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22/07/2024 | FRANCE | N°24MA00542

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 22 juillet 2024, 24MA00542


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa s

ituation.





Par un jugement n° 2303844 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2303844 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, M. B..., représenté par Me Almairac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur l'erreur de droit commise au regard du visa des dispositions des articles L. 412-5, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, de simples cases ayant été cochées ; il traduit un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie alors qu'il réside en France depuis plus de dix ans ;

- il est investi dans la vie associative et politique, paye des impôts et justifie de promesses d'embauche ; il a en France des membres de sa famille et y a été en couple durant quatre ans avec une ressortissante française ; l'obligation de quitter le territoire qui lui a été précédemment opposée est particulièrement ancienne ; il n'a fait l'objet d'aucune poursuite s'agissant de l'usage de fausse monnaie qui lui est reproché ; les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les instructions de la circulaire dite " Valls " ont été méconnues ;

- sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public ; les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas opposables à sa situation ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il cite ces dispositions ainsi que celles des articles L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais né en 1988, relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2023 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En première instance, M. B... soutenait que le préfet avait commis une erreur de droit en visant, dans l'arrêté litigieux, les dispositions des articles L. 412-5, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que celles-ci ne trouvaient pas à s'appliquer à sa situation. Le tribunal administratif n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu. Son jugement est, par suite, irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

4. En premier lieu, l'arrêté litigieux mentionne les textes dont il fait application et précise les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est appuyé pour prendre les décisions attaquées. S'il est en partie motivé par des affirmations stéréotypées cochées, il comporte les éléments propres à la situation du requérant, relatifs notamment à la dissolution de son pacte civil de solidarité, à l'absence de membres de son cercle familial proche sur le territoire et aux pièces produites pour justifier de sa présence sur le territoire. Quelle que soit la pertinence de certaines des appréciations qui y figurent, notamment quant aux perspectives d'embauche de M. B..., il est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et révèle qu'il a été procédé à un examen sérieux de la situation du requérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 / (...) ".

6. D'une part, si M. B... soutient qu'il réside en France de façon habituelle depuis 2007, les pièces qu'il produit sont parcellaires et, eu égard à leur nature, ne justifient pas d'une telle présence, particulièrement s'agissant des années les plus anciennes. Pour les années 2013 à 2015 notamment, il ne produit que des avis d'imposition ne faisant pas apparaître de revenus perçus sur le territoire, deux attestations de présence établies par son oncle en mars 2013 et par une connaissance en décembre de la même année, des promesses d'embauche datées des 1er juin 2013, 1er octobre 2014 et 1er septembre 2015, des ordonnances de consultation médicale des 25 septembre 2013, 10 juin 2014 et 30 octobre 2015, deux attestations d'adhésion à une association à compter du mois de mai 2014 et une facture d'électricité du mois de novembre 2015 pour un contrat dont son oncle seul apparaît titulaire. Dans ces circonstances, M. B... ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû soumettre sa demande d'admission exceptionnelle au séjour pour avis à la commission du titre de séjour.

7. D'autre part, M. B... est séparé de la compagne française qu'il a eue au moins depuis le 30 septembre 2019. Il est célibataire et sans charge de famille. S'il a de la famille de nationalité française, il ne justifie ni des relations qu'il entretient avec elle, ni de ce qu'il serait isolé dans son pays d'origine. Il n'allègue pas avoir des liens sociaux ou amicaux intenses sur le territoire, en se bornant à faire valoir qu'il est adhérent à un parti politique et membre du conseil d'administration de " l'associatif azuréen " ou de l'association " Dental action Nord Sud ". Ainsi, alors même qu'il justifie de plusieurs promesses d'embauche, il ne résulte pas de l'ensemble de ces circonstances que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Dès lors, quand bien même la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il a précédemment été l'objet date de plus de dix ans et l'infraction qu'il a commise le 3 mars 2020 n'a pas donné lieu à poursuites pénales, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées au point 7, les décisions attaquées ne portent pas, eu égard aux buts en vue desquels elles ont été prises, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. En quatrième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué que, si le préfet y a mentionné que M. B... était " défavorablement connu des services de police pour usage de fausse monnaie ", et a visé les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne s'est pas fondé sur ces dispositions, qui font obstacle à la délivrance d'une carte de séjour à l'étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public, pour refuser d'admettre le requérant au séjour. Il ne saurait dès lors être allégué qu'elles ont été méconnues. Par ailleurs, la seule circonstance que le préfet a visé cet article dans l'arrêté litigieux, de même que celle, au demeurant non exacte, qu'il aurait visé les articles L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il n'a pas davantage fait application, n'est pas de nature à caractériser une erreur de droit ou à entacher d'une quelconque illégalité les décisions attaquées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2023. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, dès lors, être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. B... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Aline Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2024.

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N° 24MA00542

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00542
Date de la décision : 22/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-22;24ma00542 ?
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