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04/07/2024 | FRANCE | N°24MA00431

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 24MA00431


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 29 janvier 2022 par laquelle le maire de la commune de Ventabren a tacitement accordé un permis de construire à la SCI Evolutions pour la surélévation d'un bâtiment existant sur un terrain situé 36 Puits du Saule, et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux ainsi que l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le maire de Ventabren a accordé un permis de const

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 29 janvier 2022 par laquelle le maire de la commune de Ventabren a tacitement accordé un permis de construire à la SCI Evolutions pour la surélévation d'un bâtiment existant sur un terrain situé 36 Puits du Saule, et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux ainsi que l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le maire de Ventabren a accordé un permis de construire modificatif à la SCI Evolutions pour la modification des ouvertures présentes sur la façade nord de ce bâtiment, et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux.

Par une ordonnance 2312073 du 31 janvier 2024, le président de la 4éme chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 février et 4 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Gasparri-Lombard, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 31 janvier 2024 du président de la 4éme chambre du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et à titre subsidiaire d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 portant permis de construire modificatif et d'ordonner le retrait des deux ouvertures donnant sur son fond ;

Elle soutient que :

- elle a justifié de son intérêt à agir en qualité de voisine immédiate du projet ;

- le permis de construire tacite et le permis de construire modificatif n'ont pas donné lieu à un affichage ;

- les délais de recours contre le permis de construire tacite n'ont pas couru faute d'affichage du récépissé de dépôt de la demande de permis de construire ;

- le permis de construire modificatif n'a pas fait l'objet d'un affichage ;

- l'implantation du bâtiment existant en zone UD2 ne respecte pas la distance par rapport aux limites séparatives ;

- le projet ne respecte pas la limite d'extension de la surface existante de 20 % imposée par le plan local d'urbanisme car le permis de construire et le permis de construire modificatif prévoient la création de 61 m² de surface de plancher pour une surface existante de 90 m² ;

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2024, la commune de Ventabren, représentée par Me Passet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 4 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- conçernant le permis de construire tacite, le recours gracieux formé par la requérante le 18 janvier 2023 a valu connaissance acquise de sa part et a été de nature à faire courir le délai de recours contentieux ;

- la requérante ne justifie ni de son intérêt à agir, ni de sa qualité de propriétaire d'un terrain voisin immédiat du projet ;

Un mémoire enregistré le 10 juin 2024, présenté par la commune de Ventabren, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Gasparri, représentant Mme B..., et celles de Me de Salve représentant la commune de Ventabren.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite du 29 janvier 2022 par laquelle le maire de la commune de Ventabren a tacitement accordé un permis de construire à la SCI Evolutions pour la surélévation d'un bâtiment existant sur un terrain situé 36 Puits du Saule, et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux ainsi que l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le maire de Ventabren a accordé un permis de construire modificatif à la SCI Evolutions pour la modification des ouvertures présentes sur la façade nord de ce bâtiment, et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux.

2. Par une ordonnance 2312073 du 31 janvier 2024, le président de la 4éme chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, comme manifestement irrecevable, en application des dispositions de l'article R. 222-1 7) 4eme alinéa. Mme B... relève appel de cette ordonnance.

Sur le permis de construire implicite du 29 janvier 2022 :

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 600-1 du même code : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre d'un (...) permis de construire (...), (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...). L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Aux termes de l'article A. 424-17 de ce code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : " Droit de recours : Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (article R. 600-2 du code de l'urbanisme). " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (article. R. 600-1 du code de l'urbanisme). ".

4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a exercé un recours gracieux le 18 janvier 2023 contre le permis de construire tacite du 29 janvier 2022. Son recours gracieux, reçu le même jour en mairie de Ventabren, et qui a valu connaissance acquise de ce permis de construire par l'intéressé, a été rejeté implicitement le 18 mars 2023 et son recours contentieux expirait le 19 mai 2023, alors même que les formalités d'affichage du récépissé du dépôt de demande de permis de construire n'avaient pas été effectuées. La requête enregistrée le 21 décembre 2023 devant le tribunal administratif de Marseille était donc effectivement tardive en ce qu'elle était dirigée contre le permis de construire tacite portant sur l'élévation du bâtiment existant.

Sur la décision du 30 octobre 2023 :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.

8. Il ressort du titre de propriété de Mme B..., produit en appel, qu'elle est propriétaire de la parcelle cadastrée section AR n° 550, sise chemin du Puits du Saule, à Ventabren, voisine immédiate de la parcelle cadastrée section AR n° 329 d'assiette du projet. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le permis de construire autorisant la surélévation d'un bâtiment est devenu définitif. En revanche, la requérante fait valoir que le permis de construire modificatif autorise des ouvertures donnant sur son fond. Eu égard à la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de ce permis de construire modificatif.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa demande comme irrecevable en ce qu'elle était dirigée contre le permis de construire modificatif du 30 octobre 2023. Il y a lieu d'annuler cette ordonnance dans cette mesure et de renvoyer l'affaire également dans cette mesure devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 31 janvier 2024 du président de la 4éme chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle a jugé irrecevables les conclusions de Mme B... dirigées contre le permis de construire modificatif du 30 octobre 2023.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans la mesure indiquée à l'article 1er au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Le surplus des conclusions de chacune des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la commune de Ventabren et à la SCI Evolutions.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

2

N° 24MA00431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00431
Date de la décision : 04/07/2024

Analyses

54-05-04-03 Procédure. - Incidents. - Désistement. - Désistement d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CABINET GASPARRI & LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;24ma00431 ?
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