sont antérieures à l'entrée en vigueur de ces modifications, ne se trouve pas dans la même situation que les personnes qui ont déposé leurs demandes postérieurement. Il ne se trouve pas davantage dans la même situation que les usagers ne sollicitant le bénéfice que d'une seule des deux aides en cause. Il ne saurait dès lors soutenir que le principe d'égalité de traitement serait méconnu.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / (...) ".
8. L'exigence tenant à la présentation d'une seule demande de versement en cas de cumul du bonus écologique et la prime à la conversion en vue d'un paiement simultané n'était pas régularisable dans la situation de M. A... dès lors que le concessionnaire a été payé du bonus écologique dont l'intéressé avait obtenu l'avance le 18 septembre 2019, antérieurement au dépôt par M. A..., le 19 septembre 2019, de sa demande de prime à la conversion. Le requérant ne peut dès lors, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Sur la demande indemnitaire :
9. Par deux courriers distincts, des 8 juin et 29 juillet 2021, M. A... a saisi le directeur général de l'Agence de services et de paiement et le ministre en charge de la transition écologique d'une demande indemnitaire eu égard à la teneur des informations diffusées par l'administration sur Internet. Le premier doit être regardé comme ayant rejeté cette demande par le courrier du 2 juillet 2021, tandis que le second, qui n'a pas défendu dans l'instance et ne soutient dès lors pas ne pas avoir reçu cette demande, doit être regardé comme y ayant opposé un rejet implicite. Le contentieux indemnitaire est dès lors lié, tant à l'égard de l'Agence de services et de paiement que de l'Etat.
10. Le site Internet du ministère en charge de la transition écologique dédié à la prime à la conversion comporte une foire aux questions qui précise aujourd'hui, conformément au nouveau texte de l'article D. 251-13 du code de l'énergie, sous la question " la prime à la conversion et le bonus écologiques sont-ils cumulables ' ", qu'en cas de cumul, une seule demande de versement doit être présentée pour les deux aides, hors le cas de l'avance d'une seule des deux aides par le professionnel. M. A... soutient, sans être contredit et en indiquant précisément la teneur des informations fournies, que lorsqu'il a effectué ses demandes, le même site, sous la réponse à la même question, ne précisait nullement l'exigence tenant à la présentation d'une seule demande de versement, mais seulement le montant d'aide pouvant être cumulé dans certaines conditions. Il y était simplement indiqué, comme aujourd'hui, sous la question " comment puis-je percevoir la prime (...) ' " ou " quelles sont les modalités pour percevoir l'aide (...) ' " la possibilité d'effectuer une demande directe via le télé-service dédié en l'absence d'avance de l'aide par le professionnel. Le requérant est dès lors fondé à soutenir que ce site Internet, présenté comme réunissant l'ensemble des informations à connaître dans le cadre d'une démarche de conversion et auquel les usagers sont fondés à se remettre entièrement, était à cet égard incomplet et de nature à induire en erreur ses destinataires. Cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, éditeur du site Internet en cause, vers lequel le site Internet de l'Agence de services et de paiement se borne à opérer un renvoi.
11. Il n'est pas contesté que la demande de prime à la conversion de M. A... répondait à toutes les autres conditions instituées par la réglementation. Dès lors, le préjudice subi par l'intéressé du fait du caractère incomplet des informations fournies, et qui doit être regardé comme étant en lien direct avec cette défaillance, s'élève au montant de cette prime auquel il aurait eu droit si ses demandes avaient été regroupées. Il n'est pas davantage contesté que ce montant est de 2 500 euros.
12. M. A... ne justifie en revanche pas avoir subi un préjudice moral.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser à hauteur de la somme de 2 500 euros.
Sur les intérêts au taux légal et les frais liés au litige :
14. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme due à compter du 30 juillet 2021, date d'enregistrement de sa demande de première instance au greffe du tribunal administratif de Marseille, ainsi qu'il le sollicite.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de l'Agence de services et de paiement. Il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... présentées sur ce fondement à l'encontre de ladite Agence. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser la somme de 2 500 euros à M. A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2021.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à l'Agence de services et de paiement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.
2
N° 23MA01937
bb