Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par l'article 1er du jugement n° 2308488 du 11 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision portant interdiction à M. B... de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2024, M. B..., représenté par Me Braccini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler les décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 septembre 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français, dès lors qu'il devait se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- le préfet a méconnu la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de Me Braccini, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 septembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. B..., ressortissant marocain né en 1991, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par un jugement du 11 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant qu'il interdit à M. B... de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation de sa demande.
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans exposer d'élément de fait ou de droit nouveau, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il convient ainsi de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
4. M. B... soutient résider de façon habituelle en France depuis qu'il y est entré en 2012 et entretenir une relation avec une ressortissante française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. B... a bénéficié de cartes de séjour en qualité d'étudiant du 30 septembre 2012 au 31 octobre 2015, puis qu'il s'est marié en 2019 avec une ressortissante française, le divorce a été prononcé en 2022. Si le requérant, qui n'a pas de charges de famille en France, se prévaut de sa relation avec une ressortissante française résidant dans le Haut-Rhin, l'attestation établie par cette dernière postérieurement à l'édiction de la décision en litige indiquant qu'ils se retrouvent tous les quinze jours et qu'elle est enceinte de cinq semaines, ainsi que la copie de quelques billets de trains relatifs à des trajets entre Marseille et Mulhouse au cours des mois de juillet et août 2013 ne suffisent pas à établir, de manière suffisamment probante, de la stabilité et de l'ancienneté de la relation qui aurait débuté en juin 2022, et de ce que M. B... serait le père de l'enfant en l'absence de tout autre document tendant à établir la réalité de cette paternité. Si M. B... se prévaut également de son insertion professionnelle, les expériences professionnelles établies par les pièces du dossier, qui consistent principalement en des emplois à temps partiel dans le secteur de la restauration rapide, exercés de façon discontinue, alors même qu'en dernier lieu il occupe un emploi de cuisinier à temps plein en contrat à durée indéterminée à raison duquel il justifie du versement de salaires depuis le mois de juin 2022, ne permettent pas d'établir une insertion socio-professionnelle notable alors que ces emplois ne nécessitent pas de formation ou de qualification particulière, et que par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait obtenu un diplôme au cours de la période au titre de laquelle il a bénéficié de cartes de séjour en qualité d'étudiant. Enfin, les attestations versées au dossier ne sont pas suffisantes pour établir l'existence en France de liens personnels et familiaux stables, anciens et intenses, alors qu'il n'est pas établi que M. B... serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. B....
5. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne pourrait sans erreur de droit être éloigné doit être écarté.
6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Ainsi, M. B... ne peut s'en prévaloir pour soutenir qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.
7. En cinquième lieu, si le deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ", il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur son cas.
8. En sixième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
9. En septième et dernier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, qui a été précédemment invoqué dans les mêmes termes devant le tribunal, par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 11 et 12 du jugement, le requérant ne faisant valoir devant la cour aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées. Il en va de même de ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Braccini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
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N° 24MA00600