Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le mois de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, et de prendre une nouvelle décision, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, cette astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2303312 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Braccini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 1er mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, par application des dispositions des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le mois de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, cette astreinte courant pendant un délai de
trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 à L. 211-8 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation en soutenant qu'il ne justifiait pas d'une insertion professionnelle notable ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise en méconnaissance du principe d'égalité ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale car ayant été prise sur la base d'une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour elle-même illégale ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale, cette décision portant interdiction de retour sur ce même territoire et l'inscription au fichier système d'information Schengen (SIS) sont également illégales ;
- cette décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 29 mai 1979 et de nationalité marocaine, M. B... expose être entré sur le territoire français le 5 juin 1998 et s'y être maintenu depuis cette date. Après le rejet de ses deux demandes de titre de séjour, les 11 janvier 2012 et 23 août 2019, M. B... a demandé une nouvelle fois le 21 octobre 2022, son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande et a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
M. B... relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "
3. Alors qu'il n'a pas à y mentionner tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué dans l'arrêté en litige, de façon précise et non stéréotypée, les éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
5. M. B... soutient être entré sur le territoire français, le 5 juin 1998, à l'âge de dix-neuf ans, aux côtés de sa mère et de l'un de ses frères, afin d'y rejoindre son père qui y résidait et travaillait depuis 1973. Toutefois, et ainsi que les premiers juges l'ont retenu à raison et suivant des motifs non contestés par M. B..., sa résidence habituelle en France ne peut être regardée comme justifiée qu'à compter de novembre 2011, date à partir de laquelle il fournit ses passeports régulièrement renouvelés ne comportant pas de tampons d'entrée ou de sortie du territoire français. Au demeurant, l'appelant n'établit, ni même n'allègue être entré régulièrement en France. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet, le 11 janvier 2012, d'un premier arrêté par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours puis, le 23 août 2019, d'un deuxième arrêté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, assortie d'une inscription dans le système d'information Schengen. Il est constant que M. B... n'a déféré à aucun de ces arrêtés, alors que son recours contre le second de ces actes a été rejeté par un jugement n° 2000056 du tribunal administratif de Marseille du 27 mai 2020, puis par une ordonnance n° 20MA03794 rendue le 18 novembre 2021 par la présidente de la 3ème chambre de la Cour. Par ailleurs, l'appelant, divorcé et sans enfant, a toujours été hébergé et ne démontre pas une insertion professionnelle ancienne et durable sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence en France de certains membres de sa famille, dont ses parents et l'un de ses frères,
il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent encore quatre autres de ses frères et sœurs, lesquels, dans leurs attestations versées au dossier, déclarent avoir conservé des liens avec lui. Enfin, M. B... ne justifie pas être la seule personne à pouvoir aider ses parents dans tous les actes de la vie quotidienne, l'un de ses frères vivant en France ainsi que, selon ses propres déclarations, son oncle, sa tante et son cousin. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en refusant d'admettre M. B... au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris son arrêté litigieux. Le représentant de l'Etat n'a, par suite, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'appelant. L'ensemble de ces moyens doit donc être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. "
8. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il avait sollicité comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Sa décision portant obligation de quitter le territoire français, qui fait suite à cette décision de refus de titre de séjour et qui a été ainsi prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas, en application des dispositions précitées, à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit également être écarté.
9. En troisième lieu, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il résulte de ce qui a été dit au
point 5 que M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait légalement prendre une mesure d'éloignement au motif que l'appelant pourrait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de cet article doit ainsi être écarté.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance par la mesure d'éloignement en litige des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il doit en aller de même, pour les mêmes raisons, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
11. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, il ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. D'une part, M. B... n'étant pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de la décision portant interdiction de retour, doit être écarté.
13. D'autre part, en l'absence d'argumentation spécifique invoquée à l'encontre de la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux retenus pour écarter de tels moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er mars 2023.
Sa requête d'appel doit dès lors être rejetée, y compris, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses prétentions relatives aux frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.
2
No 23MA02690
ot