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04/07/2024 | FRANCE | N°24MA00575

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 24MA00575


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l'a obligée à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.





Par un jugement n° 2308801 du 9 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseil

le a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le ter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l'a obligée à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2308801 du 9 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Rudloff, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 19 septembre 2023 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a omis de répondre aux moyens tirés de l'erreur de base légale et de la violation du principe de non-refoulement du demandeur d'asile en application des articles L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 33 de la convention de Genève ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendue dont elle dispose ;

- cette décision a été prise en l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation révélée par de multiples erreurs de fait ;

- le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les articles L. 541-1 et L. 611-1 4° de ce code ;

- il a méconnu le principe de non-refoulement du demandeur d'asile en application des articles L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 33 de la convention de Genève ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée au préfet des Hautes-Alpes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les observations de Me Rudloff, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du rejet, par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 décembre 2020, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 mars 2022, de la demande d'asile présentée par Mme A..., ressortissante russe d'origine tchétchène, le préfet des Hautes-Alpes a, par un arrêté du 16 mai 2022, obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par un jugement du 20 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté au motif que, à la date de cet arrêté, l'OFPRA n'avait pas encore notifié à Mme A... sa décision sur la demande de réexamen de la demande d'asile enregistrée le 10 mai 2022 et qu'ainsi, elle bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français. Par un arrêté du 19 septembre 2023, le préfet des Hautes-Alpes a obligé celle-ci à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 9 octobre 2023 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an. L'intéressée relève appel de ce jugement en tant que celui-ci n'a pas annulé l'arrêté du 19 septembre 2023 en totalité.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...). ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : (...) 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable ; (...) ".

3. Pour obliger Mme A... à quitter le territoire français, le préfet des Hautes-Alpes s'est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a relevé à ce titre que l'intéressée avait déclaré être entrée en France sans passeport et sans visa et qu'elle s'était maintenue sur le territoire français en situation irrégulière après le rejet de sa demande d'asile par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 décembre 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par un arrêt du 30 mars 2022 notifiée le 3 mai 2022. Il a considéré qu'elle ne pouvait bénéficier de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 423-23 du même code, délivrée de plein droit dans la mesure où elle ne démontrait pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine et qu'il n'était donc pas établi qu'elle ne puisse reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine. Il a aussi relevé, sans plus de précisions, qu'elle ne justifiait pas de liens suffisamment intenses, stables et anciens sur le territoire français. Ces mentions révèlent, dans les circonstances de l'espèce, que le préfet a omis de prendre en considération, pour obliger Mme A... à quitter le territoire français, l'existence d'une demande de réexamen de sa demande d'asile et d'un recours à l'encontre de la décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA sur cette demande ainsi que la présence en France, notamment, du fils, de la sœur et de la belle-fille de la requérante qui, à cette date, étaient titulaires d'un titre de séjour ou de récépissés de demandes de titres. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux est fondé.

4. L'obligation de quitter le territoire français étant illégale, les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 19 septembre 2023 en tant seulement qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 19 septembre 2023 prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, que le préfet réexamine la situation de l'intéressée, dans un délai qui doit être fixé à un mois à compter de la notification du présent arrêt, et la munisse, le temps de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rudloff, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rudloff de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2023 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine, ensemble cet arrêté dans cette mesure.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hautes-Alpes de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de la munir, le temps de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rudloff une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rudloff renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rudloff.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Gap.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

N° 24MA00575 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00575
Date de la décision : 04/07/2024

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;24ma00575 ?
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