La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°22MA02650

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 11 juillet 2024, 22MA02650


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de sa responsabilité solidaire dans le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010, 2011 et 2012 auxquelles elle a été assujettie avec son ancien époux.



Par un jugement n° 2006896 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 octobre 2022 et le 12 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Carrascosa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de sa responsabilité solidaire dans le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010, 2011 et 2012 auxquelles elle a été assujettie avec son ancien époux.

Par un jugement n° 2006896 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 octobre 2022 et le 12 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Carrascosa, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge totale ou à défaut partielle de sa responsabilité solidaire dans le paiement des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie avec son ancien époux au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décharge de responsabilité solidaire ne pouvait être refusée au motif que ses revenus de l'année 2017 ont été rectifiés ;

- la décharge de responsabilité solidaire ne pouvait être refusée au motif qu'elle-même et son ancien époux ont été condamnés pour fraude fiscale ;

- il existe une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et sa situation financière et patrimoniale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Carrascosa, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société TMM, dont Mme B... était la gérante, d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et d'un contrôle sur pièces des déclarations de Mme B... et de son ancien époux, M. A..., ces derniers ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant principalement de l'imposition de revenus distribués par la société TMM et de la taxation de revenus d'origine indéterminée. Par une décision du 10 août 2020, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de Mme B..., présentée sur le fondement de l'article 1691 bis du code général des impôts, tendant à la décharge de son obligation solidaire au paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et majorations, auxquelles le foyer fiscal qu'elle formait avec son époux a ainsi été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012. Mme B... relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à cette décharge.

Sur la recevabilité de la demande de décharge de responsabilité solidaire :

2. Aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; / (...) II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé (...) / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes : / a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité. / Pour l'application du présent a, les revenus des enfants mineurs du demandeur non issus de son mariage avec le conjoint ou de son union avec le partenaire de pacte civil de solidarité sont ajoutés aux revenus personnels du demandeur ; la moitié des revenus des enfants mineurs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité est ajoutée à la moitié des revenus communs. / Les revenus des enfants majeurs qui ont demandé leur rattachement au foyer fiscal des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ainsi que ceux des enfants infirmes sont pris en compte dans les conditions définies à l'alinéa précédent (...) d) Pour les intérêts de retard et les pénalités mentionnées aux articles 1727,1728,1729,1732 et 1758 A consécutifs à la rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur, la décharge de l'obligation de paiement est prononcée en totalité. Elle est prononcée, dans les autres situations, dans les proportions définies (...) au a pour l'impôt sur le revenu (...). / 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 982 à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement de l'impôt (...) ".

3. D'une part, il est constant que si Mme B... n'a divorcé qu'au cours de l'année 2018, elle a déposé des déclarations de revenus distinctes à compter de l'année 2017, après qu'une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 1er avril 2014. Par conséquent, alors même que l'administration fiscale a remis en cause le déficit foncier de 2 447 euros déclaré par Mme B... au titre de l'année 2017 et l'a assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, l'administration n'était pas fondée à regarder Mme B... comme n'ayant pas respecté ses obligations déclaratives prévues par l'article 170 du code général des impôts à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que si Mme B... et son ancien époux ont été tous deux poursuivis pour des faits de fraude fiscale, seul M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Marseille, par un jugement rendu le 12 décembre 2018, pour des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt commis en 2010 et 2011 caractérisés par la souscription de déclarations de revenus fortement minorés par la dissimulation des revenus distribués par la société TMM appréhendés sous couvert de fausses factures et de revenus d'origine indéterminée. Saisie de l'appel formé notamment par Mme B... et son ancien époux, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt du 8 octobre 2019, a donné acte du désistement de Mme B..., et confirmé la culpabilité de son ancien époux. Dans ces conditions, l'administration n'était pas fondée à regarder Mme B... et son ex-époux comme s'étant frauduleusement soustraits au paiement de l'impôt mentionné au 1° du I de l'article 1691 bis du code général des impôts par manœuvre.

5. Il résulte de ce qui précède que la demande de décharge de responsabilité solidaire présentée par Mme B... était recevable.

Sur la disproportion marquée et sur l'étendue de la décharge à laquelle peut prétendre la requérante :

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1691 bis du code général des impôts que Mme B... ne peut obtenir la décharge du paiement des cotisations d'impôt sur le revenu en litige ainsi que des intérêts de retard et pénalités dont elles ont été assorties qu'à la condition qu'il existe une disproportion marquée entre le montant de sa dette fiscale et, à la date de la demande, sa situation financière et patrimoniale, nette de charges, et seulement dans les limites résultant de la mise en œuvre des modalités de calcul définies par les a) et d) du 2 de ce même article. Le dossier soumis à la Cour ne comporte pas les éléments complets à prendre en compte pour apprécier l'existence d'une disproportion marquée, à la date de la demande, entre le montant de la dette fiscale de Mme B... et sa situation financière et patrimoniale, nette de charges, et pour déterminer l'étendue des droits de la requérante. Par suite, il y a lieu d'inviter les parties à produire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, les pièces permettant, d'une part, d'apprécier l'existence d'une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale de Mme B... et sa situation financière et patrimoniale à la date de la demande, et, d'autre part, de déterminer le montant de la décharge de l'obligation de paiement des cotisations d'impôt sur le revenu, des intérêts de retard et des pénalités susceptible d'être le cas échéant prononcée, selon les modalités de calcul définies par les a) et d) du 2 de l'article 1691 bis du code général des impôts.

D E C I D E :

Article 1 : Avant dire droit sur la requête de Mme B..., les parties produiront, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, les pièces permettant, d'une part, d'apprécier l'existence d'une disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale de Mme B... et sa situation financière et patrimoniale à la date de la demande, et, d'autre part, de déterminer le montant de la décharge de l'obligation de paiement des cotisations d'impôt sur le revenu, des intérêts de retard et des pénalités susceptible d'être le cas échéant prononcée, selon les modalités de calcul définies par les a) et d) du 2 de l'article 1691 bis du code général des impôts.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

2

N° 22MA02650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02650
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt. - Solidarité entre époux.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CARRASCOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ma02650 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award