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11/07/2024 | FRANCE | N°22MA01937

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 11 juillet 2024, 22MA01937


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Smyrinvest a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes, et d'ordonner le remboursement de la somme de 5 134 euros acquittée le 13 février 2015 au titre des droits d'enregistrement.



Par un jugement n° 200518

2 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Smyrinvest a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes, et d'ordonner le remboursement de la somme de 5 134 euros acquittée le 13 février 2015 au titre des droits d'enregistrement.

Par un jugement n° 2005182 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juillet 2022 et le 14 mars 2024, la SARL Smyrinvest, représentée par Me Ferrandini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, ou à défaut la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et des majorations correspondantes ;

3°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'incidence sur la résolution du litige des principes de neutralité et de proportionnalité de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'interprétation des dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en particulier celles de ses articles 9 et 168 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été informée de l'engagement d'une vérification de comptabilité ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;

- l'administration fiscale, en lui adressant une première proposition de rectification, puis une seconde annulant et remplaçant la précédente, a commis un détournement de procédure en la privant de la possibilité d'exercer la garantie prévue au paragraphe 6 du chapitre premier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- l'administration ne pouvait mettre en œuvre la procédure de taxation d'office ;

- l'administration ne lui a pas notifié d'avis de mise en recouvrement des impositions en litige conforme aux exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales avant l'expiration du délai de reprise ;

- elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui était nécessairement incorporée dans le prix d'acquisition de l'ensemble immobilier qu'elle a revendu ;

- selon l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 A-9-10 n° 81, reprise par la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-20-10 n° 130, lorsque le prix ou la valeur des biens est mentionné sans précision particulière dans un acte ou une déclaration, il y a lieu de considérer que les parties ont entendu énoncer un prix ou une valeur " taxe comprise " ;

- à titre subsidiaire, la taxe sur la valeur ajoutée doit être calculée sur la marge ;

- l'application de la majoration de 40 % est insuffisamment motivée ;

- la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts ne pouvait être appliquée ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 novembre 2022 et le 11 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Smyrinvest ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Smyrinvest, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. À l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a rappelé, selon la procédure de taxation d'office, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la vente, au cours de l'année 2016, de trois appartements dont elle avait fait l'acquisition en 2015. La SARL Smyrinvest relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 et des majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ".

3. L'administration fiscale a envoyé le 4 octobre 2018 à la SARL Smyrinvest, par pli recommandé, un avis de vérification de comptabilité à l'adresse de son siège. Il résulte de la copie d'une lettre du " service clients courrier " de la Poste versée aux débats par l'administration que ce pli a été présenté le 6 octobre 2018 et distribué le 8 octobre 2018. En outre, le gérant de la société, dans un courriel adressé au vérificateur le 10 octobre 2018, a indiqué avoir reçu l'avis de vérification. Dans ces conditions, et alors que cet avis de vérification précisait la période soumise à vérification et mentionnait la faculté pour la société de se faire assister par un conseil de son choix, le moyen tiré de ce que la SARL Smyrinvest n'aurait pas été informée de l'engagement d'une vérification de comptabilité doit en tout état de cause être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

5. Il résulte de l'instruction qu'après une première intervention sur place qui s'est déroulée le 24 octobre 2018, la vérification de comptabilité de la SARL Smyrinvest s'est poursuivie, à la demande écrite de son gérant, dans les locaux de son expert-comptable, où s'est déroulée une deuxième intervention, le 19 novembre 2018, puis une dernière intervention le 11 janvier 2019. Il résulte également de l'instruction que le contrôle n'a porté que sur la taxe sur la valeur ajoutée relative à une unique opération d'achat revente d'un ensemble immobilier. La circonstance, à la supposer établie, que le vérificateur n'aurait évoqué que la vente de deux des trois appartements à raison desquelles l'administration a finalement rappelé la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas suffisante pour démontrer que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue au cours des interventions. Par suite, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait été privée de la garantie s'attachant à l'existence d'un débat oral et contradictoire.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (...) sont opposables à l'administration ". D'autre part, le sixième paragraphe de la rubrique " L'avis de vérification " de cette charte, dans sa version remise au contribuable, prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle vous est précisé plus loin (...). Vous pouvez les contacter pendant le contrôle ".

7. La possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d'imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre. Pour les contribuables relevant de la procédure d'imposition contradictoire, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi de la proposition de rectification. Pour les contribuables relevant d'une procédure d'imposition d'office, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu'à l'envoi des bases d'imposition d'office, ou, lorsqu'il n'a pas été procédé à cet envoi en application du dernier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, jusqu'à la date de mise en recouvrement.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à la SARL Smyrinvest une proposition de rectification datée du 17 janvier 2019, régulièrement notifiée le 21 janvier suivant, laquelle proposait des rappels portant sur la taxe sur la valeur ajoutée relative à la vente de deux des appartements composant l'ensemble immobilier revendu au cours de l'année 2016, puis une seconde proposition de rectification datée du 12 mars 2019, annulant et remplaçant la précédente, par laquelle ont été proposés des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la vente des trois appartements composant cet ensemble immobilier. La société requérante, en se bornant à faire valoir que la proposition de rectification datée du 17 janvier 2019 lui a été adressée quelques jours après la dernière intervention, n'établit pas que l'administration aurait entendu faire obstacle à l'exercice de la garantie tenant à la possibilité de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle. Au demeurant, il est constant que la SARL Smyrinvest n'a pas fait état de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, ni pendant ces opérations, qui se sont achevées le 11 janvier 2019, ni même avant la réception de la première proposition de rectification, le 21 janvier suivant. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis un détournement de procédure.

9. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 287 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois. / (...) 3. Les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition prévu à l'article 302 septies A , à l'exception de ceux mentionnés au 3 bis, déposent au titre de chaque exercice une déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes semestriels pour la période ultérieure (...) ". Aux termes de l'article 204 quater de l'annexe II au code général des impôts : " Ne peuvent bénéficier des modalités simplifiées de liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) - les opérations visées au I de l'article 257 du code général des impôts (...) ", au titre desquelles figurent " les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles ". D'autre part, l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dispose : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Il appartient au contribuable d'établir qu'il a respecté ses obligations déclaratives. En outre, la souscription par un redevable qui relève du régime réel normal d'imposition, des déclarations prévues pour les contribuables soumis au régime simplifié d'imposition est assimilable à un défaut de déclaration qui justifie le recours à la procédure de taxation d'office.

10. Pour estimer que la SARL Smyrinvest se trouvait en vertu du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en situation d'être taxée d'office au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que cette dernière avait déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée simplifiée au titre de la période en cause, alors qu'elle ne relevait pas du régime simplifié d'imposition. La société requérante, qui exerce une activité de marchand de biens, et réalise ainsi des opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du I de l'article 257 du code général des impôts, ne peut, en application de l'article 204 quater de l'annexe II au même code, bénéficier des modalités simplifiées de liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée par le dépôt d'une seule déclaration annuelle, assorti du versement d'acomptes en cours d'année. Par suite, la SARL Smyrinvest, à laquelle l'administration a au demeurant adressé en vain une mise en demeure de déposer des déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période considérée, était en situation d'être taxée d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute d'avoir déposé ces déclarations.

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

11. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

12. Il ressort de l'examen de l'avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de la SARL Smyrinvest le 30 août 2019 qu'il fait référence à la proposition de rectification du 12 mars 2019 à l'origine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, et qu'il indique pour cette taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis de mise en recouvrement doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

13. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 256-6 de ce livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. * 256-3 (...) ".

14. La notification de la proposition de rectification du 12 mars 2019 a valablement interrompu la prescription du délai de reprise applicable à l'imposition en litige. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 30 août 2019 a été envoyé à l'adresse du siège de la SARL Smyrinvest par une lettre recommandée avec avis de réception et que cet avis a été renvoyé au service signé et portant la mention " distribué le 10 septembre ". Par conséquent, dès lors que cet avis de mise en recouvrement a été reçu par la société requérante avant l'expiration, le 31 décembre 2022, du nouveau délai de reprise, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la prescription du délai de reprise était acquise à l'égard des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".

16. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige correspondent à la taxe qui aurait dû être collectée par la SARL Smyrinvest à l'occasion de la cession, au cours de l'année 2016, de trois appartements faisant partie d'un ensemble immobilier dont elle avait fait l'acquisition au cours de l'année 2015. Si l'administration a admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux commissions d'agence à la charge du vendeur à raison des ventes de deux des appartements, conclues le 21 juin 2016, la société requérante revendique en outre la déduction de la taxe comprise selon elle dans le prix d'acquisition de l'ensemble immobilier. Toutefois, il est constant que l'acquisition de l'ensemble immobilier n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, l'acte de vente du 27 janvier 2015 précisant que le vendeur, la société civile immobilière Smyrne, a déclaré " ne pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ", et que cette dernière avait également déclaré ne pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'acte d'acquisition de l'ensemble immobilier conclu le 29 septembre 2011, de sorte que la mutation n'entre pas dans le champ d'application de la taxe. En outre, l'administration fait valoir sans être contredite que la société Smyrne n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société requérante serait en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été nécessairement incorporée dans le prix d'acquisition de cet ensemble doit être écarté, sans que soient méconnus les principes de neutralité et de proportionnalité applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 268 du code général des impôts : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, ou d'une opération mentionnée au 2° du 5 de l'article 261 pour laquelle a été formulée l'option prévue au 5° bis de l'article 260, si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, (...) / les sommes que le cédant a versées (...) pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 5. (Opérations immobilières) : / (...) 2° Les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans. (...) "

18. Il résulte de l'instruction que les appartements revendus en 2016 par la SARL Smyrinvest ont été achevés en 2015. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir à titre subsidiaire que les cessions auraient dû être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l'article 268 du code général des impôts, qui ne s'applique pas aux immeubles achevés depuis moins de cinq ans.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

20. La situation de la société requérante n'entre pas dans les prévisions de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 A-9-10 n° 81, ultérieurement reprise par la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-20-10 n° 130, selon laquelle lorsque le prix ou la valeur des biens est mentionné sans précision particulière dans un acte ou une déclaration, il y a lieu de considérer que les parties ont entendu énoncer un prix ou une valeur " taxe comprise ", dès lors que l'acte de vente de l'ensemble immobilier du 27 janvier 2015 indique expressément, ainsi qu'il a été dit au point 16, que la mutation n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur les pénalités :

21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

22. Le vérificateur a suffisamment motivé l'application de la majoration pour défaut de dépôt des déclarations dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure dans la proposition de rectification du 12 mars 2019 en citant l'article 1728 du code général des impôts et en indiquant que les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée modèle CA3 de l'année 2016 n'ont pas été souscrites dans les délais malgré l'envoi d'une mise en demeure. La circonstance que par ailleurs, la proposition de rectification mentionne à titre subsidiaire l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est sans incidence à cet égard.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

24. Il est constant que la SARL Smyrinvest n'a pas déposé de déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 malgré la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé. Par suite, c'est à bon droit que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par le b) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que la SARL Smyrinvest a spontanément déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée modèle CA 12.

25. En troisième et dernier lieu, dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, la SARL Smyrinvest ne peut utilement soutenir que l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du même code en cas de manquement délibéré, dont l'administration n'a pas fait application.

26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SARL Smyrinvest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Smyrinvest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Smyrinvest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

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N° 22MA01937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01937
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : FERRANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ma01937 ?
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