Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2311461du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2024 et un mémoire complémentaire le 17 juin 2024, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative,
M. A... B..., représenté par Me Borie Belcour, demande à la Cour :
1) d'annuler ce jugement ;
2) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 novembre 2023 et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un certificat de résidence d'un an mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
L'obligation de quitter le territoire français :
- méconnaît les stipulations des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation relative à sa vie privée et familiale ;
- méconnaît l'article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant ;
- est contraire à l'impossibilité de délivrer des obligations de quitter le territoire français à des mineurs en l'obligeant à partir avec toute sa famille ;
La décision fixant le départ volontaire :
- méconnait l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la transposition de l'article 7 de la directive 2008/115/CE ;
L'interdiction de retour sur le territoire français d'un an :
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le
26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024, près le tribunal judiciaire de Marseille.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Angéniol,
- et les observations de Me Borie représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 25 avril 1985, est entré irrégulièrement en France en 2019 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, déposée le 20 février 2019, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 juillet 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 28 septembre 2019. A la suite de son interpellation le 30 novembre 2023 par les services de police, par un arrêté du 30 novembre 2023, le préfet des Bouches-du Rhône, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 8 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423- 14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. B... soutient pouvoir démontrer le caractère habituel et durable de son installation sur le territoire français depuis 2019 avec son épouse et ses deux enfants. Pour ce faire il produit la preuve de son arrivée en France le 17 janvier 2019, justifie la scolarité de ses deux enfants en France depuis 2019 et avance n'avoir aucun visa sur son passeport afin de prouver qu'il n'a pas quitté la France. Cependant, l'ensemble de ces éléments ne constitue en rien la preuve d'une installation habituelle et durable sur le territoire français pour une période au demeurant limitée et pendant laquelle l'appelant s'est soustrait à deux précédentes obligations de quitter le territoire français du 21 novembre 2019 et 15 décembre 2021. De surcroit, ce dernier avance démontrer sa volonté de s'intégrer à la société française en travaillant de manière irrégulière ainsi qu'en s'appropriant la culture française en prenant des cours de français. Or aucune pièce du dossier ne fait preuve de ces cours de français et la simple allégation d'un travail irrégulier ne saurait constituer une réelle intégration sociale et professionnelle. Enfin il n'est pas utilement contesté que l'appelant n'établit pas ne pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où la cellule familiale de l'intéressé pourra s'y reconstituer et ses enfants pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
5. L'appelant soutient que l'obligation de quitter le territoire qui est sienne porte atteinte à l'unité familiale et méconnait de fait l'intérêt supérieur de ses enfants prévu à l'article précité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les enfants de M. B... qui ont respectivement 14 et 16 ans sont de nationalité géorgienne bien que scolarisés sur le territoire français depuis l'année scolaire 2019-2020. Aucun élément ne démontre qu'ils sont dépourvus d'attache quant à leur pays d'origine et dans la mesure où l'épouse de M. B... réside également sur le territoire en situation irrégulière et que la cellule familiale a vocation à se reformer dans le pays d'origine de l'appelant, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de les priver de la possibilité de suivre une scolarité ou de les séparer de leurs parents. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à arguer de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par ailleurs l'obligation de quitter le territoire français est dirigée à l'encontre de M. B... et non contre ses enfants, le moyen tiré de l'interdiction de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un enfant mineur est alors inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation." aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
7. Comme il a été dit au point 3, l'appelant s'est précédemment soustrait à deux obligations de quitter le territoire Français ce seul motif justifiait sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet puisse ordonner à l'appelant de quitter le territoire français sans délais.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. "
9. En cause d'appel l'appelant n'invoque aucunes circonstances humanitaires nouvelles pouvant justifier qu'il ne lui soit pas imposée une interdiction de retour sur le territoire autre que la situation de ses enfants déjà invoquée en première instance alors que cette dernière ne dresse aucun obstacle à une telle interdiction pour les raison précédemment évoquées, dans la mesure ou la cellule familiale peut se reconstituer en Géorgie où les enfants de l'appelant pourront reprendre une scolarité. Pour ces mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du Rhône, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par le requérant sur son fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Borie.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du -Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
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N° 24MA00585