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22/07/2024 | FRANCE | N°22MA02895

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 22 juillet 2024, 22MA02895


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Gay-Para-Manwaring a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016, pour un montant de 170 498 euros.



Par un jugement n° 2001946 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.



Procédure d

evant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2022, sous le n° 22MA02895, la SARL Gay-P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Gay-Para-Manwaring a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016, pour un montant de 170 498 euros.

Par un jugement n° 2001946 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2022, sous le n° 22MA02895, la SARL Gay-Para-Manwaring, représentée par Me Itey, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 septembre 2022 ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a violé le débat oral et le principe du contradictoire ;

- le ratio prix de vente/chiffre d'affaires d'officines situées dans le même quartier s'est considérablement dégradé ;

- son chiffre d'affaires est en très net recul par rapport au chiffre d'affaires pris pour référence pour la fixation du prix d'acquisition en 2008 ;

- la prise en compte de l'excédent brut d'exploitation (EBE) est aléatoire et peu significative ;

- la progression de son EBE n'a été obtenue qu'au prix d'efforts considérables consentis par les deux associés ;

- la provision pour dépréciation de son fonds de commerce sur les trois derniers exercices est ainsi totalement justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Gay-Para-Manwaring.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Gay-Para-Manwaring ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Gay-Para-Manwaring exploite une officine de pharmacie sous l'enseigne " pharmacie Plein Soleil ". Par une proposition de rectification du 20 juillet 2017 faisant suite à un examen de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de provisions pour dépréciation du fonds de commerce que la société avait constituées au titre des exercices 2014 à 2016. Puis, la direction générale des finances publiques de Toulon lui a adressée, le 1er mars 2019, un avis de mise en recouvrement d'un montant de 170 498 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et des pénalités d'assiette, pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. La SARL Gay-Para-Manwaring a formé, le 15 mars 2019, une réclamation contentieuse tendant à obtenir la décharge totale de ce supplément d'imposition. La société requérante relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 13 G du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, les agents de l'administration peuvent, lorsque des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés, examiner cette comptabilité sans se rendre sur place ".

3. Il résulte de l'instruction que si la vérificatrice a refusé de prendre en compte le tableau des cessions d'officine situées à proximité présenté par la SARL Gay-Para-Manwaring, elle a suffisamment motivé son refus par la circonstance que " ces cessions de fonds de commerce, qui s'échelonnent sur une période de près de trois années, n'intègrent pas les caractéristiques propres à ces fonds de commerce et présentent en tout ou partie des données qui diffèrent de votre mode d'exploitation, tant sur la forme juridique (BIC) que sur la rentabilité ou le chiffre d'affaires ". Ainsi, ce refus ne révèle pas une méconnaissance du débat oral et contradictoire d'autant que la société requérante a pu présenter ses observations au cours d'entretiens téléphoniques les 25 avril 2017, 2 mai 2017, 4 mai 2017 et 27 juin 2017. Par suite, le moyen tiré de la violation du débat oral et du principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de matière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. / Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. / Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général, dont les dispositions ont été reprises pour les exercices ouverts après le 1er janvier 2014 à l'article 214-6 : " (...) 4 - La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. / 5 - La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / 7 - La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / 8 - La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / 10 - La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) / 11 - La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. Elle est calculée à partir des estimations des avantages économiques futurs attendus. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. (...)."

6. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe II à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général citées au point 5 que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.

7. Il résulte de l'instruction que la SARL Gay-Para-Manwaring a acquis, le 3 avril 2008, l'officine de pharmacie sous l'enseigne " pharmacie Plein Soleil " pour un prix de 2 300 000 euros dont 2 140 000 euros au titre des éléments incorporels. Par ailleurs, pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, elle a constitué une provision pour dépréciation du fonds de commerce de 160 000 euros pour chacun de ces exercices, soit un montant total de 480 000 euros.

En ce qui concerne l'appréciation de la valeur vénale actuelle :

8. Pour justifier le bien-fondé de la provision en litige, la SARL Gay-Para-Manwaring soutient que de nombreuses entreprises exploitant des officines de pharmacie ayant acquis leur officine à des prix très élevés sur la base de 110 % ou même 120 % ou 130 % du chiffre d'affaires annuel moyen ont été contraintes de tenir compte de l'évolution très défavorable du marché des officines de pharmacie qui s'est littéralement effondré. Elle produit deux études des cabinets C2C Pharma et de l'Auxiliaire pharmaceutique. Toutefois, ces données externes trop générales ainsi que la référence au contexte baissier du prix des pharmacies, qui n'intègrent pas les caractéristiques propres à ces fonds, ne suffisent pas à établir que la valeur vénale nette actuelle de la pharmacie Plein Soleil aurait subi une réelle dépréciation sur la période litigieuse.

En ce qui concerne l'appréciation de la valeur d'usage :

9. La SARL Gay-Para-Manwaring soutient que son chiffre d'affaires est en très net recul par rapport au chiffre d'affaires de référence pour la fixation du prix d'acquisition en 2008 de son officine, lequel représentait plus de 113,86 % de son chiffre d'affaires moyen annuel. Il résulte cependant de l'instruction que son chiffre d'affaires a baissé de 5,79 % d'octobre 2013 au 30 septembre 2014, puis a augmenté légèrement de 0,52 % du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 et baissé à nouveau de 0,50 % du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016. Par ailleurs, son résultat d'exploitation avant constitution de la provision progresse de façon continue, passant de 206 531 euros en 2013 à 241 506 euros en 2014, puis à 251 526 euros en 2015 et 264 669 euros en 2016, soit + 16,93 % de 2013 à 2014, + 4,15 % de 2014 à 2015 et + 5,23 % de 2015 à 2016. Son résultat fiscal hors provision progresse également passant de 165 417 euros à 193 144 euros, puis à 209 438 euros et à 228 365 euros alors qu'il était de 205 186 euros en 2004/2005, de 152 615 euros en 2005/2006, de 134 614 euros en 2006/2007, soit + 16,76 % de 2013 à 2014, + 8,44 % de 2014 à 2015 et + 9,04 % de 2015 à 2016, ce qui relève une augmentation du résultat d'exploitation par rapport à celui qui a servi de base au calcul de l'acquisition en 2008. Il en va de même pour son excédent brut d'exploitation (EBE) lequel évolue positivement de manière constante avec une progression de + 22,35 % du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014, de + 5,10 % du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 et de + 5,67 % du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016. Si la société requérante soutient que la progression de son EBE n'a été obtenue qu'aux prix d'efforts considérables de ses deux associés en matière de rémunération, l'analyse financière procédant au retraitement de son EBE qu'elle produit montre en tout état de cause que l'EBE a globalement augmenté passant de 204 302 euros pour 2014 à 232 696 euros pour 2015 et à 230 580 pour 2016. Ainsi, non seulement les résultats d'exploitation, fiscal et l'EBE ont augmenté pendant la période examinée mais ils ont également et surtout augmenté par rapport à la période d'acquisition de 2008. Par suite, il n'est pas établi que la valeur vénale actuelle ou la valeur d'usage seraient inférieures à la valeur nette comptable de 2 140 000 euros malgré une diminution du chiffre d'affaires par rapport à 2008.

10. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 9, l'administration fiscale a pu légalement estimer que la provision litigieuse n'était pas déductible des résultats de la SARL Gay-Para-Manwaring au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Gay-Para-Manwaring n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2014, 2015 et 2016.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Gay-Para-Manwaring au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Gay-Para-Manwaring est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gay-Para-Manwaring et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2024.

N° 22MA02895 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02895
Date de la décision : 22/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELARL CABINET PATRICK ITEY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-22;22ma02895 ?
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